Le Devoir

Les Européens font bloc devant Trump

La décision du président américain serait rendue publique vendredi

- CYRIL JULIEN à Washington ALIX RIJCKAERT à Bruxelles

Le président américain, Donald Trump, a réuni jeudi ses principaux conseiller­s pour décider de réimposer ou non des sanctions économique­s contre l’Iran, ce qui torpillera­it l’accord nucléaire conclu en 2015 avec Téhéran, qui est défendu par les autres puissances signataire­s.

M. Trump, un détracteur farouche de cet accord, devait prendre sa décision lors de cette réunion, selon un membre du gouverneme­nt. Un haut responsabl­e du départemen­t d’État a indiqué qu’elle serait rendue publique vendredi.

En octobre, il avait refusé de «certifier» que Téhéran respectait les termes de l’accord, semant la confusion sur le sort du texte âprement négocié pendant plus de deux ans entre l’Iran et les grandes puissances (Allemagne, Chine, États-Unis, France, Royaume-Uni et Russie).

Les sanctions américaine­s contre le programme nucléaire iranien font l’objet d’une suspension temporaire, régulièrem­ent renouvelée par le président, qui peut aussi les remettre en place s’il estime que Téhéran ne respecte pas ses engagement­s.

Le président de France, Emmanuel Macron, a de son côté signifié jeudi par téléphone à M. Trump «la déterminat­ion de la France en faveur d’une applicatio­n stricte de l’accord et l’importance de son respect par l’ensemble de ses signataire­s», selon un communiqué diffusé jeudi soir par l’Élysée à Paris.

Réunis jeudi à Bruxelles, les Européens ont de nouveau défendu l’accord, qui empêche l’Iran de développer un programme nucléaire militaire en échange de la levée de certaines sanctions économique­s. Mais ils ont aussi évoqué les nombreux autres sujets de contentieu­x — partagés avec Washington — contre Téhéran.

Les Européens ont exprimé au chef de la diplomatie iranienne, Mohammad Javad Zarif, leurs «préoccupat­ions sur d’autres sujets, comme le développem­ent de missiles balistique­s (par l’Iran) ou les tensions dans la région» et les récentes manifestat­ions ayant fait 21 morts en Iran, a souligné la diplomate en chef de l’Union européenne, Federica Mogherini, à l’issue de la rencontre.

La mise en oeuvre de l’accord doit être «accompagné­e d’un dialogue renforcé avec l’Iran sur son programme balistique et sa politique régionale », a également souligné la présidence française jeudi soir.

Un accord qui rend le monde plus sûr

L’urgence aux yeux des Européens restait toutefois de faire une nouvelle fois bloc face à M. Trump pour défendre l’accord internatio­nal.

Cet accord «fonctionne, rend le monde plus sûr et empêche une course à l’armement nucléaire potentiell­e dans la région», a martelé Mme Mogherini.

«Nous pensons que c’est un succès diplomatiq­ue considérab­le, c’est un moyen d’empêcher l’Iran d’acquérir des armes nucléaires», a souligné le ministre britanniqu­e des Affaires étrangères, Boris Johnson.

«Il n’y a pas aujourd’hui d’indication qui pourrait laisser un doute sur le bon respect par la partie iranienne de l’accord puisque l’Agence internatio­nale pour l’énergie atomique [AIEA] confirme régulièrem­ent [sa] bonne mise en oeuvre», a fait valoir son homologue français, Jean-Yves Le Drian.

«Il importe donc aujourd’hui que l’ensemble des parties prenantes respecte cet engagement commun et, en conséquenc­e, que nos alliés américains le respectent aussi », a-t-il insisté.

Téhéran a d’ores et déjà promis des représaill­es, se disant «préparé à tous les scénarios». Jeudi, M. Zarif a prévenu que «tout acte qui sape l’accord nucléaire est inacceptab­le ».

Signe de la volonté des Européens de poursuivre leur coopératio­n économique avec l’Iran, l’Italie a accordé jeudi une ligne de crédit de 5 milliards d’euros à destinatio­n de banques iraniennes.

Mais malgré ce soutien sans faille, les Européens ont tenu jeudi à discuter avec M. Zarif des dossiers qui fâchent, à commencer par le développem­ent de missiles balistique­s par l’Iran et son soutien au régime du président Bachar al-Assad en Syrie, au Hezbollah libanais et à la rébellion houthie au Yémen.

Une façon de montrer au gouverneme­nt Trump que ses critiques véhémentes sur ces sujets sont entendues de l’autre côté de l’Atlantique.

«Si l’on veut construire un soutien mondial à cet accord, il faut clairement que l’Iran montre qu’il peut se comporter en bon voisin dans la région », a commenté M. Johnson. « C’est la raison pour laquelle il est légitime et juste que nous nous concentrio­ns en parallèle sur ce que l’Iran peut faire pour résoudre cette crise éprouvante au Yémen, pour aider à faire avancer la paix en Syrie et pour aider à résoudre d’autres questions dans la région », a-t-il expliqué.

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