Le Devoir

Deux héros face à une ligne rouge

Dans un 21e roman, Michael Connelly met en examen un ex-policier et son dilemme

- MICHEL BÉLAIR

Depuis Les égouts de Los Angeles, La glace noire et La blonde en béton, personne n’a jamais vraiment mis en doute le talent de Michael Connelly. Sans compter que l’auteur du Poète — qui figure au rang des grands polars de l’histoire, toutes langues confondues — est aussi le père d’un des enquêteurs les plus connus du genre: Hieronymus «Harry» Bosch.

Mais au cours des dernières années — disons depuis que le prolifique Connelly a tenté de se renouveler en créant le personnage de Mickey Haller (L’avocat à la Lincoln, Le verdict du plomb, etc.) —, ses fans les plus critiques se sont mis à déchanter. Connelly a fait de Bosch et de Haller deux demifrères se croisant régulièrem­ent dans ses dernières parutions avec plus ou moins de bonheur, avouons-le.

Maintenant que Harry vit une retraite forcée, voilà que Haller veut l’engager comme enquêteur…

Défaire la toile

Bosch a quitté l’escouade des crimes non résolus du LAPD en très mauvais terme avec son patron. Mais de là à accepter de franchir la ligne et de travailler pour la défense dans une affaire de meurtre…: Harry Bosch se perçoit toujours comme un flic. Et il n’est pas question pour lui de passer de l’autre côté de la ligne. C’est là le point central du roman, son titre anglais original même (The Crossing, beaucoup plus clair que le titre français tarabiscot­é, qui laisse supposer n’importe quoi). Tout le reste est, précisémen­t, de la littératur­e.

Mais de la fort bonne littératur­e, disons-le tout de suite. Haller parvient d’abord à appâter Bosch en lui faisant prendre conscience que son client est innocent: le policier n’a plus alors qu’à se dire que le vrai coupable est au large, en liberté. Reste à le coincer et, surtout, à défaire la toile de fausses preuves habilement tissée autour de l’affaire, il s’en rend compte à mesure qu’il avance dans son enquête. Le défi est d’autant plus intéressan­t que ce sont deux ripous qui ont orchestré cette sinistre série de huit meurtres, Bosch mettra beaucoup d’efforts et de temps à s’en rendre compte. Le voilà donc doublement aux prises avec ses anciens amis du LAPD… et le drame moral qui le déchire depuis le début dans cette histoire. Mais les faits sont là et ils s’accumulent lourdement. Bientôt Bosch passera à l’attaque et l’affronteme­nt sera mémorable; en fait, la charge est si forte qu’il aura besoin d’une aide providenti­elle pour s’en sortir vivant.

Il faut surtout retenir de cela que Connelly est de retour. L’histoire qu’il tricote devant nous est d’une complexité exceptionn­elle et le lecteur, qui connaît les coupables depuis le début, sait tout ce que Bosch devra investir pour parvenir à faire la lumière sur tout cela. La réussite est si complète qu’on remarquera à peine quelques gaffes insupporta­bles du traducteur quand il emploie un vocabulair­e relié au baseball — les Français n’y comprendro­nt jamais rien!

Bref, voilà un grand Michael Connelly, et il serait trop bête de se priver d’un tel plaisir.

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CHARLEY GALLAY GETTY IMAGES / AGENCE FRANCE-PRESSE Depuis que Connelly a tenté de se renouveler en créant le personnage de Mickey Haller, ses fans les plus critiques se sont mis à déchanter.
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