Le piège à ours de Couillard
Les yeux rivés sur le scrutin de 2018, Philippe Couillard fourbit déjà ses armes. Exit le premier ministre rassembleur d’après l’attentat de Québec. Son instrumentalisation partisane de la volte-face de Charles Taylor sur les signes religieux annonce son retour à un ton nettement plus acrimonieux.
Deux semaines seulement lui auront suffi pour recommencer à traîner le PQ et la CAQ dans la boue de l’«intolérance» et des «dérives» identitaires. Deux semaines pour jeter aux ordures le «compromis» Bouchard-taylor pourtant offert en choeur par les trois partis d’opposition.
En lieu et place, il refait son numéro de premier ministre aux «principes» blindés de «tolérance» et d’«ouverture». Ce faisant, il espère voir Jean-françois Lisée et François Legault se déchirer en campagne électorale dans une surenchère identitaire apte à consolider le vote libéral.
Ce piège à ours est aussi subtil qu’un curé dans une boutique de lingerie fine. Au sortir d’un mandat marqué par l’austérité et par quelques squelettes encore gênants de l’ère Charest, la diversion est néanmoins tentante.
ÉPISODE TERMINÉ
Au Parti québécois, l’épisode autodestructeur de la charte des valeurs semble toutefois bel et bien terminé. Le rapport de Paul St-pierre Plamondon sur le PQ en fait lui-même la demande. En fin de semaine, les jeunes péquistes ont aussi voté massivement contre tout retour au même cauchemar.
Qu’à cela ne tienne. Dès qu’un autre parti osera proposer une limite même minimale au port de signes religieux, M. Couillard s’empressera de le taxer d’intolérance inextricable.
Bref, le chef libéral ne dérogera pas de sa stratégie principale. Mieux connue en anglais sous le nom de wedge poli
tics, elle consiste à polariser l’opinion en deux camps sur un sujet émotif.
Sur la laïcité, le bal est déjà relancé. En campagne, M. Couillard polarisera aussi sur le référendum. La promesse du PQ d’en tenir un lors d’un second mandat hypothétique lui suffira pour le faire.
LA LEÇON
Pour tout dire, les gouvernements sortants dont les appuis faiblissent raffolent des wedge politics. Rien de mieux qu’une grosse histoire de peur pour ameuter les brebis égarées et les ramener au bercail.
Les libéraux profitent certes de la division du vote francophone. La baisse de leurs appuis depuis 2014 les inquiète tout de même un brin. Or, le succès de la stratégie dite de polarisation n’est pas toujours assuré.
En 2012, après s’être servi de la grève étudiante pour polariser et s’ériger en gardien de la loi, Jean Charest s’y est cassé les dents. En déclenchant l’élection, il jurait d’en faire un enjeu incontournable. Au fil de la campagne, l’enjeu a pourtant cédé le pas à celui de l’intégrité.
Idem en 2014 pour Pauline Marois, avec sa charte des valeurs. Même stratégie de polarisation au pouvoir. Même promesse d’en faire un enjeu électoral. Même disparition du sujet en campagne. Même défaite le soir du scrutin.
Comme quoi il arrive parfois que les pièges à ours se referment brusquement sur ceux qui les tendent.