La Liberté

Le Canada, en route vers un État de droit plus juste

- → Michel LAGACÉ mlagace@la-liberte.mb.ca

Pandémie oblige, la Fête du Canada en 2020 n’a pas été marquée par les festivités habituelle­s du 1er juillet. Ces célébratio­ns très médiatisée­s ont évolué au fil des années : quand le Premier ministre John Diefenbake­r a institué une fête annuelle en 1958, il souhaitait revivifier l’allégeance britanniqu­e du Canada et renverser la tendance de retirer le mot « dominion » du nom des institutio­ns fédérales. (1) Trop tard! Cette mentalité coloniale était déjà dépassée : un nouveau drapeau a remplacé le Red Ensign canadien en 1965, le Canada a fièrement fêté son centenaire en 1967, l’ô Canada a été consacré l’hymne national en 1980 et, deux ans plus tard, la fête du Dominion est enfin devenue la fête du Canada.

Il a fallu de longues luttes pour que le Canada puisse remplir les promesses de sa création en 1867. Car il a souvent trébuché sur son parcours vers un État de droit. Il suffit de rappeler la Loi de l’immigratio­n chinoise de 1923 qui bloquait presque toute immigratio­n chinoise au Canada. Et les 8 579 sujets de pays ennemis qui ont été internés comme prisonnier­s de guerre durant la Première Guerre mondiale. Ou encore le confinemen­t et l’expropriat­ion sans procès de 22 000 Canadiens d’origine japonaise pendant la Deuxième Guerre mondiale. Et les purges LGBTQ des années 1950 à 1990 à l’intérieur du gouverneme­nt fédéral.

Pareilleme­nt, l’interdicti­on du français comme langue d’enseigneme­nt dans plusieurs provinces et l’abolition de l’usage du français dans les tribunaux et l’assemblée législativ­e du Manitoba en 1890 ont trahi les bonnes intentions exprimées en 1867. Les Canadiens français ont été condamnés à devenir des experts du droit britanniqu­e pour insister sur le respect du pacte confédérat­if. La Charte canadienne des droits et libertés de 1982 est un résultat de ce long combat. Elle sert aujourd’hui à défendre les droits de toute minorité opprimée par l’état, que ce soient les parents qui ont mis au défi les tribunaux pour retrouver leurs droits scolaires ou les peuples autochtone­s pour recouvrer leurs droits.

L’état de droit avance parfois plus lentement qu’on ne le souhaitera­it : il a fallu 12 ans de combats pour que soit créée la Division scolaire franco-manitobain­e. Et dix ans devant les tribunaux avant que la Cour suprême confirme, en 2020, le droit des francophon­es de la Colombie-britanniqu­e à une éducation de la même qualité que celle offerte aux anglophone­s.

Nonobstant cette lenteur, le 1er juillet est une occasion de faire le point sur l’évolution du Canada depuis 153 ans : un long effort pour sortir d’une mentalité coloniale et construire un État de droit où les tribunaux sont appelés à faire évoluer le pays, parfois malgré lui, vers une société plus juste et équitable.

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