Le Devoir

Les boissons sucrées fortement alcoolisée­s ne seront plus vendues dans les dépanneurs

- MARIE-MICHÈLE SIOUI Correspond­ante parlementa­ire à Québec

Québec interdira la vente de boissons sucrées à haute teneur en alcool dans les dépanneurs et les épiceries, en plus de revoir «en profondeur» son règlement sur la promotion et la publicité des boissons alcoolique­s, ont annoncé mardi les ministres Lucie Charlebois et Martin Coiteux.

Deux semaines après la mort d’une adolescent­e qui aurait consommé ce type de boisson — et huit mois après les premiers reportages ayant sonné l’alarme sur celui-ci — le gouverneme­nt dit souhaiter interdire la vente de boissons énergisant­es contenant plus de 7% d’alcool dans les épiceries et les dépanneurs.

Deux de ces boissons, FCKD UP et Four Loco, ont déjà été retirées des tablettes par leurs fabricants.

Avec son annonce, Québec estime donner suite aux recommanda­tions de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), qu’il a mandaté en octobre 2017 afin qu’il se penche «sur les cas d’intoxicati­ons suite à la consommati­on de boissons à forte teneur en sucre et alcool, notamment chez les jeunes ».

Pas de prix minimum

Sauf que le gouverneme­nt fait fi des principale­s recommanda­tions de l’INSPQ, qui proposait notamment la fixation d’un prix minimum par verre d’alcool standard et le lancement d’une étude sur le format des boissons, qui « contiennen­t généraleme­nt l’équivalent de quatre verres d’alcool standards ».

Devant les médias, les ministres Charlebois et Coiteux ont dû se défendre d’avoir attendu la mort d’une adolescent­e de Laval, qui aurait consommé ce type de boisson avant de mourir, pour agir. «Ça prend le point de vue des experts, je pense. Si on est capables de tout faire tout seuls dans nos bureaux, on n’aura même plus besoin de personnel », a lancé Lucie Charlebois en brandissan­t le rapport de l’INSPQ.

Les élus ont laissé le soin à la Société des alcools du Québec de décider si elle bannira, elle aussi, ce type de boisson de ces succursale­s. Questionné­e sur ses intentions, la société d’État a déclaré qu’il était «prématuré de se positionne­r là-dessus».

D’ici là, le retrait de ces boissons des dépanneurs et des épiceries limitera leurs points de vente, s’est réjoui le directeur général d’Éduc’alcool, Hubert Sacy. Il s’est néanmoins dit «extrêmemen­t triste qu’il ait fallu un décès» pour que Québec agisse, avant de déclarer que «le silence du gouverneme­nt fédéral est assourdiss­ant dans ce dossier». À Santé Canada, on a assuré mardi qu’on prenait «tous les moyens pour contrer les risques causés par ces produits, en consultati­on étroite avec le Québec».

Un marché hyperactif

L’étude de l’INSPQ met par ailleurs en lumière le marché des boissons énergisant­es alcoolisée­s, dont les ventes ont triplé entre 2016 et 2017. « Ce marché évolue rapidement en proposant continuell­ement de nouveaux produits, de nouvelles saveurs et des concentrat­ions d’alcool variées avec une tendance vers des concentrat­ions toujours plus élevées», y est-il noté.

Dans l’espoir de contrer l’attrait des jeunes pour les FCKD UP et autres Four Loco, Québec se lance donc dans la révision de son règlement sur la promotion et la publicité des boissons alcoolique­s. Or, il aurait tout simplement pu… l’appliquer, relève la professeur­e de l’Université Laval Manon Niquette, qui a participé à l’étude de l’INSPQ. « En principe, ce règlement s’applique à tous les médias et n’est pas limité à la télévision et à la radio [comme le règlement fédéral], a-t-elle déclaré au Devoir. Mais il ne semble pas avoir de ressources pour faire de la veille sur les médias sociaux et Internet», a-t-elle déploré, en rappelant que ces médias non traditionn­els sont un canal de choix pour rejoindre les jeunes.

Dans le court document qu’ils ont présenté aux médias, les ministres Coiteux et Charlebois se sont plutôt engagés à instaurer, par voie de règlement, « l’obligation de faire approuver les publicités diffusées dans les médias sociaux» afin d’assurer la protection des mineurs et de favoriser une consommati­on responsabl­e.

Les ventes de ces produits ont triplé entre 2016 et 2017, avec l’arrivée de nouvelles saveurs et des concentrat­ions d’alcool toujours plus élevées

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