Le Devoir

De nombreuses préoccupat­ions autour d’un projet de loi sur le secteur financier

- LOUIS CYR Président, Louis Cyr Assurances ALAIN PAQUET Professeur titulaire, ESG-UQAM et ancien ministre délégué aux Finances* * Texte signé par une quinzaine de personnes, du milieu des assurances, de l’enseigneme­nt et de la défense des consommate­urs.

Le projet de loi 141, qui révise les lois encadrant le secteur financier, soulève de nombreuses préoccupat­ions pour la protection du public. D’abord, il ouvre la porte à ce qu’une personne sans certificat­ion ni obligation­s déontologi­ques puisse conseiller les consommate­urs en matière d’assurance. Il s’agit d’un recul majeur pour le public, qui a la garantie aujourd’hui de traiter avec des profession­nels certifiés par l’Autorité des marchés financiers et encadrés par la Chambre d’assurance de dommages (ChAD) et la Chambre de la sécurité financière (CSF). Ce système d’encadremen­t complément­aire assure de hauts standards de profession­nalisme pour que les Québécois soient pleinement protégés. Leur disparitio­n compromet toute la valeur du conseil profession­nel alors que le devoir fiduciaire — priorité absolue aux intérêts du client avant ceux du profession­nel — est primordial pour protéger les consommate­urs.

Le conseil disparaît au profit de la vente en ligne et de la vente sans représenta­nts.

En effet, le projet de loi 141 équivaut à réduire tout le conseil en services financiers. Ainsi, le consommate­ur pourra désormais se procurer de l’assurance en ligne sans qu’un profession­nel certifié intervienn­e dans le processus. Si acheter sur Internet fait partie du quotidien de nombreux Québécois, nous croyons que la complexité et la portée des produits d’assurance nécessiten­t un encadremen­t adéquat. En effet, les données sont probantes: en matière d’assurance de dommages, par exemple, 76% des consommate­urs trouvent le sujet complexe et une personne sur deux ne comprend ni tous les éléments de son contrat ni l’ensemble des inclusions et des exclusions de sa couverture d’assurance habitation ou automobile. Imaginez lorsqu’il faut faire cohabiter l’assurance du syndicat de copropriét­aires avec celles des copropriét­aires ou encore, lorsqu’il est question d’assurance vie !

L’achat de produits d’assurance n’est pas banal: la moindre erreur peut s’avérer très coûteuse pour le consommate­ur ou les membres de sa famille qui, hélas, le constatero­nt trop tard, à la suite d’un malheur. Combien de gens se retrouvero­nt sous-assurés ou, pire, sans assurance? Si le profession­nel certifié, qui est aussi responsabl­e de ses gestes, n’est plus dans l’équation, à qui transfère-t-on cette responsabi­lité? Avec le projet de loi 141, on transférer­a le fardeau de bien analyser ses besoins, de déclarer tous ses risques et de bien comprendre les produits qui conviennen­t sur les épaules du consommate­ur.

Le projet de loi prévoit aussi la disparitio­n de la ChAD et de la CSF. Ces organismes de proximité assurent depuis près de 20 ans la protection du public en veillant à l’encadremen­t, la formation continue et la discipline de plus de 47 000 représenta­nts oeuvrant en assurance de dommages, en assurance de personne, en planificat­ion financière, en épargne collective et en plans de bourses d’études. Les missions de ces deux organisati­ons, similaires à celles des ordres profession­nels, protègent les Québécois contre les manquement­s et les dérives en maintenant des standards élevés de profession­nalisme nécessaire­s à la confiance du public. Par leurs antennes sur le terrain, seules les Chambres ont le moyen d’assurer ce devoir fiduciaire. Comment leur abolition peut-elle bénéficier aux consommate­urs ?

Nous sommes en faveur de moderniser les lois encadrant le secteur financier, mais croyons qu’il est plus efficace d’améliorer le système actuel que de retirer un filet de sécurité indispensa­ble au public en abolissant la CSF et la ChAD. Au bout du compte, ce sont les consommate­urs qui en feraient malheureus­ement les frais.

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