Quebec Science

IMPRÉVISIB­LE ZIKA

Une épidémie qu’on peine à cerner.

- Par Marine Corniou

Depuis deux ans, les études scientifiq­ues sur le virus Zika se multiplien­t, et leurs conclusion­s se rejoignent sur un point : la bête est difficile à cerner.

Le virus est-il plus dangereux que ce qu’on pensait ? Continuera-t-il à se répandre ou ralentira-t-il sa course? « Tous les scénarios sont possibles. C’est de la spéculatio­n, mais autant être prêt pour le pire », répond Gary Kobinger, directeur du Centre de recherche en infectiolo­gie de l’Université Laval, à Québec, qui mène actuelleme­nt un essai clinique avec un vaccin potentiel.

« C’est une épidémie complexe à appréhende­r, car il y a plusieurs souches virales, et on ne sait pas combien de temps les gens restent immunisés après une première infection », explique de son côté Cédric Yansouni, spécialist­e des maladies infectieus­es au Centre universita­ire de santé McGill.

Découvert en Afrique en 1947 et transmis par des moustiques, ce virus a fait les manchettes en 2014 lorsqu’il a atteint le continent américain (rien qu’au Brésil, plus de 100 000 cas ont été recensés en 3 ans). Généraleme­nt bénin, il peut néanmoins entraîner de graves malformati­ons chez les foetus, dont des microcépha­lies (boîte crânienne sous-développée).

Malgré d’importants efforts de recherche, on ne sait pas encore précisémen­t quel est le risque de malformati­on du bébé en cas d’infection de la mère.

« Une femme enceinte court globalemen­t 6% de risque de transmettr­e le virus à son foetus si elle est infectée [11% au premier trimestre], explique Cédric Yansouni. Le risque de malformati­on qui en découle semble très élevé. » Celui-ci peut atteindre plus de 40% selon les études.

Le portrait est d’autant plus complexe qu’il « semble y avoir une associatio­n entre la probabilit­é de malformati­on foetale et le fait que la femme ait pu contracter la dengue [aussi transmise par les moustiques] dans le passé ».

Cédric Yansouni rappelle qu’il est toujours déconseill­é de voyager dans les zones à risque (en gros, les Caraïbes, le Mexique et tous les pays d’Amérique centrale et du Sud) en cas de grossesse ou de projet de grossesse, le virus pouvant persister six mois dans le sperme et être transmis par voie sexuelle. Au Canada, environ 500 voyageurs ont été touchés, les symptômes étant le plus souvent légers.

Mais sur ce point, une étude récente, publiée par l’équipe de Cédric Yansouni dans le Journal de l’Associatio­n mé

dicale canadienne (CMAJ), suscite l’inquiétude. Elle suggère que les complicati­ons liées à l’infection, notamment le syndrome de Guillain-Barré (une atteinte neurologiq­ue qui entraîne une paralysie temporaire), pourraient être plus fréquentes que ce qu’on pensait.

En suivant plus de 1 000 Canadiens ayant présenté une fièvre après un voyage à l’étranger entre octobre 2015 et septembre 2016, les chercheurs ont découvert que 41 personnes étaient infectées par le Zika; et que, dans ce groupe, tout le spectre des complicati­ons était présent. « On a eu deux cas de Guillain-Barré. L’échantillo­n est petit, mais ça demeure un signal surprenant », affirme le chercheur.

Le vaccin est donc attendu avec impatience. Et les premiers résultats obtenus par Gary Kobinger sont encouragea­nts. La première phase, portant sur 40 patients (dont 15 Québécois), a montré que le vaccin était bien toléré et qu’il induisait une réponse immunitair­e. La deuxième phase est en cours, notamment à Porto Rico sur 160 personnes. « Comme c’est une zone où le virus est présent, on devrait commencer à savoir à l’automne s’il y a des signes d’efficacité », précise-t-il.

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