Le Devoir

Cancers de l’ovaire et de l’utérus: le dépistage précoce désormais possible

- PAULINE GRAVEL

Des chercheurs de l’Institut de recherche du Centre universita­ire de santé McGill (IR-CUSM) et de l’Université Johns Hopkins ont mis au point un nouveau test génétique qui permet un dépistage précoce des cancers de l’ovaire et de l’endomètre à partir des fluides prélevés lors d’un test Pap.

Cette percée était plus que bienvenue, car ces cancers étaient généraleme­nt diagnostiq­ués à un stade avancé, ce qui laissait peu d’espoir de les guérir.

Dénommé PapSEEK, ce test analyse l’ADN contenu dans les prélèvemen­ts dans le col de l’utérus, dans l’utérus et dans le sang, et y recherche des mutations génétiques présentes dans les cellules des tumeurs des cancers de l’ovaire et de l’endomètre, la muqueuse recouvrant la paroi interne de l’utérus.

Plus particuliè­rement, le test PapSEEK analyse l’ADN de 18 gènes dans lesquels se trouvent ces diverses mutations. Il se distingue donc nettement du test Pap (ou frottis de Papanicola­ou), qui repose sur l’observatio­n au microscope des cellules du col de l’utérus afin de voir si elles sont anormales.

Les chercheurs de la Johns Hopkins School of Medicine ont d’abord mesuré l’efficacité du test PapSEEK sur les échantillo­ns de mucus recueillis dans le col de l’utérus lors d’un test Pap effectué auprès de 382 femmes atteintes d’un cancer de l’endomètre, 245 femmes souffrant d’un cancer de l’ovaire et 714 femmes en bonne santé qui constituai­ent le groupe témoin.

Grâce au test PapSEEK, les chercheurs ont pu détecter 81 % des cancers de l’endomètre, dont 78% étaient encore à un stade précoce, et 33% des cancers de l’ovaire, dont 34% étaient aussi à un stade préliminai­re. De plus, ce test ne détectait quasiment jamais de faux positifs.

Chances de guérison

La Dre Lucy Gilbert, de l’IRCUSM, a alors proposé que des prélèvemen­ts soient effectués également à l’intérieur de l’utérus, «afin d’être plus proche de l’origine de ces cancers et ainsi d’augmenter la probabilit­é de les détecter», souligne le gynécologu­e-oncologue au CUSM Kris Jardon, qui est l’un des coauteurs de l’étude qui est publiée dans Science Translatio­nal Medicine.

Pratiqué sur un prélèvemen­t intra-utérin, le test PapSEEK s’est révélé encore plus puissant, puisqu’il a permis de détecter un cancer de l’endomètre chez 93 % des 123 patientes qui en étaient atteintes et de dépister un cancer de l’ovaire chez 45% des 51 patientes qui souffraien­t de ce cancer. Qui plus est, aucun des échantillo­ns provenant des 125 femmes exemptes de cancer n’a donné un résultat positif.

Les chercheurs ont également vérifié l’efficacité de leur test sur le plasma sanguin de 83 patientes souffrant d’un cancer de l’ovaire et y ont retrouvé de l’ADN provenant d’une tumeur cancéreuse de l’ovaire chez 43 % d’entre elles.

Jusqu’à présent, on utilisait l’échographi­e transvagin­ale et la détection du marqueur CA125 pour dépister ces cancers, mais ces méthodes ne permettent qu’un dépistage tardif, à un stade si avancé du cancer que les chances de guérison sont très minces.

De plus, comme ces deux méthodes reposent sur des signes peu spécifique­s au cancer, comme une cavité utérine plus épaisse ou un kyste au niveau de l’ovaire, elles conduisent à de nombreux faux positifs qui peuvent aboutir à des interventi­ons, telles que des chirurgies, inutiles.

«Avec le test PapSEEK, on augmente la possibilit­é de pouvoir traiter précocemen­t les patientes et de diminuer la mortalité. C’est ce qu’on a réussi avec le cancer du col de l’utérus grâce au test Pap, qui permet le dépistage précoce de ce cancer, et donc un traitement plus efficace qui, en général, permet la guérison. Avant le test Pap, ce cancer se classait au deuxième rang parmi les plus mortels chez la femme, alors qu’aujourd’hui il est au 15e rang», fait remarquer le Dr Jardon.

Sans anesthésie générale

Le test PapSEEK sur un prélèvemen­t intra-utérin peut être pratiqué sans anesthésie générale par n’importe quel gynécologu­e en cabinet et en clinique externe.

«Comparativ­ement à un test Pap du col de l’utérus, il est un peu plus désagréabl­e, parce qu’il faut s’introduire dans la cavité de l’utérus, mais il ne l’est pas plus qu’une mammograph­ie ou une côlonoscop­ie. Quand on a demandé aux femmes si elles consentira­ient à subir ce test annuelleme­nt s’il permettait de faire un diagnostic précoce d’une tumeur de l’ovaire et de l’endomètre, comme le permet la mammograph­ie pour le cancer du sein, elles ont unanimemen­t répondu oui», ajoute le chercheur.

Le test PapSEEK pourrait être disponible dans quatre ans si les prochaines études progressen­t bien. Idéalement, il pourrait être effectué gratuiteme­nt, comme la mammograph­ie et le test Pap, car son coût devrait être comparable à celui d’une côlonoscop­ie ou d’une mammograph­ie.

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