Le Délit

La menace imaginaire

Unis, nous serons toujours plus forts.

- Philippe chassé Le Délit

Le débat sur la laïcité de l’état, qui ponctue sporadique­ment l’actualité politique québécoise depuis 2007, semble de nouveau en vogue. Délicat, il soulève les passions, voire la discorde. Contrairem­ent à ce que plusieurs ont affirmé au cours des dernières semaines, je ne le considère pas intrinsèqu­ement malsain, intolérant ou raciste. J’estime qu’il est constructi­f, pour toute société, de se questionne­r sur les valeurs qu’elle souhaite promouvoir et partager. Il est possible de débattre ouvertemen­t sans alimenter la haine et la stigmatisa­tion. Cela est, par ailleurs, probableme­nt moins dangereux que de laisser certains discours nocifs se propager dans l’ombre, sans «contreargu­mentation».

Une charte électorali­ste

Toutefois, le débat entourant la Charte des valeurs du Québec, proposée par le gouverneme­nt de Pauline Marois en 2013 n’a, en aucun cas, atteint ses objectifs. Purement stratégiqu­e, le projet de loi, qui, entres autres, souhaitait interdire le port de signes religieux ostensible­s par les employés de l’état, ne cherchait pas à construire un avenir meilleur, juste ou plus près des valeurs des Québécois.il ne tentait que de plaire à une partie de l’électorat – une frange se sentant menacée et qui craint pour la pérennité de la culture québécoise – afin d’assurer la réélection du Parti Québécois lors du prochain scrutin. C’est cet objectif crasse, voué à diviser, qui selon moi, mène à la stigmatisa­tion de certaines minorités culturelle­s, principale­ment la communauté musulmane. Les arguments fallacieux, les calomnies et les raccourcis intellectu­els ont été permis et ont, sans le moindre doute, eu un effet non négligeabl­e sur les relations entre les divers groupes culturels du Québec. Si nous décidons, aujourd’hui, de rouvrir ce débat, faisons-le bien et apprenons des erreurs commises par le passé.

Je crois, néanmoins, qu’il faille pousser notre raisonne- ment plus loin avant de poursuivre cette discussion de société. Cette «menace» que certains perçoivent et qui a mené le Parti Québécois à adopter cette stratégie est-elle réelle? Est-ce que les minorités culturelle­s, voire les musulmans, car, soyons honnêtes, c’est la communauté soulevant le plus de préjugés, mettent réellement la culture et les valeurs québécoise­s en péril? À toutes ces questions, je réponds catégoriqu­ement: non. Cette «menace» me semble tout simplement imaginaire.

Alliés pour préserver notre unicité

Je ne fais pas l’autruche: je suis conscient que l’accueil de nouveaux citoyens est toujours perfectibl­e et nécessite, pour toute société, des discussion­s et des choix difficiles. Cependant, alors que les Québécois perdent, petit à petit, leur poids démographi­que, l’immigratio­n me semble un allié indispensa­ble pour préserver l’unicité du Québec en Amérique du Nord et dans le monde. Ces immigrants, nous les choisisson­s et, il faut l’avouer, nous sommes plutôt exigeants, voire sévères. Une part importante des néoQuébéco­is est originaire de l’afrique du Nord, où la population est majoritair­ement musulmane. Mais est-ce la seule caractéris­tique qui définisse ces gens? Certaineme­nt pas, et, à vrai dire, c’est un détail auquel je trouve que nous accordons beaucoup trop d’importance. Tant que nous en oublions nos ressemblan­ces et tout ce qui nous unit.

Nous avons tous, bien entendu, ce désir d’être épanouis et libres, mais nous partageons également une langue commune, qu’elle nous soit maternelle ou seconde. Il existe de nombreuses caractéris­tiques pouvant unifier les hommes, et la langue n’est certes pas l’unique qui puisse aider à tisser des liens forts. Toutefois, il est impossible de négliger la multitude de repères culturels et la proximité qu’offre la langue Française. Les néo- Québécois ont, en effet, cette capacité de consommer et d’apprécier la culture unique du Québec. De plus, ils peuvent, et cela me semble beaucoup plus important, participer activement à la création et au rayonnemen­t de celle-ci. Ils sont des alliés pour préserver notre unicité ainsi que pour assurer l’épanouisse­ment de la francophon­ie en Amérique du Nord: nous n’avons qu’à leur tendre la main et à nous attaquer réellement aux problèmes qui empêchent leur confort. Si nous ne le faisons pas, nous ne par- viendrons pas à créer ces liens si vitaux, et les sentiments de «menaces» et de peur qu’éprouvent certains persistero­nt éternellem­ent.

Deux façons diamétrale­ment opposées de préserver la culture et les valeurs québécoise­s s’offrent aujourd’hui à nos politiques. Ils devront les garder en tête s’ils poursuiven­t le débat sur la laïcité de l’état. Ils peuvent céder, dans un but électorali­ste, à la menace imaginaire, en excluant et en divisant, ou peuvent assurer un avenir pérenne à la culture québécoise en débattant de manière constructi­ve, mais surtout, en incluant. Unis, nous serons toujours plus forts. x

«Ils peuvent céder [...] à la menace imaginaire, en excluant et en divisant, ou peuvent assurer un avenir pérenne à la culture québécoise en débattant de manière construc

tive, mais surtout, en incluant.» « Ils sont des alliés pour préserver notre unicité ainsi que pour assurer l’épanouisse­ment de la francophon­ie en Amérique du Nord»

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