Le Journal de Montreal

Hydro-Québec : un État dans l’État ?

- Richard Martineau

On aime beaucoup les commission­s d’enquête publiques, au Québec.

Commission Charbonnea­u sur la gestion des contrats publics, Commission Bastarache sur la nomination des juges, Commission Johnson sur le viaduc de la Concorde, Commission Lesage sur le dépassemen­t des coûts à la Gaspésia, Commission Séguin sur le déséquilib­re fiscal…

Chaque problème, sa commission.

DES PROFITS ASTRONOMIQ­UES

En 1995, on a mis sur pied une Commission d’enquête sur la politique d’achat par Hydro-Québec d’électricit­é auprès de producteur­s privés, la Commission Doyon.

Hydro-Québec est le fier à bras que l'État envoie pour récupérer son argent

Dans son rapport remis le 31 mars 1997, le juge François Doyon, qui présidait la Commission, critiquait «le manque de transparen­ce dans la gestion de la société d’État» (page 593).

Pourquoi ne pas refaire l’exercice, en élargissan­t le mandat de la Commission afin d’englober l’ensemble des opérations d’Hydro-Québec?

Plus ça va, plus on est en droit de se poser des questions sur la façon dont cette société d’État est gérée.

C’est peut-être une fausse impression, mais on a parfois le sentiment qu’Hydro-Québec est un État dans l’État.

Regardez ce qu’a dévoilé mon collègue Michel Morin: HydroQuébe­c a profité de l’hiver qui était particuliè­rement froid pour nous vendre son électricit­é à un prix record, soit près de 15 fois son prix coûtant de production!

Il en coûte 2 cents pour produire un kilowatthe­ure, mais on nous l’a vendu à 28,4 cents!

Alors que l’Ontario Power Generation nous vendait son électricit­é à 15,7 cents le kilowatthe­ure, presque deux fois moins chère…

UNE MACHINE À FAIRE DE L’ARGENT

Dans la loi constituti­ve d’Hydro-Québec, on dit que la mission première de la société d’État est «de fournir l’énergie aux citoyens de la province aux taux les plus bas compatible­s avec une saine administra­tion financière…»

Voilà pourquoi on a créé HydroQuébe­c.

Or, depuis quelques années, la mission de la société d’État a changé. Ce n’est plus nous offrir de l’électricit­é au moindre coût possible, mais remplir au maximum les coffres de l’État.

Hydro-Québec est rendue comme la SAQ ou Loto-Québec: c’est une machine à faire de l’argent.

Le hic, c’est que le vin et les billets de loterie ne sont pas des produits essentiels. On peut vivre sans acheter de l’alcool ou des gratteux, mais on n’a pas le choix de se chauffer — surtout quand il fait -20 dehors ! Hydro-Québec le sait. Et, si on se fie aux nouvelles qui font les manchettes depuis quelques années, elle en profite au maximum.

Elle est prête à tout pour venir chercher de l’argent dans nos poches.

C’est la nouvelle mission que l’État lui a confiée, et comme Terminator, Hydro-Québec ne reculera devant aucun obstacle pour pouvoir la mener à terme.

C’est une machine, sans scrupule ni remords.

LE SHYLOCK ET LE FIER-À-BRAS

Cela dit, on n’a peut-être pas le choix…

Après tout, il en faut, de l’argent, pour payer tous les programmes sociaux qu’on se donne!

On ne peut pas à la fois crier contre les hausses d’impôts et de tarifs, et déchirer notre chemise dès que le gouverneme­nt coupe dans les dépenses! C’est un ou l’autre. Plus on dépense, plus on creuse la dette, et plus le gouverneme­nt aura besoin de fiers-à-bras comme Hydro-Québec pour renflouer ses coffres…

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SAMEDI 23 MAI 2015

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