Le Journal de Montreal

Poëti sur un tapis de clous

- MARIO DUMONT mario.dumont@quebecorme­dia.com

Bien curieux mandat que celui dont a hérité Robert Poëti. Il ne fait pas de doute que celui qui avait été humilié en étant renvoyé comme simple député savourait son retour au Conseil des ministres ce mercredi. Cependant, aurait-il hérité d’un mandat périlleux, risqué, voire impossible ?

Je commencera­i par dire que monsieur n’a pas été ramené au cabinet parce que monsieur Couillard a redécouver­t ses talents ni parce qu’il s’ennuie de lui. On l’a rappelé parce que les choses vont mal au PLQ et que son image de droiture est précieuse pour le parti en année électorale.

UN POSTE BRICOLÉ

Il devient ministre délégué à l’Intégrité des marchés publics et aux Ressources informatio­nnelles. En résumé, l’octroi des contrats, les appels d’offres ainsi que le bordel informatiq­ue. Donc, un ministre sans portefeuil­le, en dessous du président du Conseil du Trésor, qui surveille ces nids de guêpes.

En apparence, cette nomination est parfaiteme­nt logique. Monsieur Poëti veut faire le ménage, on lui donne l’occasion de le faire. Et on lui donne le mandat de surveiller tous les octrois de contrats.

Pour quiconque connaît l’administra­tion publique, ce n’est pas si simple. Lorsqu’il dirigeait le ministère des Transports en début de mandat, Robert Poëti était ministre en titre, le vrai patron. Il détenait tous les pouvoirs pour passer le balai dans son ministère. Il n’a d’aucune façon les coudées franches comme à l’époque dans ce nouveau poste qu’on a bricolé pour lui.

QUEL POUVOIR ?

Il a peu de pouvoir et surtout il n’a pas de temps. Un grand chantier de révision des octrois de contrat aurait pu être lancé en début de mandat. Mais à dix mois des élections ? Même si je croyais à son nouveau poste, comment aurait-il le temps de monter une équipe, poser un diagnostic, changer des règles et les implanter… et ce au rythme d’un gouverneme­nt ? Oubliez ça !

Parmi les dangers qui guettent monsieur Poëti, il y a celui de devenir un mal-aimé dans l’équipe. Imaginez un collègue ministre qui voit l’ami Robert débarquer dans son ministère sous prétexte que les attributio­ns de contrats semblent douteuses. Le collègue va devenir assez vite impatient et va lui suggérer de sortir de ses platebande­s.

Et si le collègue l’envoie promener ? Quelles sont ses options ? Aller voir le premier ministre et le dénoncer ? Le stool ! Ou venir porter une enveloppe secrète au Journal pour dénoncer l’octroi déficient de contrats sous la direction dudit ministre ? En année électorale ? Pas sûr sûr…

Le gouverneme­nt libéral veut bénéficier de l’image de Robert Poëti. Surtout si, par exemple, l’UPAC venait frapper le passé du PLQ, risquant d’affecter l’image du parti. Le danger ultime qui guette Robert Poëti c’est qu’on utilise son image d’intégrité sans lui permettre d’opérer les changement­s qui lui tiennent à coeur. Connaissan­t sa personnali­té fière et volontaire, cela le frustrerai­t plus que tout.

Pour accomplir promptemen­t des choses, il devra faire preuve d’audace, de courage, de stratégie... et en plus, forcer le jeu.

Robert Poëti a-t-il les pouvoirs pour changer les pratiques ?

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