L’intransigeance américaine fait mal à l’industrie canadienne du bois d’oeuvre
Un marché anémique depuis 10 ans
Même si les scieries du Québec ont retrouvé le chemin de la rentabilité, leur santé financière demeure extrêmement fragile, conséquence d’un marché anémique depuis 10 ans et du début d’une nouvelle guerre du bois d’oeuvre avec les Américains.
« Les nouveaux droits compensateurs de 20 % grugent le coussin financier de l’industrie », laisse tomber Michel Vincent, économiste au Conseil de l’industrie forestière du Québec (CIFQ).
Et cela ne tient pas compte des droits antidumping de 3 à 5 % (selon les estimations de l’industrie) que les Américains imposeront aux scieries canadiennes à compter de la fin de juin.
Techniquement, les États-Unis imposent déjà des droits antidumping aux entreprises de façon rétroactive. Washington indiquera toutefois leur montant le 23 juin. La rétroactivité sera de 90 jours (soit depuis le 23 mars) et sera facturée aux entreprises par l’intermédiaire d’une facture.
Rentables sans les droits américains
Colligées pour Les Affaires, les statistiques du CIFQ illustrent bien la fragilité de la santé financière de l’industrie forestière du Québec. À la mi-mai, les scieries québécoises étaient capables de récolter 517 $ par 1 000 pieds mesure de planche (pmp) en moyenne. Or, le seuil de rentabilité moyen de l’industrie québécoise s’établit à environ 408 $. L’excédent s’élève donc à une centaine de dollars.
Par contre, si l’on applique les droits de 20 %, cette marge fond à 9 $. Et elle s’évapore complètement si on ajoute les droits antidumping.
Dans une récente note, la Banque CIBC indique qu’elle ne voit qu’un gagnant dans la conjoncture actuelle, du moins chez les sociétés inscrites en Bourse : Produits forestiers Résolu (PFR). Pourquoi ? Parce que la multinationale québécoise paie des droits compensateurs de 12,86 %, alors que la moyenne de l’industrie canadienne est de 20 %. Par exemple, West Fraser, un producteur de bois d’oeuvre de la Colombie-Britannique, paie des droits de 24,12 %. Seul le dynamisme du marché nord-américain aide les scieries québécoises et celles du reste du Canada à l’heure actuelle.
En mars, la valeur des ventes de bois d’oeuvre canadien a franchi pour la première fois la barre des 60 milliards de dollars canadiens (G$), rapporte Statistique Canada.
Pourquoi l’industrie demeure fragile
L’industrie québécoise a les reins beaucoup moins solides qu’en 2002, lorsqu’avait débuté le précédent conflit du bois d’oeuvre, affirme Michel Vincent. « Au début des années 2000, notre industrie était en bonne santé financière. Aujourd’hui, on traîne un passé de pertes cumulatives, ce qui n’était pas le cas il y a 15 ans », souligne l’économiste du CIFQ. Ainsi, pendant une dizaine d’années, les scieries québécoises ont perdu beaucoup d’argent, sans parler de celles qui ont carrément fermé.
Au début des années 2000, l’industrie québécoise employait 90 000 personnes, et ce, dans la forêt, dans les scieries ainsi que chez les producteurs de panneaux, selon le CIFQ. Aujourd’hui, on ne compte plus que 60 000 emplois.
Deux facteurs expliquent l’hécatombe : à la suite de la quatrième guerre du bois d’oeuvre, l’Accord sur le bois d’oeuvre résineux (de 2006 à 2013, puis prolongé jusqu’en 2015) a imposé une taxe et des quotas sur les exporta- tions de bois aux États-Unis. Cet accord a donc réduit les expéditions de l’industrie sur le marché américain. De plus, la récession mondiale de 2007-2008 – la pire depuis la dépression des années 1930 – a fait chuter le marché de la construction résidentielle aux États-Unis, diminuant du coup les exportations de bois d’oeuvre.
Les statistiques sont éloquentes à ce sujet. Depuis 1959, il se construit en moyenne 1,4 million de maisons unifamiliales et multifamiliales par année au sud de la frontière, avec un pic de 2 millions en 2005, selon le U.S. Census Bureau. Or, pendant le creux de la récession (2007-2008), les mises en chantier ont chuté à quelque 500 000 par année, soit trois fois moins que la moyenne historique.
En fait, cette crise a fait dégringoler à 26 % les parts de marché de l’industrie canadienne aux États-Unis au début des années 2010, soit un plancher historique depuis 1980, selon une analyse de RBC Marchés des capitaux.
Aujourd’hui, le marché revient tranquillement à la normale, avec des mises en chantier annualisées en avril qui ont atteint 1,75 million de maisons, selon le U.S. Census Bureau. « Au cours des cinq derniers mois, il s’est construit plus de 1,2 million de résidences par mois, ce qui est une première depuis une dizaine d’années », souligne Michel Vincent.
Les parts de marché du Canada ont de nouveau franchi la barre des 30 %, mais elles n’ont pas encore rattrapé le niveau qui prévalait (environ 33 %) lors de l’entrée en vigueur de l’Accord sur le bois d’oeuvre résineux, en 2006.
Comment résister aux Américains
Pour garder la tête hors de l’eau, les entreprises peuvent adopter différentes stratégies connues, disent les spécialistes. Elles peuvent par exemple investir dans la technologie afin d’améliorer leur productivité ou faire davantage de deuxième transformation (par exemple, des poutrelles de plancher).
L’industrie peut aussi en théorie diversifier ses marchés géographiques. Par contre, il ne faut pas s’attendre à des miracles, notamment en Europe, selon le PDG du CIFQ, André Tremblay. « Il n’y a pas vraiment de marché qui va s’ouvrir en Europe pour le Canada. Les producteurs de bois du nord et de l’est de l’Europe, les Allemands et les Russes occupent déjà le marché », dit-il.
Quant à l’Asie, l’éloignement géographique du Québec et les coûts de transport inhérents rendent difficile toute percée significative sur ce marché. C’est différent pour les producteurs de bois de la côte ouest du pays qui, eux, en profitent.
Les États-Unis demeurent malheureusement LE marché stratégique pour les exportateurs québécois de bois d’oeuvre.
Que doit faire Ottawa ?
Ottawa ne devrait pas tenter de négocier un nouvel accord à l’amiable avec Washington afin de préserver un accès au marché américain, car cela ne ferait que reporter le problème, affirme Carl Grenier, ancien directeur de l’exConseil du libre-échange pour le bois d’oeuvre (CLE-BOIS). « Le jeu des Américains, c’est de nous amener à la table des négociations, car ils ont le poids du marché pour obtenir des concessions », dit ce spécialiste de la politique américaine et membre de la Chaire Raoul-Dandurand à l’UQAM. À ses yeux, la meilleure stratégie est de soutenir l’industrie canadienne – avec des garanties de prêts, par exemple – durant le long processus judiciaire devant le tribunal d’arbitrage de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) ou auprès de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Le gouvernement du Québec s’est déjà engagé à le faire.
Depuis le début des années 1980, les États-Unis ont effectué quatre enquêtes (si on exclut la dernière) afin d’évaluer si le Canada subventionne son industrie, fait du dumping aux États-Unis et si les exportations canadiennes causent des dommages à l’industrie américaine. Or, à chacune de ces enquêtes, les Américains n’ont jamais pu prouver quoi que ce soit, selon Carl Grenier. « Nous avons gagné chaque fois ! »
Le tribunal d’arbitrage de l’ALÉNA et l’OMC ont aussi toujours donné raison au Canada.
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l’inauguration de la nouvelle ligne de finition. Rappelons qu’ArcelorMittal Produits longs Canada emploie environ 1 700 personnes à Contrecoeur, à Longueuil, à Montréal et à Hamilton. Le groupe a une capacité annuelle de production de plus de 2 millions de tonnes d’acier et génère des retombées économiques de plus de 1 milliard de dollars par an. La Chambre de commerce et de l’industrie Rimouski-Neigette (CCIRN) croit que le plan d’aide fédéral à l’industrie du bois d’oeuvre permettra aux entreprises qui subissent les conséquences du conflit commercial avec les États-Unis de traverser celui-ci avec davantage d’outils. La CCIRN salue les mesures visant la diversification des marchés et des produits de l’exploitation forestière qui favoriseront l’innovation et la recherche de nouveaux marchés d’exportation. Elle souligne également les mesures de soutien pour atténuer les pertes d’emploi qui pourraient survenir dans les secteurs susceptibles de connaître une baisse des activités. — L’AVANTAGE, RIMOUSKI L’entreprise Aliments Ultima voit l’avenir avec optimisme. Le géant de la transformation laitière s’apprête à ajouter une nouvelle ligne de production de yogourts à boire à son usine de la rue Principale, à Granby. Un projet de modernisation qui se chiffre à 14,4 M$. De ce montant, Aliments Ultima investira 10,8 M$. Québec ajoute de son côté un prêt de 3,6 M$. L’investissement permettra de créer entre 35 et 40 postes. Les nouveaux postes reliés à cet investissement sont des postes d’opérateurs, des postes d’usine, des postes en recherche et développement. Aliments Ultima dit produire 30 % du yogourt consommé au Canada. C’est d’ailleurs le succès de ses produits iögo qui est à l’origine de l’investissement annoncé, puisque la capacité maximale de production avait été atteinte. Le nombre de contenants produits par semaine à l’usine de Granby passera de 2,7 millions à 4,8 millions. En plus de celle de Granby, l’entreprise exploite une usine à Delta, en ColombieBritannique. La société est détenue à parts égales par deux coopératives laitières canadiennes, soit Agropur et Agrifoods. — GRANBY EXPRESS, GRANBY