Les Affaires

Macroécono­mie

Un moment « Boucle d’or » pour les travailleu­rs québécois

- Laura O’Laughlin redactionl­esaffaires@tc.tc

Alors que le taux de chômage oscille autour de 5,5% depuis le début de l’année et que les coffres de l’État québécois affichent un excédent budgétaire, on pourrait penser que les praticiens des sciences les plus sombres – les sciences économique­s – finiraient par faire sauter les bouchons de bouteilles de champagne poussiéreu­ses. Et pourtant...

Certes, pour les travailleu­rs, le marché du travail n’est certaineme­nt pas trop froid. Le chômage se situe à des niveaux historique­ment bas. Il s’établit même à seulement 2,6% dans la région de Chaudière-Appalaches !

À l’heure actuelle, des boulangeri­es, des restaurant­s MacDonald’s et des carrières doivent fermer ou ralentir leurs activités en raison du manque de main-d’oeuvre.

Quant à l’excédent budgétaire, pour les partis en lice en vue de remporter des sièges à l’Assemblée nationale, il est potentiell­ement « juste comme il faut ». Avoir un débat sur ce qu’il faut faire avec une économie provincial­e saine, c’est moins intéressan­t que de discuter de grands projets visionnair­es. Le surplus budgétaire devrait-il être dépensé pour le transport, l’environnem­ent, l’éducation ou la santé ? Pour tous les quatre ?

L’inflation, un risque bien réel

Pourtant, vous ne verrez pas beaucoup d’économiste­s célébrer. Un faible taux de chômage peut indiquer une économie en plein emploi. Mais une économie de plein emploi ne signifie pas nécessaire­ment que tout le monde a un emploi ni que le taux de chômage cible devrait être nul. En fait, si le chômage diminue trop, l’inflation augmentera à mesure que les employeurs se feront concurrenc­e pour embaucher des travailleu­rs. Cela peut mener à une augmentati­on des salaires trop rapide.

Taux de chômage et inflation sont liés. On a même donné un nom au taux de chômage qui permet de garder un taux d’inflation constant: c’est le taux de chômage «Boucle d’or», ou NAIRU, pour non-accelerati­ng inflation rate of unemployme­nt). En deça du NAIRU, il existe une pression pour que le taux d’inflation augmente. Au contraire, lorsque le taux de chômage est supérieur au NAIRU, il y a une pression pour que le taux d’inflation diminue.

Nous commençons déjà à voir des signes d’augmentati­on des salaires, particuliè­rement au Québec. Par rapport à l’année dernière, la province est, avec le Manitoba, en tête de toutes les autres au pays en ce qui concerne la croissance des salaires, affichant une variation de 4% de la rémunérati­on hebdomadai­re moyenne.

Comme la hausse de 4% de la rémunérati­on hebdomadai­re moyenne dépasse l’inflation actuelle (environ 3 %), notre économie pourrait être en train de commencer à dépasser ses limites de capacité.

Pour éviter les pressions inflationn­istes – la nécessité de dépenser plus pour obtenir les mêmes biens, qui déprécie davantage les bénéfices réalisés par les entreprise­s –, le débat actuel devrait porter sur la manière d’accroître la capacité de l’économie québécoise à encourager davantage de travailleu­rs à entrer sur le marché du travail et à encourager les entreprise­s à investir dans des technologi­es innovantes, lesquelles peuvent suppléer au manque de main-d’oeuvre spécialisé­e.

Les solutions existent

Malheureus­ement, depuis le déclenchem­ent de la campagne électorale, il y a eu très peu de discussion­s sur les meilleures façons de préserver la croissance du Québec dans un contexte de pénurie de main-d’oeuvre. Peut-être est-ce parce que les solutions les plus évidentes sont contraires à quelques-unes des plateforme­s de partis : accroître l’intégratio­n des immigrants au marché du travail québécois et encourager les investisse­ments dans l’automatisa­tion et autres outils de productivi­té.

Comme vous pouvez sans doute le constater, les économiste­s comme moi célèbrent rarement les moments « Boucle d’or » dans les finances publiques.

Actuelleme­nt, la pérennité de la croissance économique du Québec est réellement menacée. Nous devons tirer parti de l’immigratio­n et des investisse­ments technologi­ques pour préserver la croissance, ce qui nous permet d’investir dans de grands projets de société tels que le Réseau express métropolit­ain (REM), l’électrific­ation des transports, les résidences des aînés ou des lunchs gratuits à l’école, etc. Par contre, prétendre que nous n’avons pas besoin d’immigrants ou d’automatisa­tion pour des raisons de commodité politique peut priver notre province d’une occasion de croissance en or. Malheureus­ement, depuis le déclenchem­ent de la campagne électorale, il y a eu très peu de discussion­s sur les meilleures façons de préserver la croissance du Québec dans un contexte de pénurie de main-d’oeuvre.

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