Quebec Science

Pour en finir avec l’IMC

- Par Jean-François Cliche

IImaginez

un peu le scandale! Des chercheurs de Chicago ont mesuré le niveau d’activité physique de près de 2 000 personnes en leur faisant porter des accéléromè­tres pendant 7 jours, au début de l’étude, puis ils ont ensuite suivi le poids de ces gens pendant 3 ans. Au final, les sédentaire­s ont pris, en moyenne, 0,4 kg par année. Et les « actifs », eux… Eh bien non, ils n’ont pas perdu de poids. En fait, ils ont gagné 0,7 kg par année. Presque deux fois plus que les sédentaire­s !

L’étude, parue en février dans la revue savante

Peer J, a connu un fort succès médiatique. « Le sport fait-il grossir ou maigrir ? » ou encore « L’activité physique ne permet pas de contrôler le poids », a-t-on lu çà et là dans les médias. Remarquez que j’aime bien quand on bouscule les idées reçues, ne serait-ce que pour savoir si elles tiennent debout. Mais il y a tout de même quelques trucs qui me chicotent dans cette histoire.

D’abord, le design de l’étude n’était pas particuliè­rement bon pour mesurer l’effet du jogging et des autres formes d’« auto-torture » sur le tour de taille. Le niveau d’activité physique a bien été évalué, mais seulement en début de parcours. Ceux qui étaient sédentaire­s à ce moment-là pouvaient difficilem­ent faire moins de sport par la suite – ils ne pouvaient logiquemen­t qu’en faire autant ou plus. À l’inverse, un participan­t sportif au départ, mais qui se serait laissé aller ensuite, aurait quand même été considéré comme un « actif ». Tout cela a pu brouiller les résultats.

Cela ne reste jamais qu’une seule étude. Quand on agrège les résultats de toutes les recherches pertinente­s, on se rend compte que l’exercice aide à perdre du poids.

Néanmoins, il y a un problème « de taille » avec la plupart des études qui suggèrent que l’exercice ne fait pas maigrir : elles prennent comme mesure principale le fameux indice de masse corporelle (IMC, soit le ratio du poids sur le carré de la taille). Or « ce n’est tout simplement pas une bonne cible thérapeuti­que », estime, à l’instar de plusieurs collègues scientifiq­ues, Benoît Arsenault, chercheur à l’Institut universita­ire de cardiologi­e et de pneumologi­e de Québec.

L’IMC n’est pas dénué de valeur : l’embonpoint (IMC entre 25 et 30) et l’obésité (IMC de plus de 30) sont bel et bien liés à divers problèmes de santé. Mais il reste une mesure grossière. Que l’on prenne 10 kg de muscle en s’entraînant ou 10 kg de « poignées d’amour », l’indice n’y voit que du feu.

« Les gens qui ne font aucun sport et s’alimentent mal ne sont pas nécessaire­ment les plus lourds, mais leurs habitudes malsaines auront un effet sur la distributi­on de la graisse à l’intérieur du corps. Ils ont davantage de dépôts de graisse ectopique, c’està-dire la graisse située ailleurs que dans le tissu adipeux sous-cutané, comme dans le foie ou autour de l’intestin, et même du coeur. Cette graisse ne pèse pas beaucoup sur la balance, mais elle augmente grandement le risque de diabète de type 2 et des maladies du coeur », explique M. Arsenault.

En fait, c’est la « pire » de toutes les graisses et plusieurs études démontrent que l’exercice, en plus d’aider (un peu) à amincir la silhouette, est particuliè­rement efficace pour s’en débarrasse­r.

Bref, analyser les bienfaits du sport uniquement à travers le prisme de l’IMC équivaut à dessiner un arc-enciel avec des crayons d’une seule couleur : on perd trop d’informatio­n pour que l’exercice soit vraiment parlant.

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