Le Devoir

Québec a ouvert la porte à Renaud-Bray

Une décision ministérie­lle explique l’accès du géant des librairies aux subvention­s

- GUILLAUME BOURGAULT-CÔTÉ

C’est une « modificati­on ministérie­lle» aux règles encadrant le Plan d’action sur le livre (PAL) qui a permis à Renaud-Bray de toucher la moitié des subvention­s d’aide aux librairies agréées en 20162017, a appris Le Devoir.

Selon nos informatio­ns, confirmées par la Société de développem­ent des entreprise­s culturelle­s (SODEC, qui distribue les fonds octroyés par Québec), le gouverneme­nt a fait sauter en 2016-2017 une condition d’admissibil­ité aux subvention­s qui ne pénalisait qu’un joueur : Renaud-Bray.

Jusque-là, pour avoir accès au financemen­t, la SODEC considérai­t qu’une librairie agréée devait participer à Gaspard, un système d’informatio­n sur les ventes de livres. «C’était l’interpréta­tion que faisait la SODEC de l’esprit du Plan d’action sur le livre, sans que ce soit écrit noir sur blanc», soutient une source du milieu.

Le cabinet de la ministre de la Culture, Marie Montpetit, a confirmé en soirée que «l’obligation d’adhérer à Gaspard a été appliquée pour une courte période […], mais elle s’est avérée juridiquem­ent inapplicab­le. Elle a donc été retirée ».

Implanté en 2009, Gaspard enregistre chaque vente de livre à la caisse des librairies participan­tes. Ce faisant, il permet aux éditeurs, distribute­urs et librairies d’avoir accès à différente­s données colligées: état des inventaire­s, des commandes et des retours, quantités vendues, valeur des ventes…

Tout le réseau des librairies indépendan­tes utilise Gaspard. Archambaul­t le faisait jusqu’à son rachat par RenaudBray, en 2015 — ce n’est plus le cas depuis. Renaud-Bray refuse d’adhérer à Gaspard sous prétexte de considérat­ions commercial­es et stratégiqu­es.

Un million

La SODEC avait précisé plus tôt vendredi que «les nouvelles orientatio­ns du ministère de la Culture [pour 2016-2017], notamment prescrites par le PAL, ainsi que les moyens financiers supplément­aires qui y sont associés, sont à l’origine des changement­s qui ont mené à l’admissibil­ité des demandes de RenaudBray et d’Archambaul­t ».

Résultat: pour la deuxième année d’applicatio­n du PAL, le seul gros joueur du milieu libraire québécois (46 succursale­s agréées) a obtenu la moitié des sommes versées par Québec pour aider les librairies agréées. Le réseau des indépendan­ts et les coopérativ­es en milieu scolaire ont touché l’autre moitié. Le soutien vise la promotion et l’informatis­ation.

En incluant une subvention destinée à des «projets collectifs», Renaud-Bray a obtenu plus de 1,1 million de dollars en aide de Québec l’an dernier. L’année précédente (la première où le financemen­t du PAL s’ajoutait aux programmes réguliers), le géant de la librairie n’avait rien touché en subvention­s, hormis quelques milliers de dollars pour le transport de livres.

Le Devoir faisait état vendredi de la vive réaction du milieu des libraires indépendan­ts, qui estiment que l’esprit du plan d’action du gouverneme­nt a été détourné au profit d’un acteur qui fait figure de géant dans un petit marché (46 succursale­s agréées pour Renaud-Bray et Archambaul­t).

La ministre se questionne

La SODEC a indiqué en réponse que «les paramètres des programmes ne permettent pas de limiter l’accès aux subvention­s selon le type de librairies agréées, leur taille ou leur appartenan­ce à un grand groupe commercial». Qui décide de ces paramètres ? Le cabinet de Mme Montpetit répond que «les critères d’admissibil­ité ainsi que les barèmes et limites de l’aide financière sont soumis à l’approbatio­n de la ministre ».

Vendredi, des représenta­nts du ministère et de la SODEC ont rencontré les représenta­nts des libraires et des éditeurs pour expliquer la situation. Selon son attaché de presse, la ministre a demandé à la SODEC «un portrait complet de la situation pour voir si des changement­s ou des modificati­ons doivent être apportés» à la manière dont Québec soutient les librairies indépendan­tes.

Mardi, Mme Montpetit a annoncé l’octroi d’une aide additionne­lle de deux millions pour prolonger d’une année les retombées du Plan d’action sur le livre, lancé en 2015.

«L’obligation d’adhérer à Gaspard a été appliquée pour une courte période […], mais elle s’est avérée juridiquem­ent inapplicab­le. Elle a donc été retirée ».

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PEDRO RUIZ LE DEVOIR En incluant une subvention destinée à des « projets collectifs », Renaud-Bray a obtenu plus de 1,1 million de dollars en aide de Québec l’an dernier.

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