La Terre de chez nous

Complainte d’un apiculteur

- SÉBASTIEN LAPORTE Miellerie Laporte, Saint-Norbert, Lanaudière

Une fenêtre sur le quotidien de jeunes de la relève agricole s’ouvre avec cette chronique. Désireux de valoriser leur métier, une dizaine d’entre eux prendront la plume à tour de rôle au cours des prochaines semaines.

La passion de l’agricultur­e m’anime depuis plusieurs années. Cette passion partagée par plusieurs jeunes Québécois est animée par un rêve, celui de nourrir le monde. Mais aujourd’hui, je n’ai ni terre, ni quota, ni ferme. Avec toute l’aide qui m’est offerte, qu’est-ce qui m’empêche de réaliser ce rêve?

Je suis né dans une famille d’entreprene­urs. J’avais la possibilit­é de jouir d’une entreprise familiale déjà bien établie et rentable qui m’aurait assuré une vie confortabl­e. Mais je ne m’y suis jamais senti à ma place. C’est à l’âge de 16 ans que j’ai eu mes premiers emplois dans le domaine de l’agricultur­e. J’ai fait des foins, soigné des moutons et tiré des vaches, jonglant le tout avec mes études et mes quarts de travail dans l’entreprise familiale. Et puis, je suis entré au cégep, comme plusieurs, sans savoir où j’allais et ce que je voulais faire de ma vie.

C’est à 22 ans que j’ai décidé de faire mes études en gestion et technologi­e d’une entreprise agricole. Je faisais partie d’une cohorte de 32 étudiants, tous motivés par une même passion, tous partageant ce même rêve. Ce rêve de vivre de l’agricultur­e, de produire des aliments de qualité, de vivre en contact avec la terre et les animaux et de nourrir le monde. Une partie de ces étudiants provenaien­t de fermes familiales et se préparaien­t à reprendre les rênes de l’entreprise. Toutefois, la majorité était composée de jeunes qui, comme moi, espéraient avoir une carrière en agricultur­e et posséder leurs propres entreprise­s. Au bout de trois ans, nous étions moins de 15 finissants. Pourquoi tant de jeunes ont-ils décroché?

Aujourd’hui, il est vrai qu’il est complexe de transférer une entreprise d’un parent à son enfant. Mais il est encore plus complexe pour un jeune ne possédant qu’une paire de souliers et quelques livres d’école d’avoir sa propre entreprise. J’ai démarré mes études en agricultur­e avec motivation et excitation et je les ai finies avec angoisse et incertitud­es. Comment réussir lorsque le prix d’achat de ta première terre représente davantage qu’une vie de revenus; quand au moment de négocier ta première terre, tu es en compétitio­n avec des producteur­s bien établis? Les marges de revenu des différente­s production­s sont de plus en plus basses. Les conditions météorolog­iques sont de plus en plus difficiles avec les sécheresse­s et les changement­s climatique­s. L’opinion publique et les groupes extrémiste­s font de plus en plus pression. Plusieurs autres enjeux sur l’agricultur­e sont aussi présents. Les obstacles auxquels un jeune doit faire face afin de s’installer sont énormes. La profession en est beaucoup moins séduisante.

La volonté de la relève agricole est présente, mais les embûches font que peu d’entre nous y parviennen­t. L’aide à la relève n’est toujours pas suffisante. On en vient à se demander si le rêve de vivre de l’agricultur­e se transforme peu à peu en utopie.

« Je faisais partie d’une cohorte de 32 étudiants, tous motivés par une même passion, tous partageant ce même rêve. […] Au bout de trois ans, nous étions moins de 15 finissants. Pourquoi tant de jeunes ont-ils décroché? » En collaborat­ion avec la Fédération de la relève agricole du Québec

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Sébastien s’est tourné vers l’apiculture, où le coût de démarrage est moins élevé, ce qui facilite l’accès à la production. Par contre, tout n’est pas que rose.
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