Le Journal de Montreal - Weekend

UN UNIQUE ET GRAND MARATHONIE­N AFRICAIN

C’est le plus grand champion de la randonnée pédestre chez les oiseaux qui peuvent également voler. Car malgré des ailes puissantes de plus de deux mètres, il préfère utiliser presque continuell­ement ses longues pattes. Il parcourt plus de 30 km à pied to

- Jean Léveillé Collaborat­ion spéciale

Bien sûr qu’il emprunte parfois la voie des airs. Pour se sauver d’un prédateur, pour exécuter ses flamboyant­es parades nuptiales, mais surtout pour rejoindre son impression­nant nid construit au sommet des arbres et chasser ses petits ( les inévitable­s « Tanguys » ) à la fin de leur élevage. Il appartient à une espèce si unique que même les spécialist­es n’ont pu établir de lien de parenté crédible.

POURQUOI TANT MARCHER ?

Le messager sagittaire est souvent surnommé, par certaines tribus africaines, « l’aigle piétonnier ». Il déambule toute la journée d’un pas mesuré et solennel sans jamais s’arrêter ou presque. Mais pourquoi une telle frénésie marathonie­nne ? Surtout pour se nourrir de lézards, de petits insectes, de rongeurs et en particulie­r du délice des délices, les innombrabl­es serpents et les dangereux scorpions.

Pour se déplacer sans trop attirer l’attention, il s’est doté d’un manteau et d’ailes grises dont les extrémités sont teintées de noir. Son regard périscopiq­ue du haut de ses 120 cm est maquillé d’orangé, tandis que celui de sa compagne est un peu plus rouge. Ses cuisses noires juchées sur d’impression­nantes échasses le font souvent passer pour un échassier, mais elles visent surtout à le protéger des morsures de ses dangereuse­s proies.

DES PROIES SUCCULENTE­S, MAIS SOUVENT MORTELLES

Des proies dont les petits doivent apprendre à se méfier. L’approche doit être prudente et furtive. Lorsque la victime est à portée de ses pattes fortes et musclées, le chasseur doit l’assommer de multiples ruades jusqu’à ce que mort s’ensuive. Alors, il s’en empare et il l’avale tout rond sans mastiquer, quelle que soit la longueur du repas. Fier de ses succès, il redresse de longues plumes sur la tête qui font pen- ser aux plumes portées à une époque par des écrivains et qui lui ont valu en anglais le nom de secretary bird.

Uni pour la vie d’une vingtaine d’années, le couple monogame adore chasser à faible distance l’un de l’autre pour comparer la valeur de leurs prises respective­s. Des prises qu’ils vont partiellem­ent digérer avant de régurgiter leur festin à leurs deux ou trois petits, dont le premier envol, celui de l’émancipati­on, survient entre le 60e et 110e jour. Dès lors commence l’existence de cet oiseau marathonie­n, un des plus curieux et des plus amusants qu’il m’ait été donné d’observer…

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