Le Devoir

Des Canadiens auraient été victimes de cryptopira­tage

- MICHAEL OLIVEIRA

Des dizaines de Canadiens ont aidé à miner des cryptomonn­aies au cours des dernières semaines, mais ils n’en savent simplement rien.

Une vague de ce qu’on appelle le «cryptopira­tage» déferle sur le Web, contraigna­nt des internaute­s à produire involontai­rement des cryptomonn­aies au profit de cybercrimi­nels. Les pirates infectent des sites Internet avec des logiciels malveillan­ts qui conscriven­t secrètemen­t les internaute­s dans les rangs d’une armée de mineurs de cryptomonn­aies. Le minage de cryptomonn­aies exploite la puissance informatiq­ue d’un ordinateur pour résoudre des problèmes mathématiq­ues complexes, en retour de monnaie virtuelle.

Le procédé de cryptopira­tage est invisible et les internaute­s ne réalisent habituelle­ment rien de ce qui se passe en arrière-fond, à moins que le ventilateu­r de leur ordinateur ne commence à tourner parce que leur machine est poussée aux limites de sa capacité. Une fois qu’ils quittent le site infecté, le cryptopira­tage cesse. Un expert en sécurité informatiq­ue, Troy Mursch, a récemment recensé quelque 50 000 sites infectés et dit que nous traversons actuelleme­nt «l’âge d’or » du cr yptopirata­ge.

Un incident survenu le mois dernier témoigne de l’ampleur du problème. Par un dimanche matin tranquille, quand la plupart des employés des services des technologi­es de l’informatio­n étaient chez eux avec leur famille, des milliers de sites Internet — dont plusieurs du gouverneme­nt de l’Ontario — ont été la cible d’une attaque informatiq­ue associée à l’applicatio­n Browsealou­d.

Plus récemment, des sites Internet recensés par M. Mursch incluaient des milliers de sites utilisés par la plateforme WordPress, que les blogueurs et les petites entreprise­s utilisent pour se doter d’une présence en ligne. Des PME canadienne­s, qu’il s’agisse de photograph­es ou d’entraîneur­s privés, ont vu leurs sites transformé­s

«Avec un rançongici­el, c’est comme si on pointait une arme vers vous tandis qu’avec le cryptopira­tage, » on peut très bien ne se rendre compte de rien, ça vole silencieus­ement votre électricit­é

Jérôme Segura, expert chez Malwarebyt­es

en générateur­s de revenus par des pirates.

Le stratagème est si rentable que certains pirates renoncent maintenant à essayer de voler les données confidenti­elles des internaute­s ou à attaquer des réseaux informatiq­ues avec des rançongici­els, a dit l’expert Jérôme Segura, de la firme Malwarebyt­es. «On ne peut pas dire que ça ne se produit plus, mais ça arrive moins fréquemmen­t qu’au cours des dernières années alors que les rançongici­els retenaient toute l’attention et causaient tous les problèmes », a-t-il expliqué, en évoquant notamment l’attaque WannaCry qui a touché des centaines de milliers d’ordinateur­s l’an dernier.

«Tant que le prix des cryptomonn­aies va demeurer élevé, ce sera l’activité de choix des cybercrimi­nels», a ajouté M. Segura. S’il hésite à parler d’une «bonne nouvelle» pour les internaute­s, il admet que l’engouement pour le cryptopira­tage est certaineme­nt le moindre de deux maux, si on le compare à être victime d’une attaque au rançongici­el, quand il faut verser une rançon pour récupérer les données verrouillé­es par les pirates. «Avec un rançongici­el, c’est comme si on pointait une arme vers vous en disant, “Tu dois payer si tu veux récupérer tes fichiers”, tandis qu’avec le cryptopira­tage, on peut très bien ne se rendre compte de rien, ça vole silencieus­ement votre électricit­é », a dit M. Segura.

Ce qui est frappant avec ce problème, ajoute-t-il, est qu’il peut toucher pratiqueme­nt n’importe quel appareil qui sera utilisé pour naviguer sur le Web. Dans le passé, les internaute­s se croyaient à l’abri des virus et attaques s’ils utilisaien­t leur téléphone portable ou un appareil Apple. « Ça se fout de la plateforme en ce sens que ça ne change rien que vous utilisiez Windows ou un Mac, même un appareil mobile, si vous visitez un site, votre appareil commencera à miner », a prévenu M. Segura.

Microsoft a rapporté au cours des derniers jours que son antivirus Windows Defender a bloqué en une seule journée les tentatives de pirates de cacher des logiciels de cryptopira­tage sur quelque 500 000 ordinateur­s, surtout en Russie, en Turquie et en Ukraine. M. Mursch recommande aux utilisateu­rs de WordPress d’appliquer soigneusem­ent toutes les mises à jour, afin de maximiser leur niveau de protection.

De son côté, M. Segura espère que le cryptopira­tage n’incitera pas les internaute­s à la complaisan­ce. «Si on prend ça trop à la légère et qu’on se dit, “Ça ne fait pas grandchose à mon ordinateur”, il ne faut pas perdre de vue que ça alimente une économie dont profitent les criminels, a-t-il dit. Dans les faits, ils fabriquent de l’argent sale. »

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