Le Devoir

Prends ça Web

Les festivals de films se tournent vers la diffusion en ligne. Et ça marche.

- STÉPHANE BAILLARGEO­N

Notre identité numérique fait partie de notre ADN depuis le premier jour. Quand nous sommes nés, il n’y avait pas de pandémie mondiale, pas d’interdit de fréquenter les salles de cinéma. Le choix de départ a été de diffuser en ligne des formats courts de qualité pour rejoindre le plus de gens possible dans le monde. CATHERINE LÉGARÉ-PELLETIER

Que va changer la crise pandémique à la prochaine édition (la 5e) du festival Plein(s) écran(s) en janvier ? Absolument rien. Enfin, rien de négatif. L’événement basé à Montréal se présente comme le premier festival de cinéma sur Facebook. Il utilise le plus grand réseau social du monde pour diffuser des courts métrages. Sa page propose quatre films par jour pendant 24 heures, gratuiteme­nt, en ligne.

« Notre festival n’est pas né en réponse à un problème de diffusion, explique Catherine Legaré-Pelletier, directrice générale de l’événement. Notre identité numérique fait partie de notre ADN depuis le premier jour. Quand nous sommes nés, il n’y avait pas de pandémie mondiale, pas d’interdit de fréquenter les salles de cinéma. Le choix de départ a été de diffuser en ligne des formats courts de qualité pour rejoindre le plus de gens possible dans le monde. »

Et ça marche très bien, merci. La diffusion rejoint déjà plus de 80 pays. Un exemple récent ? En s’associant avec le festival gaspésien Vues sur mer, Plein(s) écran(s) a diffusé le documentai­re Clebs de la réalisatri­ce suisso-marocaine Halima Ouardiri, diplômée de Concordia, un court tourné au Maroc avec des chiens et rien que des chiens. La diffusion (sans promotion particuliè­re) a attiré 40 000 visionneme­nts et ajouté une centaine d’abonnés marocains à la page Facebook du festival. Et ça ne devrait qu’aller mieux dans quelques semaines, selon la logique de la surconsomm­ation universell­e des écrans en confinemen­t.

« Notre festival ne bénéficie pas de la pandémie parce que personne ne bénéficie de cette crise, corrige Mme Legaré-Pelletier. Mais nous pensons que le cinéma numérique attire une nouvelle génération qui ne se laisse pas convaincre par l’idée de la sacro-sainte expérience de visionneme­nt en salle. Les plus jeunes ont grandi avec les ordis et les cellulaire­s. Notre festival s’adresse à eux et leur dit que ce n’est pas grave, que tu peux regarder un bon film sur ton téléphone ou ton ordinateur. En plus, voir des formats courts peut donner l’envie de voir des formats longs. »

Mme Legaré-Pelletier ne croit d’ailleurs pas que son mode de diffusion menace le cinéma (disons) traditionn­el. « Oui, les salles sont fermées et on ne peut pas dire que c’est une ère très glorieuse pour la diffusion physique. Mais moi qui viens de Gaspésie, je peux souligner qu’il n’y a vraiment pas beaucoup de salles de cinéma dans cette région. C’est donc important de donner accès à tous à l’offre culturelle en utilisant d’autres moyens. »

Plein(s) écran(s) ne veut d’ailleurs que du bien aux salles. Le festival est associé aux cinémas Beaubien, du Parc et du Musée pour la diffusion d’une programmat­ion de courts à longueur d’année. Il a aussi aidé d’autres événements (Vues sur mer à Gaspé, donc, mais aussi Le Carrousel internatio­nal du film de Rimouski ou 48 images secondes de Florac, en France, notamment) à bien basculer en ligne cette année.

« Tout le monde a une offre Web maintenant, dit la d.g. On n’est plus les seuls au Québec. Les festivals voient bien l’avantage de ce mode de diffusion. Personnell­ement, je pense que la démocratis­ation du cinéma doit être faite par le plus d’occasions possible. Je me répète : mieux vaut voir une oeuvre cinématogr­aphique de qualité sur un ordinateur que de ne pas la voir parce qu’on n’y a pas accès. »

FNC au forceps

Le Festival du nouveau cinéma (FNC), un vieil événement à l’ancienne (ce

n’est pas plus mal), vient d’organiser (en octobre) sa 49e mouture uniquement en ligne. Tout a basculé en virtuel, les projection­s bien sûr, mais aussi la soirée d’ouverture, les discussion­s avec des profession­nels, des panels et les classes de maître. Le FNC a même proposé une séance de pitch en direct par huit jeunes réalisateu­rs devant un jury d’experts.

« Nous sommes plus habitués à organiser de l’événementi­el festif, dit Nicolas Girard Deltruc, directeur général du FNC. C’est ce qui nous plaît davantage : voir des films sur grand écran, voir les gens et échanger en face à face. C’était beaucoup plus complexe, dans le sens de beaucoup plus technique, de basculer en virtuel. Nous y sommes arrivés. Nous avons été très opérationn­els, sans aucun bogue. Pour nous, ce n’est pas la solution recherchée. Ce n’est pas notre travail d’opérer une plateforme. On ne souhaite pas que le FNC devienne un événement virtuel. »

Et le public ?

Un sondage en cours va fournir les informatio­ns sur la réaction du public à cette dématérial­isation. La prochaine édition (celle du 50e anniversai­re) sera probableme­nt encore virtuelle, et le directeur ne croit pas revenir à un semblant de normal avant le printemps 2022.

Certains acquis forcés de la crise pandémique resteront toutefois. Peut-être en offrant un film par mois sur la plateforme nouveaucin­ema.ca.

Peut-être en diffusant des films qui n’ont pas trouvé acheteurs sur le territoire national. Certaineme­nt en continuant les rencontres virtuelles, y compris avec des invités à distance de Montréal.

« Le tout-numérique n’est pas la solution pour nous, conclut le directeur. Ça a fait la job cette année. On va travailler pour un retour en présentiel. La situation est anxiogène en ce moment, mais il faut garder la tête froide et transforme­r la moindre chose positive pour l’avenir. »

Pour nous, ce n’est pas la solution recherchée. Ce n’est pas notre travail d’opérer une plateforme. On ne souhaite pas que le FNC devienne un événem ent virtuel. NICOLAS GIRARD DELTRUC

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