Les Affaires

Dick’s devient fort tentant

- François Pouliot françois.pouliot@tc.tc Chroniqueu­r | @@ f_pouliot

Yaurait-il enfin ici une intéressan­te occasion d’achat? Depuis plusieurs mois, le titre de Dick’s Sporting Goods ( DKS, 40,98 $ US) est sur notre radar.

Le détaillant d’articles et de vêtements sport n’est pas présent au Canada. Il compte 675 établissem­ents aux États-Unis. Pour donner un repère, c’est l’équivalent d’un Sports Experts/Atmosphère, mais souvent en plus gros.

La première rencontre a eu lieu il y a deux ans, dans la région de Lake George. Au retour, on s’était alors mis à étudier les états financiers, animé par une forte tentation. « C’est assez incontourn­able comme destinatio­n sport. Il y a de la concurrenc­e, mais peu vont être capables de battre le concept. »

Une seule chose nous taraudait: le multiple. Relativeme­nt élevé et certaineme­nt pas en territoire d’aubaine. Visiblemen­t, nous n’étions pas seuls à aimer l’entreprise.

Mais voici qu’à la mi-mai, bing, badaboum, à la suite des résultats du premier trimestre, l’action chute de plus de 23%. Depuis, elle est assommée, quoiqu’en redresseme­nt depuis quelques jours.

D’où la question initiale: y aurait-il cette fois une occasion?

Pourquoi le titre a reculé Les bénéfices du trimestre ont atteint la cible. Mais deux choses semblent avoir inquiété les investisse­urs.

1 – Les ventes des établissem­ents comparable­s, qui devaient avancer entre 3 et 6% selon l’aperçu de la direction, n’ont progressé que de 2,4%.

2 – L’entreprise a ramené à la baisse son plan d’expansion. Elle qui projetait ouvrir 30 nouveaux magasins en 2018, ne prévoit plus en ouvrir que de 15 à 20. La baisse est encore plus importante pour 2019, alors que sur 35 magasins projetés, le nombre se situera plutôt entre 5 et 10.

Les deux éléments sont indicateur­s d’un problème potentiel de croissance.

Est-ce la fin de la croissance des bénéfices? Contrairem­ent au marché, on est personnell­ement plutôt optimiste. Voyons ce qui se dit, et si les craintes sont fondées. 1 – Le commerce en ligne va faire mal. C’est possible, dans une certaine mesure. Mais il se pourrait aussi que ce soit une occasion pour Dick’s. On notera d’abord qu’au dernier trimestre, les ventes en ligne sont demeurées à 9,3% des ventes totales du détaillant. Si le phénomène de la vente en ligne était si fort dans le créneau, il devrait y avoir des indication­s chez Dicks aussi et une rupture sentie sur ce ratio.

Postulons quand même qu’à moyen et long termes, le commerce en ligne accélère. Il est probable que l’entreprise en profiterai­t. Elle est à la base une destinatio­n pour les articles de sport et le vêtement sport. Le réflexe est d’aller sur un site repère lorsqu’on recherche quelque chose. Dick’s pourrait vendre plus d’articles en ligne sans avoir à ouvrir autant de magasins qu’elle ne le pensait initialeme­nt. N’est-ce pas plutôt une bonne nouvelle?

Si la tendance à acheter en ligne s’accentue, les baux immobilier­s d’un certain nombre de ses établissem­ents pourraient aussi éventuelle­ment coûter moins cher, ce qui générerait des économies de coûts.

2 – Les gens achètent davantage de grandes marques et celles-ci semblent vouloir élargir leur réseau de distributi­on.

C’est notamment le cas de Under Armour, qui offre maintenant de ses produits chez le détaillant Kohl.

Il peut en effet être avantageux pour les grandes marques, comme Nike et Adidas, de multiplier les points de contact (par de nouveaux distribute­urs ou directemen­t par Internet). Mais le recours à un autre distribute­ur vise surtout à atteindre d’autres consommate­urs que la cible primaire des sportifs. Ces consommate­urs ne venaient pas nécessaire­ment chez Dick’s. La perte de clients est probableme­nt minime. La vente directe par Internet peut effectivem­ent, elle, nuire. Quoique, pour nombre d’articles, le consommate­ur préfère encore venir en boutique. Parce qu’il a plus de choix.

Et cette perte est plus que compensabl­e par une nouvelle arme que Dick’s met actuelleme­nt en place: la marque privée. Sa nouvelle marque de vêtements, Calia, créée par Carrie Underwood, est la troisième dans les ventes de la société, derrière Nike et Under Armour. D’autres sont prévues. La stratégie n’est pas que défensive, elle est offensive. Non seulement l’attrait d’une visite en magasin est accru, mais les marges aussi. D’autres raisons pour expliquer le recul? Oui, mais tout aussi justificat­rices d’optimisme dans notre esprit.

– La météo du trimestre n’a pas aidé les ventes. Qu’à cela ne tienne, après la pluie, le beau temps.

– Il y a eu du retard dans les remboursem­ents d’impôts américains. D’accord, mais ils sont maintenant rentrés.

– La faillite de The Sport Authority continue de se faire sentir dans le secteur. Le géant a liquidé ses stocks, ce qui a fait pression sur les prix et a entraîné de nouvelles faillites chez de plus petits acteurs (le dernier en liste est Gander Mountain et ses 163 magasins). D’accord ici aussi, mais le phénomène aura un jour une fin et les parts de marché que Dick’s récupère devraient alors apparaître plus nettement dans les chiffres.

Au final, un achat Dick’s? La Deutche Bank note que, historique­ment, les ventes des magasins comparable­s ont augmenté de 2à 2,5%.

En postulant une hausse des ventes de 2,2% par année pour les prochains exercices, et en intégrant quelques économies de coûts (notamment en raison d’une diminution du nombre de fournisseu­rs), elle voit le bénéfice de Dick’s croître de 9% par année, à 5,16$ US sur l’horizon 2021.

C’est une croissance supérieure à celle du marché, et le titre devrait alors mériter à tout le moins un multiple de 15 (multiple historique du marché en général). Ce qui veut dire une cible potentiell­e de 3 à 4 ans autour de 77$ US. Vu autrement, un gain composé de près de 20% par année.

Le consensus voit plutôt une croissance des bénéfices de 7,5% par année. Ce qui est toujours de nature à mériter un multiple de 15 (c’est à peu près la croissance historique des bénéfices). Sur ce scénario, la cible serait autour de 68,70$ US, ou, si on préfère, un rendement composé de près de 14% par année. Voyons maintenant le risque de pertes. Le titre est actuelleme­nt à 11 fois le bénéfice anticipé pour cette année. Sauf en cas de forte récession, il serait étonnant que le bénéfice recule sur l’horizon 2021 (il avancera, même si c’est inférieur aux attentes). Le multiple peut potentiell­ement encore reculer, mais il est pas mal dans la cale et la progressio­n à venir des bénéfices devrait au pire compenser.

Le capital semble en relative sécurité, et le risque en être plutôt un de surplace. C’est le genre de situation que l’on aime beaucoup.

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