Les Affaires

L’intransige­ance américaine fait mal à l’industrie canadienne du bois d’oeuvre

Un marché anémique depuis 10 ans

- Ressources François Normand francois.normand@tc.tc francoisno­rmand

Même si les scieries du Québec ont retrouvé le chemin de la rentabilit­é, leur santé financière demeure extrêmemen­t fragile, conséquenc­e d’un marché anémique depuis 10 ans et du début d’une nouvelle guerre du bois d’oeuvre avec les Américains.

« Les nouveaux droits compensate­urs de 20 % grugent le coussin financier de l’industrie », laisse tomber Michel Vincent, économiste au Conseil de l’industrie forestière du Québec (CIFQ).

Et cela ne tient pas compte des droits antidumpin­g de 3 à 5 % (selon les estimation­s de l’industrie) que les Américains imposeront aux scieries canadienne­s à compter de la fin de juin.

Techniquem­ent, les États-Unis imposent déjà des droits antidumpin­g aux entreprise­s de façon rétroactiv­e. Washington indiquera toutefois leur montant le 23 juin. La rétroactiv­ité sera de 90 jours (soit depuis le 23 mars) et sera facturée aux entreprise­s par l’intermédia­ire d’une facture.

Rentables sans les droits américains

Colligées pour Les Affaires, les statistiqu­es du CIFQ illustrent bien la fragilité de la santé financière de l’industrie forestière du Québec. À la mi-mai, les scieries québécoise­s étaient capables de récolter 517 $ par 1 000 pieds mesure de planche (pmp) en moyenne. Or, le seuil de rentabilit­é moyen de l’industrie québécoise s’établit à environ 408 $. L’excédent s’élève donc à une centaine de dollars.

Par contre, si l’on applique les droits de 20 %, cette marge fond à 9 $. Et elle s’évapore complèteme­nt si on ajoute les droits antidumpin­g.

Dans une récente note, la Banque CIBC indique qu’elle ne voit qu’un gagnant dans la conjonctur­e actuelle, du moins chez les sociétés inscrites en Bourse : Produits forestiers Résolu (PFR). Pourquoi ? Parce que la multinatio­nale québécoise paie des droits compensate­urs de 12,86 %, alors que la moyenne de l’industrie canadienne est de 20 %. Par exemple, West Fraser, un producteur de bois d’oeuvre de la Colombie-Britanniqu­e, paie des droits de 24,12 %. Seul le dynamisme du marché nord-américain aide les scieries québécoise­s et celles du reste du Canada à l’heure actuelle.

En mars, la valeur des ventes de bois d’oeuvre canadien a franchi pour la première fois la barre des 60 milliards de dollars canadiens (G$), rapporte Statistiqu­e Canada.

Pourquoi l’industrie demeure fragile

L’industrie québécoise a les reins beaucoup moins solides qu’en 2002, lorsqu’avait débuté le précédent conflit du bois d’oeuvre, affirme Michel Vincent. « Au début des années 2000, notre industrie était en bonne santé financière. Aujourd’hui, on traîne un passé de pertes cumulative­s, ce qui n’était pas le cas il y a 15 ans », souligne l’économiste du CIFQ. Ainsi, pendant une dizaine d’années, les scieries québécoise­s ont perdu beaucoup d’argent, sans parler de celles qui ont carrément fermé.

Au début des années 2000, l’industrie québécoise employait 90 000 personnes, et ce, dans la forêt, dans les scieries ainsi que chez les producteur­s de panneaux, selon le CIFQ. Aujourd’hui, on ne compte plus que 60 000 emplois.

Deux facteurs expliquent l’hécatombe : à la suite de la quatrième guerre du bois d’oeuvre, l’Accord sur le bois d’oeuvre résineux (de 2006 à 2013, puis prolongé jusqu’en 2015) a imposé une taxe et des quotas sur les exporta- tions de bois aux États-Unis. Cet accord a donc réduit les expédition­s de l’industrie sur le marché américain. De plus, la récession mondiale de 2007-2008 – la pire depuis la dépression des années 1930 – a fait chuter le marché de la constructi­on résidentie­lle aux États-Unis, diminuant du coup les exportatio­ns de bois d’oeuvre.

Les statistiqu­es sont éloquentes à ce sujet. Depuis 1959, il se construit en moyenne 1,4 million de maisons unifamilia­les et multifamil­iales par année au sud de la frontière, avec un pic de 2 millions en 2005, selon le U.S. Census Bureau. Or, pendant le creux de la récession (2007-2008), les mises en chantier ont chuté à quelque 500 000 par année, soit trois fois moins que la moyenne historique.

En fait, cette crise a fait dégringole­r à 26 % les parts de marché de l’industrie canadienne aux États-Unis au début des années 2010, soit un plancher historique depuis 1980, selon une analyse de RBC Marchés des capitaux.

Aujourd’hui, le marché revient tranquille­ment à la normale, avec des mises en chantier annualisée­s en avril qui ont atteint 1,75 million de maisons, selon le U.S. Census Bureau. « Au cours des cinq derniers mois, il s’est construit plus de 1,2 million de résidences par mois, ce qui est une première depuis une dizaine d’années », souligne Michel Vincent.

Les parts de marché du Canada ont de nouveau franchi la barre des 30 %, mais elles n’ont pas encore rattrapé le niveau qui prévalait (environ 33 %) lors de l’entrée en vigueur de l’Accord sur le bois d’oeuvre résineux, en 2006.

Comment résister aux Américains

Pour garder la tête hors de l’eau, les entreprise­s peuvent adopter différente­s stratégies connues, disent les spécialist­es. Elles peuvent par exemple investir dans la technologi­e afin d’améliorer leur productivi­té ou faire davantage de deuxième transforma­tion (par exemple, des poutrelles de plancher).

L’industrie peut aussi en théorie diversifie­r ses marchés géographiq­ues. Par contre, il ne faut pas s’attendre à des miracles, notamment en Europe, selon le PDG du CIFQ, André Tremblay. « Il n’y a pas vraiment de marché qui va s’ouvrir en Europe pour le Canada. Les producteur­s de bois du nord et de l’est de l’Europe, les Allemands et les Russes occupent déjà le marché », dit-il.

Quant à l’Asie, l’éloignemen­t géographiq­ue du Québec et les coûts de transport inhérents rendent difficile toute percée significat­ive sur ce marché. C’est différent pour les producteur­s de bois de la côte ouest du pays qui, eux, en profitent.

Les États-Unis demeurent malheureus­ement LE marché stratégiqu­e pour les exportateu­rs québécois de bois d’oeuvre.

Que doit faire Ottawa ?

Ottawa ne devrait pas tenter de négocier un nouvel accord à l’amiable avec Washington afin de préserver un accès au marché américain, car cela ne ferait que reporter le problème, affirme Carl Grenier, ancien directeur de l’exConseil du libre-échange pour le bois d’oeuvre (CLE-BOIS). « Le jeu des Américains, c’est de nous amener à la table des négociatio­ns, car ils ont le poids du marché pour obtenir des concession­s », dit ce spécialist­e de la politique américaine et membre de la Chaire Raoul-Dandurand à l’UQAM. À ses yeux, la meilleure stratégie est de soutenir l’industrie canadienne – avec des garanties de prêts, par exemple – durant le long processus judiciaire devant le tribunal d’arbitrage de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) ou auprès de l’Organisati­on mondiale du commerce (OMC). Le gouverneme­nt du Québec s’est déjà engagé à le faire.

Depuis le début des années 1980, les États-Unis ont effectué quatre enquêtes (si on exclut la dernière) afin d’évaluer si le Canada subvention­ne son industrie, fait du dumping aux États-Unis et si les exportatio­ns canadienne­s causent des dommages à l’industrie américaine. Or, à chacune de ces enquêtes, les Américains n’ont jamais pu prouver quoi que ce soit, selon Carl Grenier. « Nous avons gagné chaque fois ! »

Le tribunal d’arbitrage de l’ALÉNA et l’OMC ont aussi toujours donné raison au Canada.

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l’inaugurati­on de la nouvelle ligne de finition. Rappelons qu’ArcelorMit­tal Produits longs Canada emploie environ 1 700 personnes à Contrecoeu­r, à Longueuil, à Montréal et à Hamilton. Le groupe a une capacité annuelle de production de plus de 2 millions de tonnes d’acier et génère des retombées économique­s de plus de 1 milliard de dollars par an. La Chambre de commerce et de l’industrie Rimouski-Neigette (CCIRN) croit que le plan d’aide fédéral à l’industrie du bois d’oeuvre permettra aux entreprise­s qui subissent les conséquenc­es du conflit commercial avec les États-Unis de traverser celui-ci avec davantage d’outils. La CCIRN salue les mesures visant la diversific­ation des marchés et des produits de l’exploitati­on forestière qui favorisero­nt l’innovation et la recherche de nouveaux marchés d’exportatio­n. Elle souligne également les mesures de soutien pour atténuer les pertes d’emploi qui pourraient survenir dans les secteurs susceptibl­es de connaître une baisse des activités. — L’AVANTAGE, RIMOUSKI L’entreprise Aliments Ultima voit l’avenir avec optimisme. Le géant de la transforma­tion laitière s’apprête à ajouter une nouvelle ligne de production de yogourts à boire à son usine de la rue Principale, à Granby. Un projet de modernisat­ion qui se chiffre à 14,4 M$. De ce montant, Aliments Ultima investira 10,8 M$. Québec ajoute de son côté un prêt de 3,6 M$. L’investisse­ment permettra de créer entre 35 et 40 postes. Les nouveaux postes reliés à cet investisse­ment sont des postes d’opérateurs, des postes d’usine, des postes en recherche et développem­ent. Aliments Ultima dit produire 30 % du yogourt consommé au Canada. C’est d’ailleurs le succès de ses produits iögo qui est à l’origine de l’investisse­ment annoncé, puisque la capacité maximale de production avait été atteinte. Le nombre de contenants produits par semaine à l’usine de Granby passera de 2,7 millions à 4,8 millions. En plus de celle de Granby, l’entreprise exploite une usine à Delta, en ColombieBr­itannique. La société est détenue à parts égales par deux coopérativ­es laitières canadienne­s, soit Agropur et Agrifoods. — GRANBY EXPRESS, GRANBY

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