La grogne règne parmi les constructeurs de drones
Dire que le torchon brûle entre les entrepreneurs de l’industrie du drone et le gouvernement du Canada n’est sans doute pas exagéré.
Parlez-en à Pierre Ruel, chef des normes d’opérations aériennes pour l’aviation civile à Transports Canada. Invité au Palais des congrès de Montréal il y a quelques semaines pour présenter l’état des travaux de modifications réglementaires en matière de drones, le haut fonctionnaire fut rapidement pris à parti par des entrepreneurs de l’industrie. Le problème principal concerne les délais de délivrance des certificats d’opérations aériennes spécialisées (COAS) requis par Transports Canada. À l’heure actuelle, toute personne utilisant un drone pour le travail ou la recherche doit se munir d’un tel certificat.
Le hic est que la croissance de l’industrie est telle que le ministère parvient difficilement à répondre aux demandes des entrepreneurs dans les délais prescrits de 20 jours ouvrables. Au cours de la dernière année, par exemple, on n’a donné suite qu’à 39% des demandes pour un tel certificat au Québec en moins de 20 jours, nous a confirmé Natasha Gauthier, porte-parole du ministère fédéral des Transports. « Ça n’a pas de bon sens, s’insurge David Étienne Durivage, pilote et directeur du développement des affaires de Dizifilms, un pionnier de l’industrie qui se spécialise dans le captage d’images par drones pour la télévision, le cinéma et la publicité. On nous dit que ça devrait prendre 20 jours. Mais ce n’est pas le cas. Et quoi qu’on fasse, il est impossible de parler à qui que ce soit au ministère. »
Michael Gisselere, PDG de Dronevolt Canada, une filiale du détaillant français du même nom, abonde dans ce sens. « On espère vraiment que ça va changer, car la lenteur administrative actuelle ralentit la progression du marché.(…) Il faut comprendre que ce sont des équipements dont la valeur varie de 30 à 40000$. Lorsqu’un contrat de 2000$ se présente pour une inspection de toiture, personne ne peut se permettre de dire non. Résultat, se désole M. Gisselere, ou bien l’entreprise s’exécute illégalement, ou bien elle demande un permis et court le risque de perdre son contrat. »
Jean Sébastien Jetté a vécu cette expérience à des dizaines de reprises avant de se résigner à mettre fin aux opérations de Productions Jet Stream, l’entre- prise qu’il avait fondée trois ans plus tôt. « Lorsque les agriculteurs m’appelaient pour prendre des images aériennes de leur champ afin d’y détecter un problème de culture ou autre, ça devait se faire dans les 12 à 24 heures qui suivent. Avec la courte durée des saisons que l’on a au Québec, aucun agriculteur ne peut se permettre d’attendre un mois pour connaître le problème et intervenir. »
En 2016, M. Jetté a observé qu’il lui a fallu en moyenne entre 20 et 46 jours ouvrables pour obtenir les certificats requis. Dans ces conditions, et refusant de verser dans l’illégalité, il a dû se résigner à fermer boutique. « De tels délais ne sont pas tenables dans une industrie pareille. Après trois ans de dur labeur, je n’ai pas eu d’autre choix que de regarder la réalité en face et de laisser tomber mon projet entrepreneurial. »