La réponse aux besoins des jeunes autochtones n’est pas satisfaisante
Le manque de familles d’accueil et de logements adéquats figure parmi les problèmes recensés
Les enfants autochtones, surtout les Inuits, demeurent fortement représentés dans les dossiers et les plaintes, soutient la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) qui témoignait devant la Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics. Il en ressort de graves problèmes de logement et un manque de familles d’accueil particulièrement criants au Nunavik.
Selon Louise Sirois, enquêtrice au secteur des droits de la jeunesse, 10% des enquêtes individuelles visent des enfants autochtones, ce qui constitue un pourcentage important.
Parmi tous les dossiers visant la jeunesse autochtone, ceux concernant les Inuits sont les plus nombreux (33%), devant la Baie-James (19%) et l’Abitibi-Témiscamingue (19%). Les dossiers du Nunavik proviennent majoritairement (71 %) de villages de la baie d’Hudson. « Une des explications possibles est que la population est plus grande […] et que les services de première ligne [y] sont moins développés», a indiqué Mme Sirois. En Abitibi-Témiscamingue, les communautés francophones font davantage de signalements. «Il y a peut-être moins de problèmes sociaux [dans les communautés anglophones] ou, en tout cas, ils sont mieux cachés.»
Les plaintes provenant des communautés sont surtout faites par des intervenants sociaux ou des juges, mais rarement par les parents. Les plaintes sont les mêmes que chez les non-autochtones, notamment pour un service inadéquat que reçoit un enfant parce qu’un intervenant social de la communauté est parti et qu’il n’a pas été remplacé. «Un enfant qui est placé dans une famille, en l’absence de l’intervenant, il va lui arriver des problèmes et il va être déplacé d’un endroit à l’autre», a expliqué Mme Sirois.
Des jugements ignorés
Les enfants inuits sont également plus nombreux à faire l’objet de décisions rendues en matière de protection de la jeunesse. Depuis le 1er janvier 2016, sur 11 jugements reçus, la majorité concernait des Inuits.
Plusieurs cas mettent en cause des intervenants du Directeur de la protection de la jeunesse (DPJ), qui ne respectent pas les ordonnances faites par des juges. Me Sophie Papillon, conseillère juridique à la CDPDJ, a donné l’exemple d’un enfant à qui le DPJ avait permis de retourner auprès de sa mère quelques heures après qu’un juge eut ordonné de plutôt le placer dans une famille d’accueil.
Il arrive aussi que le DPJ place trop rapidement un enfant dans une famille qui n’a pas été évaluée ou qu’il ferme un dossier et retourne un enfant dans sa famille d’origine alors que le problème n’est pas réglé. «Le manque de familles d’accueil autochtones est un problème sérieux», a insisté la délégation de la CDPDJ.
La CDPDJ est également revenue sur le rapport d’une enquête systémique qu’elle a réalisée au Nunavik. Camil Picard, qui assure actuellement l’intérim à la présidence, y avait fait des constats dévastateurs sur le logement, l’éducation et la consommation de drogue et d’alcool des jeunes Inuits. «Je vous avoue qu’on vit [aujourd’hui] des succès en éducation, en protection de la jeunesse, mais le pépin demeure l’habitation», a-t-il affirmé.
À son retour du Nunavik, M. Picard a constaté que le gouvernement avait 10 plans d’action dans différents ministères et organismes dont certains se dédoublaient. Il a également invité le gouvernement à se montrer moins «paternaliste», notamment lorsqu’il s’agit pour les autochtones de s’approprier les lois, comme l’ont fait les Attikameks qui ont fini par avoir leur propre régime de protection de la jeunesse après 17 ans de négociations. «Ça prend un esprit ouvert et une absence de paternalisme des non-autochtones pour accepter que ce ne sera pas tout à fait écrit comme dans la loi, mais que l’esprit va en être respecté. »