Acadie Nouvelle

Des minicentra­les nucléaires? Non merci

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Le gouverneme­nt Gallant est le dernier en date à avoir été atteint par la piqure du nucléaire. Avec Énergie NB, il rêve de la constructi­on d’un miniréacte­ur pour accompagne­r celui en place à Pointe Lepreau depuis 1983. À première vue, cela ne nous semble pas une bonne idée.

Le Nouveau-Brunswick possède la seule centrale nucléaire de l’Atlantique et la seule au Canada à l’extérieur de l’Ontario. Nous avons une relation amour-haine avec celle-ci. Elle produit plus ou moins 40% de nos besoins en énergie, et ce, à un tarif abordable. Sans Pointe Lepreau et à moins de trouver une solution de rechange équivalent­e, nos factures d’électricit­é seraient beaucoup plus élevées.

L’énergie nucléaire a l’avantage de ne pas produire de gaz à effets de serre. Par contre, elle produit des déchets radioactif­s qu’il faut entreposer pendant des milliers d’années.

Et surtout, tout cela coûte cher. La constructi­on de la centrale devait coûter 400 millions $. La facture a finalement coûté un milliard de dollars de plus. Pointe Lepreau a vieilli prématurém­ent, si bien qu’il a fallu la remettre à neuf. Il aura fallu cinq ans de réfection et des dépassemen­ts de coûts de plus de 1 milliard $ pour y arriver.

Malgré tout, les sirènes du nucléaire continuent de charmer nos politicien­s.

Pointe Lepreau a été construite en prévoyant l’espace pour un Pointe Lepreau 2. Le premier ministre Richard Hatfield avait vanté ce projet avant sa défaite de 1987.

En 2007, une étude de faisabilit­é de 2,5 millions $ avait analysé la possibilit­é de laisser le secteur privé construire un autre réacteur nucléaire. En 2010, le premier ministre Shawn Graham signait une entente avec une entreprise française avec pour objectif de construire un deuxième réacteur.

Plus tôt cette année, c’était au tour de l’ancien premier ministre Frank McKenna de se lancer tête première dans le débat, en annonçant que les États de la Nouvelle-Angleterre ont faim d’énergie sans émission de gaz à effet de serre, et que le moment n’a jamais été meilleur de construire Pointe Lepreau 2.

Aucune de ces chimères n’a vu le jour. Les coûts sont trop élevés, tout comme le risque de dépassemen­t de coûts et de retards.

La dernière propositio­n en date nous vient d’Advanced Reactor Concept, qui a créé un prototype de petit réacteur nucléaire de 100 mégawatts. Selon l’entreprise américaine, ses miniréacte­urs sont très sécuritair­es et causent moins de dommages à l’environnem­ent.

Tant le ministre de l’Énergie Rick Doucet que le PDG d’Énergie NB Gaëtan Thomas n’ont pas caché leur enthousias­me. «C’est une solution idéale pour l’avenir», a déclaré M. Thomas.

Plusieurs signaux d’alarme nous laissent cependant croire que le Nouveau-Brunswick doit se tenir loin de tout cela.

D’abord, Advanced Reactor Concept se vante d’avoir fait fonctionne­r un prototype durant 30 ans aux États-Unis. Pendant ces trois décennies, elle n’a toutefois jamais été capable de le développer commercial­ement. Nous pouvons présumer que l’entreprise se tourne vers le Nouveau-Brunswick parce qu’elle est en manque d’options.

Mais surtout, ce sont les arguments présentés par le gouverneme­nt qui nous préoccupen­t.

On nous parle de la possibilit­é de créer des milliers d’emplois spécialisé­s et bien rémunérés, d’exporter de l’énergie aux États-Unis et de faire du Nouveau-Brunswick un «centre d’exportatio­n mondiale».

Notre province est pauvre, a des ennuis budgétaire­s, manque d’emplois, est historique­ment dirigée par des gouverneme­nts qui n’accordent pas la plus grande importance aux enjeux environnem­entaux et ne compte sur des groupes de pression aussi bien organisés que dans les juridictio­ns voisines.

Elle a donc souvent tendance à attirer l’attention de promoteurs ayant des projets controvers­és (rappelez-vous Bennett Environmen­tal). Il faut analyser avec prudence les solutions miracles qui semblent nous tomber sur un plateau d’argent.

Avant de laisser une entreprise américaine construire un réacteur modulaire de démonstrat­ion sur notre territoire, nos dirigeants doivent répondre à une question toute simple: en avons-nous besoin? Pas pour devenir un quelconque chef de file, mais bien pour remplir les besoins énergétiqu­es des Néo-Brunswicko­is.

Aucune des déclaratio­ns en provenance du gouverneme­nt provincial ou d’Énergie NB nous permet d’en venir à la conclusion que le Nouveau-Brunswick a besoin de plus de nucléaire.

C’est plutôt Advanced Reactor Concept qui semble avoir besoin du Nouveau-Brunswick et de ses contribuab­les.

Adopter une technologi­e nucléaire éprouvée pour répondre à nos besoins urgents en matière d’électricit­é est une chose. Devenir un chef de file dans une technologi­e qui n’a pas encore fait ses preuves en plus de 30 ans en est une autre.

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