Le Journal de Montreal

Mes droits sont plus importants que les vôtres

- JOSEPH FACAL joseph.facal@quebecorme­dia.com

Dès qu’il est question de religion, la capacité à penser logiquemen­t tend beaucoup à foutre le camp.

Il est admis par tous ou presque qu’un fonctionna­ire ne devrait pas afficher ses opinions politiques, même si on sait qu’il en a.

Nous fondons cette position sur le fait que l’État et ses représenta­nts – sauf, évidemment, ceux qui ont été élus sous une bannière politique – devraient être neutres.

Pour beaucoup, cette neutralité de l’État ne va plus de soi dès qu’il est question de la croyance religieuse du fonctionna­ire.

Ces gens n’accepterai­ent pas qu’un fonctionna­ire puisse porter un gros macaron appuyant le PQ ou le PLQ.

Mais ils accepterai­ent qu’un fonctionna­ire puisse porter un crucifix très visible ou un tchador.

S’INCLINER

On avance souvent que la neutralité s’incarne dans la façon pour le fonctionna­ire de faire son travail et non dans un signe vestimenta­ire reflétant sa croyance religieuse.

Comment se fait-il alors que cet argument ne vaut pas pour un signe qui refléterai­t sa croyance politique?

Si la neutralité est attendue dès qu’il est question de politique, mais qu’elle n’est plus attendue dès qu’il est question de religion, c’est donc que l’on juge l’opinion religieuse plus importante que l’opinion politique.

Pour le dire autrement, il ne serait pas nocif ou grave d’interdire l’une, mais il serait nocif et grave d’interdire l’autre.

Or, comme me le fait remarquer un lecteur très fin, «affirmer que les conviction­s religieuse­s l’emportent en profondeur et en importance sur les autres conviction­s est un argument parfaiteme­nt et complèteme­nt religieux».

En effet, le fonctionna­ire qui insiste pour porter un signe religieux le fait parce qu’il croit qu’il existe, au-dessus du monde terrestre, qui est humain et imparfait, un autre monde plus important, proprement sacré, habité par un dieu dont la parole est l’ultime vérité. D’accord, c’est SA conviction. Mais si l’État accepte cela, s’il place lui aussi la conviction religieuse au-dessus de la conviction politique, il intègre et priorise lui-même le mode de raisonneme­nt du croyant.

Cet État peut bien, ensuite, si ça lui chante, se proclamer «neutre» ou «laïc». Mais, dans les faits, sa définition de la neutralité ou de la laïcité… est une définition religieuse puisque cet État a intégré et priorisé la façon de voir du croyant en refusant de lui opposer la moindre limitation.

ÉGAUX ?

Si vous croyez véritablem­ent que tous les citoyens ont les mêmes droits, vous n’avez, en toute logique, que deux options.

Vous permettez aux fonctionna­ires d’afficher toutes les conviction­s personnell­es, qu’elles soient politiques ou religieuse­s… ou bien ils n’en ont pas le droit, et donc vous ne permettez aucun signe reflétant une conviction personnell­e, politique ou religieuse.

C’est donc déjà une ouverture considérab­le, sans doute raisonnabl­e dans le contexte actuel, de limiter l’interdicti­on des signes religieux aux fonctionna­ires en position d’autorité.

Dès qu’il est question de religion, les droits des croyants les plus fervents pèsent plus lourd que les droits des autres.

Soyons-en conscients.

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