La colère contre l’espoir
Les conventions républicaine et démocrate qui ont eu lieu au cours des deux dernières semaines se sont déroulées dans des ambiances radicalement différentes.
À Cleveland, chez les républicains conquis par Trump, régnaient un sentiment de colère et la vision d’une Amérique dystopique, violente et pauvre. À Philadelphie, les démocrates ralliés par dépit derrière Hillary rappelaient que les États-unis constituent encore la nation la plus riche et la plus puissante de la Terre.
QUI A RAISON ?
Il y a du vrai dans ces deux portraits. Comme la France de Philippe le Bel décrite par Maurice Druon, l’amérique est grande, mais le peuple est malheureux. Selon un agrégat de sondages tenus sur le site Real Clear Politics, 69 % des Américains croient que leur pays va dans la mauvaise direction.
Les inégalités de revenus s’accroissent et la classe moyenne s’efface. La violence progresse dans certaines villes. Les Américains ont peur, des djihadistes et de leurs voisins noirs, qui eux ont peur de la police.
Pourtant, ce n’est pas sur le sol des États-unis que le terrorisme fait le plus de dommages. Les morts par armes à feu sont préoccupantes, mais les possibilités statistiques pour les Blancs privilégiés d’en connaître une demeurent insignifiantes.
LES MAUVAISES RÉPONSES
Surtout, Donald Trump et ses républicains proposent de mauvaises réponses à ces problèmes. Réduire le salaire minimum et donner des exemptions fiscales aux riches n’aidera pas les gagne-petit.
Ce n’est pas non plus en glorifiant le droit de posséder une arme qu’on rendra les rues plus sûres. En vingt ans, jamais une seule fusillade n’a été arrêtée par un citoyen honnête en ayant une sur lui.
De même, le climat de méfiance à l’endroit des minorités que Trump se défend d’entretenir, mais qu’il nourrit de ses déclarations, élargira le fossé racial davantage qu’il ne le resserrera.
Bref, l’amérique décrite par les républicains, c’est celle qu’ils risquent de bâtir.
SURDITÉ POLITIQUE
De leur côté, les démocrates rappel- lent que l’amérique crée des emplois et que son taux de criminalité baisse. Elle est davantage respectée à l’étranger que sous George W. Bush et le terrorisme extérieur la laisse indemne depuis plusieurs années.
L’amérique est déjà forte. Il faut continuer de l’améliorer, mais elle n’a pas besoin d’être faite grande de nouveau.
Non, son mode de vie n’est pas menacé.
Le problème, c’est que les démocrates répondent avec des statistiques à ce qui relève du ressenti. C’est malheureux, mais les élections ne se jouent pas sur les faits.
«Voter est une expérience émotionnelle», disait un stratège politique américain.
Et il y a l’énigme Clinton, cette candidate mal-aimée en qui les Américains peinent à avoir confiance. Qui sera cru par le plus d’électeurs? L’ancienne première dame qui cherchera à reprendre le message d’espoir d’obama ou le milliardaire qui tentera de convaincre qu’il est un champion de la classe moyenne?
On le saura le 8 novembre, mais jusqu’ici, rien n’est joué.