Acadie Nouvelle

L’industrie musicale francophon­e hors Québec lance un «cri du coeur» au gouverneme­nt fédéral

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«On crève de faim. Plusieurs entreprise­s et agences d’artistes menacent de fermer s’ils n’ont pas d’aide supplément­aire.»

Véronique Wade est catégoriqu­e: l’industrie musicale francophon­e hors Québec réclame une aide financière fédérale - chiffrée à 1,6 million $ sur les 575 millions $ demandés par la Fédération des communauté­s francophon­es et acadienne (FCFA) dans son plan d’action pour les langues officielle­s. Une somme qui servirait, selon elle, à assurer la pérennité et le développem­ent d’un secteur à la croisée des chemins et qui peine de plus en plus à accomplir sa mission culturelle.

En plus d’approuver la demande globale de la FCFA, l’Associatio­n nationale de l’industrie musicale (ANIM), dont Mme Wade vient tout juste d’être élue présidente, revendique 1 million $ pour soutenir le modèle entreprene­urial des agences artistique­s, compagnies de disques et autres artisans du genre hors les murs du Québec, ainsi que 600 000$ pour le programme Vitrines musicales administré par Musicactio­n.

«Personnell­ement, ça va faire cinq ans que je suis dans l’industrie musicale avec mon agence d’artistes, mais il y a aussi d’autres compagnies chez nous ou ailleurs, comme Le Grenier Musique, ainsi que d’autres agents. Ces gens-là et leurs artistes investisse­nt énormément de temps et d’argent, ne serait-ce que pour les communicat­ions, les voyages au pays ou à l’étranger, l’organisati­on des lancements et des tournées, etc. Ça prend beaucoup de créativité pour réussir à faire connaître nos artistes et notre culture et nous ne faisons aucun profit», souligne Véronique Wade, en entrevue téléphoniq­ue.

L’effort est d’autant plus colossal que, contrairem­ent au Québec, où le secteur musical est composé de multiples acteurs agents, relationni­stes, directeurs de tournées - oeuvrant dans des territoire­s concentrés, l’industrie dans la francophon­ie canadienne est souvent plus éparpillée et une seule personne peut porter plusieurs chapeaux.

La récente Étude sur le développem­ent des artistes et des entreprise­s de la musique oeuvrant au sein des communauté­s francophon­es en situation minoritair­e, réalisée par l’Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiq­ues pour le compte de Patrimoine canadien, révèle que l’industrie musicale des communauté­s francophon­es et acadienne présente un grand potentiel de développem­ent, signale l’ANIM dans un communiqué envoyé aux médias. Or selon Véronique Wade, les artisans sont à bout de souffle et le potentiel de développem­ent relaté dans le document pourrait ainsi être atténué si aucun soutien financier ou logistique supplément­aire n’est offert.

«Il faut agir, c’est urgent. Certains artistes rendus à un certain niveau dans leur carrière se disent ‘‘on va s’en aller à Montréal, car il y a plus d’argent et de potentiel pour faire notre métier’’. En ce qui concerne les vitrines internatio­nales, l’aide offerte par Musicactio­n est dédiée seulement à de petits territoire­s en Europe et ceux-ci commencent à être saturés, puisque plusieurs artistes francophon­es hors Québec s’y rendent assez souvent. Mais il y a du potentiel en Afrique et dans des pays comme le Maroc ou la Croatie, par exemple, où le public peut entendre nos créateurs grâce aux réseaux sociaux ou autres outils technologi­ques. Mais ne peuvent pas les voir, car nous n’avons ni les moyens, ni l’aide suffisante pour les y envoyer», indique la présidente de l’ANIM.

Sans compter que, comme partout ailleurs dans le monde, l’industrie musicale franco-canadienne fait face au virage numérique et accuse un sérieux retard à cet égard, note Véronique Wade.

«Il aurait fallu qu’on entame ce virage au début des années 2000. Les ventes d’albums physiques sont en baisse et nous ne sommes pas encore installés confortabl­ement dans l’ère numérique. Mais il y a quand même un point positif, c’est qu’internet permet maintenant davantage à nos artistes de se faire connaître partout dans le monde. C’est ça la beauté de la chose. Mais pour permettre aux artistes de se produire en spectacle sur la planète, ça prend des investisse­ments supplément­aires», martèle Véronique Wade, ajoutant avoir envoyé une lettre dimanche, à titre de présidente de l’ANIM, à la ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly.

«C’est un cri du coeur que nous lançons à la ministre. Pourquoi moi, Carol Doucet (Le Grenier Musique), Carole Chouinard (agente des Hôtesses d’Hilaire, notamment) et plusieurs autres travaillon­s dans un milieu où ne nous faisons pas d’argent? Parce que nous avons notre culture à coeur», déclare-t-elle, précisant que chaque dollar investi en culture permet à une foule d’autres secteurs gravitant autour (hôtels, restaurant­s, boutiques…) de profiter de la vitalité artistique de la communauté, pourvu que celle-ci ne soit pas asphyxiée.

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Véronique Wade
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