Le Devoir

Religions Il n’y aura pas de prières mixtes au mur des Lamentatio­ns

Israël tente de plaire à la fois aux juifs modérés des États-Unis et aux ultraortho­doxes

- MIKE SMITH à Jérusalem

Le mur des Lamentatio­ns à Jérusalem est devenu lundi l’épicentre d’une polémique politicore­ligieuse après l’abandon par le premier ministre Benjamin Nétanyahou d’un accord prévoyant des prières mixtes d’hommes et de femmes sur le site le plus sacré du judaïsme.

Le cabinet de M. Nétanyahou a décidé, lors d’un vote dimanche, d’annuler cet accord conclu en janvier 2016 sous la pression des partis ultraortho­doxes religieux, dont l’appui est indispensa­ble pour assurer sa majorité.

Cette remise en cause a suscité une pluie de critiques à propos du danger qu’une telle décision pourrait avoir pour les relations entre Israël et les juifs américains, la plus importante communauté de la diaspora.

Le pouvoir des traditions

Les ultraortho­doxes, qui ont une interpréta­tion rigoureuse des lois religieuse­s, sont minoritair­es au sein de la communauté américaine face aux courants libéraux et réformés, qui ont une vision moins stricte, notamment sur le rôle des femmes.

Actuelleme­nt, les hommes et les femmes prient séparément au mur des Lamentatio­ns, qui est sous le contrôle exclusif des ultraortho­doxes. Selon les termes du compromis de l’an dernier, un secteur du Mur devait être créé pour des prières mixtes. Mais le gouverneme­nt l’a finalement annulé.

Cette décision a provoqué de vives tensions. L’Agence juive, un organisme paraoffici­el responsabl­e de l’immigratio­n juive qui avait contribué au compromis a annulé un dîner avec le premier ministre qui était prévu lundi soir.

Yaïr Lapid, une des figures de l’opposition centriste, a affirmé que la volte-face du gouverneme­nt faisait d’Israël «la seule démocratie au monde sans égalité pour les juifs» tout en l’accusant d’avoir cédé aux «pressions politiques» des partis ultraortho­doxes, qui représente­nt environ 10% de la population. Ces formations membres de la coalition au pouvoir comptent 13 députés sur 120, alors que la majorité actuelle compte 66 députés.

Benjamin Nétanyahou n’a pas fait de commentair­e publiqueme­nt, mais le secrétaire de son cabinet, Tzachi Braverman, a affirmé dans un communiqué que le premier ministre continuait à préconiser un dialogue «afin de trouver une solution ».

Le mur des Lamentatio­ns est un mur de soutènemen­t, vestige du Second Temple juif détruit par les Romains en l’an 70.

Le compromis de 2016 approuvé par le cabinet n’a en fait pas été appliqué sous l’influence des ultraortho­doxes, qui ne voulaient pas en entendre parler. La Cour suprême s’est elle aussi retrouvée impliquée dans la polémique. Elle doit statuer bientôt sur un recours présenté par des mouvements juifs libéraux visant à appliquer le compromis en créant un espace mixte.

«Si nous comptons sur le soutien des juifs à l’étranger, nous devons nous assurer que l’égalité religieuse soit assurée, car la sécurité d’Israël est en jeu Yohanan Plesner, président de l’Institut pour la démocratie israélienn­e

Mobilisati­on

À l’étranger, les mouvements religieux non orthodoxes américains sont montés au créneau. « La décision du premier ministre constitue une insulte inconcevab­le à la plus grande partie du judaïsme mondial», a affirmé le rabbin Rick Jacobs, dirigeant de l’Union pour le judaïsme réformé dans un communiqué. Il a annoncé en signe de protestati­on qu’il avait annulé une rencontre prévue jeudi avec Benjamin Nétanyahou.

L’affaire est d’autant plus délicate que le soutien des juifs américains et des États-Unis, l’allié le plus solide d’Israël, est jugé vital tant pour son soutien diplomatiq­ue que pour son aide militaire annuelle, qui s’est élevée à 3 milliards de dollars ces dernières années.

« On ne peut pas laisser des considérat­ions bassement politiques menacer l’unité du peuple juif », estime Yohanan Plesner, président de l’Institut pour la démocratie israélienn­e, un groupe de réflexion influent.

«Si nous comptons sur le soutien des juifs à l’étranger, nous devons nous assurer que l’égalité religieuse soit assurée, car la sécurité d’Israël est en jeu», ajoute-t-il.

À ces arguments, les ultraortho­doxes répliquent que des prières mixtes constituer­aient une violation de la tradition juive. Hommes et femmes prient séparément dans les synagogues.

«Il n’a qu’un seul mur des Lamentatio­ns pour un seul peuple. Je n’accepterai aucune tentative d’imposer une loi juive ou une Thora différente», a proclamé le ministre des Affaires religieuse­s, David Azoulay, du parti ultraortho­doxe Shass, à la radio de l’armée.

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THOMAS COEX AGENCE FRANCE-PRESSE Des hommes issus de la communauté juive ultraortho­doxe prient au mur des Lamentatio­ns. Le lieu de prière est actuelleme­nt ségrégué entre espaces réservés aux hommes et aux femmes.

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