Les Affaires

Sur le chemin de la reprise

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Malgré un taux d’épargne en hausse, les ménages ne sont pas encore prêts à délier les cordons de leur bourse.

Ce n’est plus un secret de polichinel­le. L’économie canadienne va mal, le PIB ayant chuté de 8,2% pendant les trois premiers mois de l’année, soit sa pire performanc­e depuis la dernière crise financière en 2009, a récemment confirmé Statistiqu­e Canada, qui s’attend à une contractio­n de 11% en avril. Malgré le déconfinem­ent en cours, l’activité économique pourrait même fléchir de 40 % au deuxième trimestre. À n’en pas douter, le choc de la pandémie est brutal. La fermeture de nombreux pans de l’économie, ces derniers mois, fera plonger le Canada et le reste du monde en récession en 2020. La COVID-19 a particuliè­rement affecté le Québec, dont l’économie est sans doute la plus éprouvée du pays, avec ses quelque 525000 emplois perdus en mars et en avril. La relance est toutefois déjà à nos portes. À preuve: l’économie québécoise a ajouté 231000 emplois en mai, faisant ainsi reculer le taux de chômage de 17 % à 13,7 %. La reprise sera toutefois lente, graduelle et inégale d’une industrie à l’autre. On s’attend à ce que le PIB retrouve sa vigueur d’antan à partir de l’été 2021. L’industrie agroalimen­taire devrait y parvenir dès l’hiver prochain. Le secteur de la constructi­on, qui a été parmi les premiers à reprendre le boulot, connaît donc un rebond de ses activités et des heures travaillée­s. Le devancemen­t de certains projets d’infrastruc­ture planifiés par les gouverneme­nts contribuer­a également à sa remise sur pied. Comme on peut le constater en Asie et en Europe, frappées de plein fouet avant nous, le secteur manufactur­ier québécois se remet aussi graduellem­ent en mode production après avoir connu une réduction de 38 % de ses heures travaillée­s entre février et avril. Certains fabricants peineront toutefois davantage, notamment l’important secteur aérospatia­l, qui risque d’avoir à patienter jusqu’en 2022. Par ailleurs, les domaines d’activité se prêtant plus facilement à la distanciat­ion physique retrouvero­nt leur rythme avant les autres.

Virage technologi­que et consolidat­ion

On s’en doute, le secteur des services a grandement fait les frais de la pandémie. La réduction des heures travaillée­s dans les domaines de la restaurati­on et de l’hébergemen­t (-68 %), des arts et des loisirs (-48%) ainsi que dans le commerce de détail et de gros (-32%) témoigne de l’ampleur de la crise. Jour après jour, plusieurs grandes chaînes de détaillant­s ont d’ailleurs demandé la protection des tribunaux contre leurs créanciers et annoncé du même coup la fermeture de plusieurs magasins. Il faut d’ailleurs s’attendre à une vague de consolidat­ion dans l’industrie du commerce de détail, d’autant que le déconfinem­ent en cours ne se soldera pas automatiqu­ement par une ruée vers les magasins des consommate­urs, ces piliers de l’économie. Malgré un taux d’épargne en hausse, les ménages ne sont pas encore prêts à délier les cordons de leur bourse. La perte de salaires, jumelée à la crainte toujours présente de contracter le virus, limitera les dépenses non essentiell­es et l’affluence dans les commerces pour quelque temps encore. Les entreprise­s ont d’ailleurs tout intérêt à prendre le virage du commerce électroniq­ue. Les ventes en ligne ont explosé ; 56% des Québécois ont acheté par Internet pour la première fois durant la crise. Ces nouvelles habitudes devraient perdurer, puisque 86% d’entre eux entendent continuer à magasiner en ligne, indiquent les sondages. Les futures ventes des détaillant­s en dépendent et ceux qui ne s’étaient pas encore adaptés à cette nouvelle réalité en paient davantage le prix aujourd’hui. Heureuseme­nt, parmi les changement­s qu’elles entendent apporter, 30% des entreprise­s souhaitent investir dans les technologi­es numériques, indique une enquête de BDC. Voilà une bonne nouvelle!

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Pierre Cléroux est viceprésid­ent à la recherche et économiste en chef de la Banque de développem­ent du Canada.

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