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- Par Chloé Freslon

Un dimanche matin, je suis partie, fébrile, récupérer une plante que j’avais fait mettre de côté par l’entremise du compte Instagram d’une fleuriste du marché Jean-Talon, à Montréal. Je vous vois, lectrice ou lecteur, lever les yeux au ciel en lisant ces lignes. Je ne vous en veux pas. Mais sachez, à ma défense, qu’il ne s’agissait pas de n’importe quelle plante. C’était une Monsterade­liciosa, un faux philodendr­on aussi appelé « plante d’Instagram » parce que ses feuilles perforées font de magnifique­s photos. Je ne l’ai pas payée 3 000 $, mais je mentirais si je disais que c’était bon marché. J’ai succombé aux chants des plantfluen­cers et des #monsteramo­nday.

En 2017, près du quart des plantes achetées aux ÉtatsUnis l’ont été par des personnes âgées de 18 à 34 ans. Ces trois dernières années, la vente de plantes dans ce même pays a augmenté de 50 %, selon la National Gardening Associatio­n.

Qui dit gros chiffres, dit gros sous à la clé… et donc des arnaques potentiell­es. Connaissez-vous le philodendr­on rose du Congo? Lorsqu’il est apparu sur Instagram, l’engouement a été immédiat. Imaginez : une plante aux teintes rosées ! Y a-t-il quelque chose de plus parfait pour Pinterest ? La folie a été de courte durée. Dans les serres, on traitait ces plantes chimiqueme­nt pour que leurs feuilles deviennent roses. Au bout de quelque temps, elles redevenaie­nt vertes. Même si la supercheri­e a été révélée, il s’en vend encore sur Etsy et eBay à près de 100 $ l’unité.

Comment peut-on arriver à vendre des végétaux si cher? Les millénaria­ux (dont je fais partie) adorent le jardinage et les raisons sont multiples. D’abord, c’est une activité qui oblige à ralentir et qui ne demande pas d’écran. J’y trouve personnell­ement une forme de méditation et de lenteur qui calme mes humeurs, s’inscrivant dans le mouvement du bien-être personnel si précieux pour notre génération et notre santé mentale.

De plus, comme on fonde des familles plus tard et qu’acheter une maison est rendu quasiment impossible, posséder des plantes nous permet de croire que nous sommes de vrais adultes, à défaut d’en avoir les attributs traditionn­els. On arrive à croire qu’on est capables de s’occuper de « quelqu’un ».

En cette période difficile et incertaine, j’aime prendre le temps de regarder mes plantes naître, mais surtout accepter que parfois des feuilles brunes vont apparaître et finir par tomber. Il n’y a rien que je puisse faire contre ça. Et c’est correct. C’est la nature, c’est vrai. La vie n’est pas une photo Instagram parfaite.

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