Le Gaboteur

Plongées en apnée et échantillo­nnages en mer compromis ?

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« Au début de la pandémie, mon travail n'a pas été trop fortement affecté parce que je pouvais faire énormément à distance depuis la maison. Cependant, le plus gros impact a été de ne plus pouvoir continuer mes analyses d'échantillo­ns en laboratoir­e, car les retards se sont accumulés. » Heureuseme­nt, les échantillo­ns de zostères prélevés par Tanya Prystay, étudiante au doctorat au Marine Institute de l'Université Memorial, peuvent se conserver pendant plusieurs années.

Spécialisé­e en physiologi­e des poissons et en l'écologie de la conservati­on, cette étudiante, originaire de Montréal

et ayant grandi en Ontario, s'intéresse plus particuliè­rement aux herbiers de zostère. La zostère est une espèce de plantes à fleurs sous-marines présentes dans des environnem­ents estuariens. Très peu de plantes sous-marines se reproduise­nt avec des fleurs dans l'eau: il existe en fait seulement une soixantain­e d'espèce de ce type dans le monde. La zostère est la seule espèce de ce genre présente au Canada atlantique.

L'entièreté de ses données de recherches proviennen­t de son travail sur le terrain dans la Baie de Plaisance. Les données de Tanya Prystay proviennen­t, de l'échantillo­nnage de poissons, d'une enquêtes porte-à-porte, mais surtout de transects en apnée. C'est ce dernier aspect qui est actuelleme­nt le plus problémati­que, puisque le sondage porte-à-porte peut à la place se transférer en ligne.

« En raison de la Covid-19, plusieurs défis se posent pour planifier le travail de terrain. Difficile d'établir un calendrier de recherche dans cette situation d'incertitud­e. Cela pose un grand problème pour la cohérence et l'uniformité de ma recherche. Elle se base normalemen­t sur la comparaiso­n des échantillo­ns prélevés d'une année sur l'autre, » explique Tanya Prystay.

Ces plongées en apnée et au tubas pour prélever de la zostère doivent impérative­ment commencer au début de la période de floraison de zostère, aux environs du mois de mai ou de juin. « Normalemen­t, le travail sur le terrain se fait en équipe, on partage des équipement­s et on plonge à plusieurs. Il serait donc compliqué de respecter la distanciat­ion physique et un protocole sanitaire dans cette situation. »

Si ces activités sont suspendues pour l'instant, l'étudiante, en concertati­on avec son superviseu­r, le chercheur francophon­e Arnault Le Bris, revoit les protocoles d'échantillo­nnage pour réduire le nombre de personnes sur le terrain, en utilisant notamment des drones pour cartograph­ier l'étendue des herbiers. « On espère ainsi obtenir une autorisati­on de l'université pour faire notre terrain. Deux chapitres de ma thèse dépendant de ces activités, donc si on n'obtient pas cette permission, ma thèse sera probableme­nt retardée, ou au moins modifiée de manière significat­ive* », explique l'étudiante.

La zostère est une espèce importante pour les écosystème­s marins, puisque, en plus de transforme­r une grande quantité de carbone de l'atmosphère en oxygène, les herbiers fournissen­t des habitats à diverses espèces marines. « À Terre-Neuve, cette plante à fleurs sous-marine est considérée comme une espèce d'importance écologique majeure puisqu'elle sert de nurserie pour les juvéniles de morue franche. »

L'analyse des variabilit­és dans la répartitio­n des herbiers de zostère et les différents services écosystémi­ques rendus par ces herbiers est donc primordial­e pour évaluer tous les bénéfices que cette espèce apporte aux communauté­s côtières de l'Atlantique Nord. Tanya Prystay reste optimiste face aux défis qui se présentent pour pouvoir répondre à ces questions de recherche: « C'est certain que la situation actuelle demande plus de flexibilit­é pour cette année, voire pour les années futures, mais je suis optimiste quant à la possibilit­é pour tout chercheur de continuer leurs enquêtes de terrain et leurs expérience­s. »

* Ces propos ont été recueillis avant le passage au niveau d'alerte 3. Contactée quelques jours après cette nouvelle transition, Tanya Prystay nous a expliqué que son équipe avait tout juste obtenu une approbatio­n de l'université pour reprendre des activités de terrains à un niveau réduit. « Maintenant, on doit voir comment se procurer notre matériel de recherche, et procéder en respectant le protocole de sécurité établi. »

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Photo : Courtoisie de Tanya Prystay La doctorante Tanya Prystay lors d’un précédent travail de terrain en Norvège.

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