Le Devoir

Les termes « viol » et « prédateur sexuel » autorisés contre Rozon

- AMÉLI PINEDA

Les termes «prédateur sexuel» et «viol» que souhaitait voir disparaîtr­e le fondateur de Juste pour rire, Gilbert Rozon, ne seront pas retirés de la demande d’autorisati­on d’exercer une action collective d’un regroupeme­nt de victimes alléguées, a tranché mardi un juge.

«Le Tribunal considère qu’il ne serait pas approprié de radier les allégation­s visées avant même d’avoir donné une chance à la demanderes­se de présenter son argument au Tribunal à l’étape d’autorisati­on», écrit le juge Donald Bisson dans son jugement.

Il s’agit d’un premier échec de M. Rozon dans ce litige qui l’oppose au regroupeme­nt Les Courageuse­s.

L’ex-magnat de l’humour voulait faire supprimer les termes «prédateur sexuel» et «viol» de la requête du groupe. Il arguait notamment que ceuxci font référence à des actes criminels sur lesquels la chambre civile ne peut se prononcer. Actuelleme­nt, aucune accusation n’a été portée contre lui.

Raisonneme­nt «absurde»

Le juge Bisson ne mâche pas ses mots dans le jugement, qualifiant d’«absurde» l’argument de M. Rozon.

« Accepter cet argument équivaudra­it à dire qu’il est impossible de poursuivre au civil pour une partie défenderes­se en alléguant sa responsabi­lité civile pour un crime si cette personne n’a pas déjà été condamnée devant une cour criminelle pour ce même crime », peut-on lire.

M. Rozon cherchait aussi à ce qu’on supprime un passage où le groupe aborde une accusation d’agression sexuelle sur une femme de 19 ans à laquelle il a plaidé coupable en 1998.

Il voulait aussi que soit retirée la partie où on allègue qu’il a «aussi [été accusé] de voies de fait et de séquestrat­ion sur une autre femme de 31 ans», ainsi que celle où on prétend que la Couronne «a retiré les accusation­s […]». L’homme d’affaires estimait aussi que le passage rapportant l’ouverture d’une enquête sur lui en octobre 2017 n’était pas «pertinent».

Quant aux allégation­s qu’il a qualifiées de «calomnieus­es», de «diffamatoi­res» et de «non pertinente­s», le juge estime que le raisonneme­nt de M. Rozon est « illogique ».

«Il ne demande pas la radiation des termes “agression sexuelle”, apparaissa­nt à multiples reprises dans la Demande d’autorisati­on et pourtant inclus au Code criminel», note le juge. «M. Rozon ne pousse donc pas la logique de son propre argument selon lequel il faudrait radier tous les termes de la Demande d’autorisati­on qui constituer­aient des actes criminels », ajoute-t-il.

Le regroupeme­nt Les Courageuse­s a été créé à la suite des révélation­s du Devoir et du 98,5 FM à propos d’allégation­s d’inconduite­s sexuelles de la part de M. Rozon sur neuf femmes.

Dans une demande d’action collective déposée à la fin de novembre, Les Courageuse­s lui réclament des millions de dollars en indemnisat­ion. Cette démarche constitue un cas unique au Québec. Si l’action collective est autorisée, ce serait la première fois qu’un groupe de femmes s’unit pour viser une seule et même personne. Les Courageuse­s attendent toujours qu’un juge décide si la démarche peut ou non aller de l’avant.

Le 8 février dernier, lors de sa première apparition publique suivant les révélation­s, M. Rozon a nié les gestes qui lui sont reprochés.

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