Victoire pour une communauté inuite
Elle réussit à bloquer des tests sismiques près de son village du Grand Nord
OTTAWA | Une petite communauté inuite de 1100 âmes a réussi l’improbable en remportant sa bataille judiciaire contre Ottawa et une pétrolière norvégienne pour bloquer des tests sismiques dans les eaux entourant son village du Grand Nord canadien.
Dans son verdict rendu hier, la Cour suprême du Canada écorche sévèrement l’office national de l’énergie (ONÉ) pour avoir bâclé le processus de consultation auprès des autochtones.
« Les efforts de consultation et d’accommodement déployés dans le présent cas ont été inadéquats et lacunaires à plusieurs égards », conclut la Cour dans son jugement unanime, sous la plume des juges Andromache Karakatsanis et Russell Brown.
Consultations « mal orientées », documentation « pratiquement inaccessible », absence d’audiences : L’ONÉ a carrément échoué à répondre aux inquiétudes de base de la population locale.
La communauté de Clyde River, au Nunavut, craint que les essais sismiques aient des effets nocifs sur la faune locale, dont ils dépendent, entre autres, pour se nourrir.
Le jugement de la Cour suprême met donc fin au projet pétrolier.
« Quelle belle journée pour nous ! La justice est de notre côté. On se bat pour notre vie, pour notre mode de vie, notre culture », a déclaré l’ancien maire du hameau de Clyde River, Jerry Natanine.
« La culture de chasseur-cueilleur, la chasse à la baleine et au phoque, c’est notre mode de vie », a-t-il soutenu, ému.
L’avocat des habitants de Clyde River souhaite que le jugement du plus haut tribunal du pays puisse servir de leçon au gouvernement fédéral.
« L’obligation de consulter les communautés autochtones doit être prise au sérieux », a mis en garde Nader Hasan.
FEU VERT À ENBRIDGE
Une Première Nation de l’ontario qui se disait, elle aussi, mal consultée dans le cadre d’un projet énergétique d’envergure n’a pas eu autant de chance. Dans un second juge- ment rendu hier, la Cour a tranché que L’ONÉ a suffisamment sondé l’opinion des Chippewas de la Thames avant d’approuver le controversé projet d’inversion d’un oléoduc d’enbridge qui aboutit à Montréal.
« Même en considérant de la façon la plus favorable aux Chippewas de la Thames la solidité de leur revendication et la gravité de l’impact potentiel sur [leurs] droits, la consultation menée a manifestement été adéquate », tranche le plus haut tribunal du pays dans un jugement fort attendu. Il s’agit d’une dure défaite pour la communauté autochtone de l’ontario, qui souhaitait voir annuler le projet d’inversement du pipeline 9B, entre Montréal et North Westover.
ATTENDUES
Les deux décisions de la Cour suprême du Canada étaient fort attendues puisqu’elles confirment en quelque sorte qui, du gouvernement fédéral ou de L’ONÉ, a la responsabilité ultime de consulter les Premières Nations. Les magistrats ont ainsi jugé que l’agence fédérale indépendante possède les pleins pouvoirs en la matière. Il n’est donc pas nécessaire pour Ottawa de mener ses propres consultations en parallèle.