Un dimanche comme un autre
J’ai toujours rêvé de faire du cinéma.
Rassurez-vous, je ne m’imagine pas en acteur. Trop laid, trop timide.
J’aurais voulu écrire des histoires qui seraient ensuite mises en images.
J’ai imaginé l’histoire suivante. Attachez votre tuque.
UN JOUR
Mon histoire se passe dans un coin très reculé et très croyant du Texas. Il fait très chaud.
Un monsieur est le pasteur de sa petite église. Il est marié. Il possède une petite entreprise de fabrication de housses pour les remorques.
Lui et sa femme ont deux fils. L’un d’eux est mécanicien. Ce fils et son épouse ont longtemps espéré avoir un enfant.
Le jour où son épouse est devenue enceinte, leur joie était indescriptible. Comme la dame savait que la grossesse serait difficile, elle a arrêté de travailler.
La naissance de leur fille tant attendue fut le plus beau jour de leur vie. Elle a aujourd’hui 17 mois.
Leur autre fils et sa femme ont déjà cinq enfants. Elle attend leur sixième.
Plus honnêtes, plus travaillants, plus aidants, moins compliqués que ces gens, vous ne trouverez pas. De l’or en barre.
Un beau jour, ils sont tous dans leur petite église. C’est un dimanche comme les autres.
Soudainement, un homme entre dans l’église. Un gars du coin avec une mauvaise réputation.
Il a l’air très agité. Il sort une arme automatique et fait un carnage dans l’église.
Parmi les 26 victimes, il y a le pasteur, sa femme, le fils qui a si longtemps attendu pour être père, sa fillette de 17 mois, la belle-fille du pasteur qui est enceinte, et trois enfants de celle-ci.
On retrouve le tireur. Il s’était suicidé.
Ce n’est évidemment pas un scénario de film. C’est la réalité.
C’est ce qui est arrivé dimanche dernier à Sutherland Springs, au Texas.
Parmi les 26 victimes, huit étaient de la même famille, les Holcombe.
Le pasteur et sa femme se prénommaient Bryan et Karla. Leur fils s’appelait Danny. La fille de Danny, c’était Noah.
La belle-fille du pasteur avait pour prénom Crystal. Ses trois enfants se prénommaient Emily, Megan et Greg.
Le tueur s’appelait Devin Patrick Kelley, 26 ans, avec une liste de problèmes longue comme ça.
RIEN
Le village a organisé une veillée aux chandelles pour leur rendre hommage. Un voisin n’y est pas allé, disant qu’il ne restait personne à consoler.
En fait, il reste l’arrière-grand-père, Joe, 86 ans, qui vient de voir trois générations de sa famille effacées d’un coup. Imaginez si c’était votre famille. En tout respect, expliquez-moi maintenant que la vie n’est pas absurde, totalement dénuée de tout sens autre que celui que nous lui donnons.
Expliquez-moi qu’il y a au-dessus de nous une force qui veille sur les bonnes personnes.
Nous sommes complètement seuls.