Le Petit Journal - du Tarn-et-Garonne
Maisons de retraite : “Le système français demeure exemplaire”
Monclar-de-quercy Interview de Marc-henri BECADE, directeur de la Résidence des Trois Lacs
Marc-henri Bécade nous relate le voyage d’étude au sein de la délégation française du Synerpa.
Interview de Marc-henri BECADE, directeur de la Résidence des Trois Lacs
• Quel sont les éléments essentiels de votre parcours professionnel ?
Après avoir exercé dans le sanitaire, je suis devenu directeur de la Résidence des 3 Lacs depuis 2003. J’ai également, en parallèle, participé à la mise en place d’un nouvel Ehpad en 2006 comme directeur. La même année j’ai été élu président fondateur du Réseau de sante départemental Géronto-82. A ce titre, je participais aux réunions du réseau régional Géronto-mip. Je suis, depuis 2004, délégué départemental Tarn et Garonne du Synerpa et membre du bureau régional Occitanie. Le Synerpa est une confédération des maisons de retraites privées et associatives. Les résidences séniors, ainsi que les services de maintien à domicile font également partie de la confédération. J’ai également été élu au bureau du Comité Départemental pour les Personnes Agées.
• Un voyage au Danemark pour les personnes âgées, pourquoi ce choix ?
Le Danemark possède une réussite sur plan économique qui lui permet d’appréhender différemment la prise en charge des personnes âgées. Le chômage s’élève à seulement 4.2% et sur les dernières études le Danemark serait le pays le plus heureux du monde. Le bien-être est recherché afin de permettre un épanouissement de la personne humaine.
• Quelles sont les différences majeures ?
L’etat donne seulement le cadre pour la prise en charge. Les cinq Régions s’occupent des questions de santé. Les municipalités ont des compétences et des responsabilités élargies par rapport à la France. Ces dernières mettent en oeuvre la politique de soins de longues durées pour les personnes âgées et décident comment les ressources doivent être allouées.
Le Danemark possède un management basé sur la confiance. Ici peu de contrôles, peu de protocoles, une liberté est laissée aux intervenants du secteur pour organiser leur travail. En contrepartie, le licenciement peut se faire par s.m.s, sans discussion, avec un barème établi à l’avance de 8 mois de salaire. Le contrat moral, la parole donnée ainsi que le consensus demeurent les rouages de leur fonctionnement social. Les budgets sont donc gérés par les communes. Le secteur privé est peu développé.
Sur le plan pratique, la prise en charge des personnes âgées se réalise avec une domotique très avancée. De nombreux robots, lits médicalisés très performants et des appareils pour relever les personnes qui ont chutés sont à remarquer. Les établissements que nous avons visités bénéficient de surfaces au sol très importantes, plus de 8 000 m2 pour environ 100 lits. Des appartements entre 40 et 80 m2 sont mis à disposition pour chaque résident. Des ratios de personnels présents qui vont bien au-delà de ce que nous connaissons.
L’état d’esprit est plus rigoureux et le management plus libre à la fois. Le paradoxe de cette société qui est à la fois très protectrice financièrement et très souple pour se séparer. Le Lego qui est originaire de ce pays en est un symbole. Les pièces s’assemblent facilement pour créer un bel édifice mais peuvent se séparer très simplement et sans qu’aucune pièce ne soit endommagées.
Les journées de travail se terminent à 16H.
• Comment font-ils pour être aussi performants en aussi peu de temps ? Le consensus et la confiance permettent de gagner du temps. Soit vous adhérez au système de fonctionnement moral soit vous en êtes exclus. Cela ne signifie pas que des désaccords n’ont pas lieu. Les discussions peuvent être vives. Mais les négociations sont réalisées en amont. Et une fois la décision prise l’ensemble des acteurs participent activement et positivement.
Le consensus et le confiance demeurent leur moteur social efficace mais qui n’est peut-être pas entièrement transposable dans notre culture latine.
• En quelques chiffres, quels sont les éléments clés?
Tout d’abord leur taux de chômage est proche du plein emploi avec 4.2%. Ceci a pour conséquence de dégager des budgets sociaux pour les personnes âgées. Le PIB par habitant est bien supérieur à celui de la France, 51 424 euros contre 37 727 pour la France en 2015.
Les années en bonne santé après 65 ans sont supérieures à la France. La France, qui est bien placée par rapport aux autres pays, présente un bilan de 10 années. Quant au Danemark, ce chiffre s’élève à près de 14 ans.
• Quelles sont les évolutions de
"L'ouverture de salles de gymnastique, pour les personnes du 3ème âge, au sein des établissements est une idée intéressante"
dernières leur système politique ?
Depuis les dernières élections, le ministère de la santé est en charge des aînées et non plus le ministère des affaires sociales.
• Comment est financé ce système ?
L’impôt se substitue aux cotisations sociales. Le coût rapporté au PIB par habitant est moins élevé. Le financement est public. Le loyer de la maison de retraite dépend des revenus. Le maximum de reste à charge pour la famille est compris entre 1 300 et 1 880 euros.
• Quelles idées sont à retenir ?
Pour chaque personne âgée, un diagnostic est établi au sein des municipalités pour répondre au mieux aux besoins du citoyen en état de dépendance. La philosophie du système Danois des soins aux personnes âgées est la suivante : peu importe le degré de fragilité, ces dernières ont droit d’être prise en charge de la façon la plus adaptée à leur situation. L’ambition est de garder les gens actifs le plus longtemps possible.
A titre d’exemple, il me semble que l’ouverture de salles de gymnastique, pour les personnes du 3ème âge de la commune, au sein des établissements est une idée intéressante. En effet, cela crée une dynamique et cela permet aux futurs entrants de se familiariser avec l’environnement de L’E.H.PA.D. Cela permet également d’inscrire davantage les maisons de retraite dans leur environnement le plus proche.
Une domotique très performante qui aide à la fois le résident et le personnel. Je pense en particulier à des lits anti-escarre programmés sur huit positions au cours de la nuit afin d’éviter un point de contact unique. Des lits qui permettent de lever le patient par des systèmes mécaniques.
Des lumières led qui dans les couloirs guident les personnes désorientées. Des espaces Solenzen avec des lumières de couleurs qui apaisent les résidents agités. La luminothérapie se trouve au coeur de la prise en charge.
Toutes les municipalités doivent avoir un conseil des séniors. Les personnes de plus de 67 ans peuvent voter.
Après l’âge de 75 ans, la municipalité offre automatiquement la visite d’un représentant de la commune pour parler de leur quotidien. Un bilan est réalisé à cette occasion et le représentant de la commune parle des offres d’activités possibles. Il s’agit du volet prévention et de démocratie consultative.
Au Danemark, une garantie assure que les citoyens admissibles en maison de retraite devront attendre au maximum un délai de deux mois pour obtenir un logement.
Une distinction claire est faite entre les maisons de retraite où le personnel soignant est présent en nombre 24 heures sur 24 et les logements adaptés aux personnes à mobilité réduite.
• Qui vous a reçu et accompagné dans ce travail?
Nous avons bénéficié de l’accueil d’un ensemble de décideurs très large. Nous soulignons que nous avons été très bien reçu et de façon très profesionnelle.
Nous avons été accompagnés par deux personnes de l’ambassade du Danemark à Paris tout au long du voyage. Notre délégation comprenait une parlementaire membre de la commission des affaires sociales.
Nous avons pu rencontrer lors d’échanges fructueux des hauts responsables danois tels que la Maire de la Santé et des soins de la municipalité de Copenhague, la chargé d’affaires et la directrice du département des personnes âgées au ministère de la Santé. Nous avons également rencontré la Présidente du conseil des séniors de la ville D’aalborg. Cette liste n’est pas exhaustive tant l’agenda était chargé.
Enfin, l’ambassadeur de France au Danemark, Monsieur François Zimeray nous a reçu afin de nous livrer sa vérité quant à la sociologie Danoise dans l’objectif de mieux en comprendre les décisions. Ce moment fort de la visite fut très instructif pour définir les contours d’une politique efficiente.
• Quelle est votre conclusion ?
La qualité n’est jamais le fruit du hasard. Cette dernière relève selon moi de synergies de plusieurs facteurs. Tout d’abord l’humain, avec un travail de recrutement pertinent. Le personnel doit adhérer à une vision commune de valeurs humanistes. La formation relève d’un processus continu tout au long de la vie. Ensuite, un certain consensus entre les professionnels du secteur et des usagers doit faire émerger une confiance réciproque. Enfin, les moyens se doivent d’être en adéquation avec les ambitions de prise en charge pour éviter les tensions et les conflits éventuels. Ce n’est qu’à ces conditions que le cercle vertueux du bien-vivre voit le jour. Si le système Danois est en avance sur certains points, il n’en demeure pas moins, qu’il semble que le système français demeure exemplaire. La mutation se poursuit et doit être, en toute transparence, exposée aux familles. Le 19eme siècle a connu les hospices, le 20 ème siècle les maisons de retraite, le 21 ème siècle voit l’émergence de résidences médicalisées et le développement du maintien à domicile.
Si je crois en l’identité des peuples, je crois aussi en la synergie des idées et des pratiques. En matière d’humain l’humilité doit prévaloir. Se substituera à la vérité de la prise en charge des personnes âgées d’aujourd’hui, certainement une autre voie qui émanera des réflexions consensuelles, des améliorations techniques ainsi que des moyens consacrés. L’écoute attentive des aspirations sociologiques de la société envers ses aînés d’une part ainsi que la volonté politique d’autre part demeurent les catalyseurs de ce processus d’amélioration.
Nous espérons que la convivialité et le sérieux de notre délégation aura porté une image positive du Synerpa en particulier et de la France en général
(interview réalisée par Robert LINAS)