Le Journal de Quebec

Le piège de la propagande

- Josée legault josee.legault@quebecorme­dia.com

Pour ces jeunes radicalisé­s qui, psychopath­es ou pas, s’abreuvent à sa violence extrême et à son délire djihadiste, la propagande de Daech est d’une efficacité redoutable. Selon Le Monde, depuis 2014, Daech aurait en effet commis ou inspiré 213 attentats dans 18 pays et fait plus de 3000 morts.

Mardi, j’analysais ici le désarroi qu’un tel contexte nourrit avec raison chez les population­s les plus touchées. Combinée aux écarts croissants de richesse en Occident, l’omniprésen­ce de cette menace djihadiste nourrit à son tour une extrême droite montante se prétendant porteuse de solutions miracles.

De manière plus insidieuse, la propagande de Daech opère aussi dans nos propres sociétés. En frappant la France à répétition, y compris même par la décapitati­on barbare d’un prêtre, Daech cherche à imposer l’image d’une «guerre» religieuse lancée contre les «mécréants» occidentau­x.

Or, le terrorisme comme phénomène politique, même dans sa forme la plus sadique comme celui de Daech, vise avant tout à semer la terreur. Tel est son leitmotiv. C’est d’ailleurs pour maximiser l’effet de terreur que Daech parle de «guerre» en s’approprian­t faussement le titre d’«état».

MANIPULATI­ON

Cette organisati­on terroriste pousse même la manipulati­on jusqu’à propager l’idée d’une «guerre civile» entre «musulmans» et «infidèles». Une guerre qu’elle souhaitera­it provoquer au sein même de l’occident en réaction à ses propres attentats et à la montée de l’extrême droite qui les accompagne.

Lorsque des leaders politiques versent dans la même rhétorique guerrière – pour calmer leurs population­s angoissées, par intérêt électorali­ste ou les deux –, ils basculent tête première dans le piège propagandi­ste de Daech.

En France, le mot «guerre» est repris à gauche, à droite et à l’extrême droite. De François Hollande à Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen. C’est dire la force d’une telle propagande.

Idem pour ceux qui, au nom d’une «guerre» sans merci contre les djihadiste­s, en appellent dorénavant à la réduction des libertés fondamenta­les. Y compris Sarkozy qui, égal à lui-même, réduit l’état de droit à des «arguties juridiques».

Et pourtant, répétons-le, combattre Daech exige plutôt une lutte adaptée à la nature même de cette bête terroriste transfront­alière et multiforme.

Crier à la « guerre » reproduit la propagande des terroriste­s. Agir au contraire avec intelligen­ce et déterminat­ion la déconstrui­t.

INVESTISSE­MENTS MAJEURS

Dans les pays touchés, cela commande non pas une «guerre» contre une «armée», mais des investisse­ments majeurs en termes de politiques et de fonds publics.

On parle d’effectifs bonifiés et de mesures sécuritair­es mieux ciblées sans réduire pour autant les libertés de la vaste majorité des citoyens. D’une coordinati­on plus efficace des corps policiers et de mesures de détention préventive ciblant les plus susceptibl­es de «passer à l’acte».

On parle de politiques proactives d’éducation et d’intégratio­n économique pour les immigrants et réfugiés. On parle d’une politique étrangère plus cohérente.

Une politique se démarquant de celle, désastreus­e, traînée par plusieurs États depuis l’invasion de l’irak en 2003 et de cette «amitié» occidental­e sordide avec la monarchie saoudienne et ses salafistes.

Crier à la «guerre» reproduit la propagande des terroriste­s. Agir au contraire avec intelligen­ce et déterminat­ion la déconstrui­t.

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