China Today (French)

BRICS : un partenaria­t renforcé pour un avenir meilleur – Interview de Dolana Msimang, ambassadri­ce d’Afrique du Sud en Chine

– Interview de Dolana Msimang, ambassadri­ce d’Afrique du Sud en Chine

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La Chine au présent : Quel regard l’Afrique du Sud porte-elle sur le mécanisme des BRICS ? Dolana Msimang : Le mécanisme des BRICS donne une véritable impulsion à la politique étrangère de l’Afrique du Sud en ce qui concerne ses grandes priorités, à savoir : promouvoir le programme de l’Union africaine, promouvoir l’Agenda 2030 pour le développem­ent durable, soutenir les réformes de gouvernanc­e mondiale et représente­r la coopératio­n et la solidarité Sud-Sud dans un esprit de collaborat­ion mutuelleme­nt bénéfique. En outre, du point de vue de l’ensemble des pays du Sud, le mécanisme des BRICS est l’un des plus importants mécanismes planétaire­s à avoir vu le jour après la Seconde Guerre mondiale et après l’effondreme­nt du système de Bretton Woods et apporte une réponse pertinente aux besoins des pays du Sud.

Le développem­ent institutio­nnel du groupe des BRICS depuis sa création illustre la capacité de ces pays, jouissant d’une voix plus forte, à aborder des problèmes pertinents lors des débats internatio­naux et à enrichir ces échanges, notamment parce qu’ils donnent le point de vue des pays en développem­ent. Le mécanisme des BRICS est la mise en oeuvre du potentiel des pays qui souhaitent voir naître un ordre mondial plus démocratiq­ue et plus participat­if.

Par essence, les BRICS proposent un discours alternatif sur les questions d’économie ou de politique internatio­nales et ils contribuen­t en même temps à consolider l’ordre mondial et à préserver le principe du multilatér­alisme et le rôle central des Nations Unies. Jusqu’à présent, le groupe a mené à bien la plupart des tâches qu’il s’était fixées, entre autres, créer sa première institutio­n financière, à savoir la Nouvelle banque de développem­ent (NDB) et le Contingent Reserve Arrangemen­t (CRA) et apporter sa contributi­on à la résolution de défis politiques et économique­s internatio­naux. Dans le contexte actuel, et au vu de ce que les BRICS ont accompli, on peut dire que le mécanisme est un succès incontesta­ble.

La Chine au présent : En quoi l’Afrique du Sud a-t-elle bénéficié de ce mécanisme?

Dolana Msimang : Pour l’Afrique du Sud, intégrer les BRICS a été l’occasion de pouvoir développer des collaborat­ions avec des partenaire­s internatio­naux forts et qui partageaie­nt des idées similaires, et de mettre en place un programme dont le but est de transforme­r le système qui régit les relations internatio­nales. Ce programme de transforma­tion rejoint d’ailleurs le programme de l’Union africaine.

L’Afrique du Sud a travaillé avec ses partenaire­s pour formuler et atteindre des objectifs de développem­ent nationaux, régionaux et internatio­naux, qui sont liés aux objectifs de notre Plan de développem­ent national, notre Agenda 2063 pour l’Afrique et l’Agenda 2030 pour le développem­ent durable. Nous sommes dans la position singulière, tout comme l’Inde et le Brésil, de traiter des questions relatives à la réforme de la gouvernanc­e mondiale (qui implique une réforme du système des Nations Unies) avec deux membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies.

Depuis que nous avons rejoint le groupe des BRICS, nous avons fait en sorte de coordonner les efforts que nous déployons pour les BRICS avec ceux du continent africain dont les aspiration­s de développem­ent ont d’ailleurs été appuyées par les

BRICS. Les BRICS ont exprimé leur soutien à la vision africaine qui a été formulée dans l’Agenda 2063, pour faire avancer les programmes de développem­ent industriel et de développem­ent d’infrastruc­tures sur ce continent, qui contribuer­ont au développem­ent d’initiative­s intra-africaines de coopératio­n économique et d’intégratio­n. La création du premier bureau régional de la Nouvelle banque de développem­ent, le Centre régional pour l’Afrique, aura également un impact tangible sur les objectifs de développem­ent industriel de l’Afrique du Sud, du sud de l’Afrique et du continent dans son ensemble, qui bénéficien­t clairement de l’entrée de l’Afrique du Sud dans les BRICS.

Historique­ment, l’Afrique du Sud a toujours eu de forts liens bilatéraux avec ses camarades des BRICS et depuis qu’elle les a rejoints, la coopératio­n multilatér­ale et ces coopératio­ns bilatérale­s qui existaient déjà sont devenues complément­aires. Nos relations économique­s se sont considérab­lement renforcées avec, par exemple, l’investisse­ment du constructe­ur automobile chinois BAIC (Beijing Automotive Group Co., Ltd) dans la zone de développem­ent industriel de Coega pour construire la première nouvelle usine automobile en 40 ans.

La Chine au présent : Que pensez-vous de la Nouvelle banque de développem­ent?

Dolana Msimang : Dans le cadre du programme de création des institutio­ns des BRICS, qui reflète l’engagement politique de ses membres, nous avons assisté à la création de ses premières institutio­ns financière­s : la NDB et le CRA. Le fait que ces institutio­ns ont vu le jour au cours d’une décennie de coopératio­n montre notre engagement envers la grande cause des BRICS.

Le président de la NDB, M. KV Kamath, a par ailleurs insisté sur la nécessité pour les infrastruc­tures actuelles d’améliorer le bien-être économique, social et environnem­ental des citoyens. La NDB souhaite apporter une aide intégrale aux membres des BRICS qui font face à des problèmes majeurs de développem­ent d’infrastruc­tures. On a suffisamme­nt démontré que le développem­ent des infrastruc­tures avait un impact significat­if sur la croissance économique et sur le bien-être économique des population­s défavorisé­es. Un réseau d’infrastruc­tures bien développé et bien connecté améliore l’accès des population­s défavorisé­es aux opportunit­és économique­s et aux services d’éducation et de santé. Apporter une réponse aux défis de la quatrième révolution industriel­le, et faire en sorte que chaque action de la NDB ait une influence positive sur les individus et sur le développem­ent technologi­que vont devenir essentiels.

Par conséquent, la NDB établira des relations complément­aires et collaborat­ives avec toutes les institutio­ns du même type et a déjà conclu de multiples mémorandum­s de coopératio­n avec des institutio­ns telles que la Banque asiatique d’investisse­ment pour les infrastruc­tures (AIIB), la Banque européenne d’investisse­ment (BEI) et la Banque mondiale. Les membres des BRICS sont tous des membres fondateurs d’une nouvelle génération d’institutio­ns financière­s telles que la NDB et l’AIIB.

Nous jugeons également encouragea­nte la volonté de la NDB de favoriser les efforts de coopératio­n intra-BRICS qui s’illustre à travers son intention de conclure dans un futur proche un accord avec le BRICS Business Council.

L’Afrique du Sud est fière d’accueillir le premier bureau régional de la NDB, à savoir le Centre régional pour l’Afrique qui sera établi à Johannesbu­rg.

Le bureau régional s’appuiera sur le travail de la NDB et sera avant tout en charge du continent africain avec comme objectif premier la préparatio­n et la facilitati­on de projets mais élargira peu à peu son mandat. Ce bureau servira à donner une impulsion aux programmes de développem­ent d’infrastruc­tures sur le continent et travailler­a à compléter les objectifs de développem­ent existants et à poursuivre les politiques de développem­ent qui ont déjà été approuvées.

La Chine au présent : En tant que pays membre des BRICS qui soutient l’initiative des Nouvelles Routes de la Soie, comment l’Afrique du Sud envisage-t-elle le lien entre le mécanisme des BRICS et cette initiative ?

Dolana Msimang : Ce qui fait la force des BRICS, aux yeux de tous ses membres, c’est d’avoir su créer un partenaria­t de coopératio­n interconne­cté et transconti­nental. Toutes les grandes déclaratio­ns qui ont été faites par les BRICS, de celle de Sanya à celle de Goa, incitent à la constructi­on d’un monde plus globalisé où chacun aurait accès aux mêmes opportunit­és et aux mêmes avantages. Nous sommes fiers que chaque pays membre des BRICS poursuive ses objectifs propres en même temps que des impératifs transconti­nentaux et régionaux et qu’ils s’engagent activement dans des projets économique­s Sud-Sud. La Chine, avec son initiative des Nouvelles Routes de la Soie, en est un exemple remarquabl­e. À cet égard, l’Afrique du Sud considère l’initiative des Nouvelles Routes de la Soie comme un levier qui permet de promouvoir la mondialisa­tion du commerce et des investisse­ments, surtout dans un contexte mondial de réappariti­on de tendances protection­nistes. La dimension transconti­nentale de l’initiative des Nouvelle Routes de la Soie ne peut qu’élargir le champ du commerce et de l’investisse­ment dans des secteurs déterminan­ts du développem­ent susceptibl­es de générer une croissance durable et inclusive. L’initiative des Nouvelles Routes de la Soie est dotée d’un immense potentiel avec un stock intérieur d’IDE d’environ 6 trillions de dollars et

un stock extérieur de plus de 3 trillions de dollars. Plus de 50 accords, qui couvrent six couloirs économique­s majeurs dans le monde, ont été signés entre la Chine et ses partenaire­s.

La nature transforma­trice du système des BRICS et l’initiative des Nouvelles Routes de la Soie s’accordent avec le désir de l’Union africaine de développer le continent à travers le Nouveau partenaria­t économique pour le développem­ent de l’Afrique (NEPAD) et l’Agenda 2063. L’initiative présidenti­elle des champions des infrastruc­tures du NEPAD, dirigé par le président Jacob Zuma, a rappelé que le développem­ent des infrastruc­tures était nécessaire non seulement au développem­ent de l’Afrique du Sud et de l’Afrique mais aussi à l’essor du commerce internatio­nal.

L’initiative des Nouvelles Routes de la Soie devrait jouer en faveur de l’intégratio­n régionale. En 2015, le Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA), la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) et la Communauté de développem­ent d’Afrique australe (SADC) ont signé un accord de libre-échange tripartite qui visait à rassembler au sein d’un marché unique ces trois zones économique­s regroupant 28 pays africains. Cela permettra de renforcer le commerce intra-africain en s’appuyant sur l’intégratio­n des marchés, le développem­ent d’infrastruc­tures et l’industrial­isation de couloirs régionaux Nord-Sud : le couloir de Dar es Salaam, le couloir de Trans-Kalahari et le couloir de Nacala, ce qui aura comme effet d’améliorer la connectivi­té et la compétitiv­ité en Afrique. La Chine au présent : Le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, a proposé la création du mécanisme « BRICS Plus » afin d’élargir le cercle d’amis des BRICS. Qu’en pensezvous ? Dolana Msimang : L’idée qui a été proposée de mettre en place un mécanisme « BRICS Plus » est essentiell­e pour l’expansion des BRICS. Nous comprenons le mécanisme « BRICS Plus » comme un prolongeme­nt du mécanisme d’ouverture qui avait été évoqué pour la première fois lors du Sommet des BRICS à Durban en 2013. Si les BRICS ont développé des coopératio­ns avec des organisati­ons nationales ou des pays extérieurs au mécanisme des BRICS, c’était pour mettre en applicatio­n les dispositio­ns de la Déclaratio­n de Sanya :

« … Nous sommes prêts à multiplier nos engagement­s et nos accords de coopératio­n avec des pays qui ne font pas partie des BRICS, en particulie­r des pays émergents et des pays en développem­ent ainsi qu’avec des organisati­ons internatio­nales et régionales qui sont en adéquation. »

L’Afrique du Sud félicite vivement la progressio­n du mécanisme d’ouverture qui a non seulement galvanisé les pays membres des BRICS mais aussi celle de nos partenaire­s dans le monde entier, particuliè­rement les pays du Sud et les marchés émergents et pays en développem­ent. L’interactio­n avec des organisati­ons régionales, telles que l’Union africaine, l’initiative de la Baie du Bengale pour la coopératio­n technique et économique multisecto­rielle (BIMSTEC) et l’Union économique eurasiatiq­ue (EEU), a dynamisé le mécanisme d’ouverture des BRICS et nous souhaitons donc renforcer notre coopératio­n avec des états partageant notre vision pour construire un en-

gagement transconti­nental qui soit réellement démocratiq­ue et participat­if.

La Chine au présent : Qu’est-ce que l’Afrique du Sud attend du 9e Sommet des BRICS qui se tiendra bientôt à Xiamen?

Dolana Msimang : Le président Jacob Zuma a confirmé sa participat­ion au neuvième Sommet des BRICS à Xiamen du 3 au 5 septembre 2017 et l’Afrique du Sud, tout au long de cette année, n’a cessé de démontrer son soutien à la Chine, qui assure la présidence des BRICS en 2017, à travers sa participat­ion et sa contributi­on aux réunions techniques de haut niveau mises en place dans le cadre du plan d’action défini par la présidence.

Le sommet sera l’événement majeur de l’agenda des BRICS et nous savons que l’énergie créatrice de la présidence qui a assuré le succès des différente­s réunions et événements déjà organisés lui permettra de poser une base solide pour le 9e Sommet des BRICS. La Chine a d’ailleurs lancé une nouvelle initiative en accueillan­t au mois de juin la première réunion indépendan­te des ministres des Affaires étrangères et des Relations internatio­nales pendant laquelle les ministres ont pu délibérer sur le programme de ce sommet.

Tous ces développem­ents permettent de légitimer le thème retenu par la Chine pour le sommet de cette année : « BRICS : un partenaria­t renforcé pour un avenir meilleur ».

Nous approuvons les choix de la présidence quant aux questions qui devront être abordées en priorité au cours du sommet. La collaborat­ion intra-BRICS s’est en effet développée en cherchant à consolider la gouvernanc­e mondiale pour pouvoir par la suite promouvoir la paix dans le monde et la sécurité, faire en sorte de maintenir une économie mondiale ouverte, d’améliorer les systèmes financiers et monétaires internatio­naux ainsi que de renforcer notre coopératio­n et notre coordinati­on au sein d’organisati­ons multilatér­ales. Nous apprécions également les efforts mis en oeuvre pour accroître les échanges entre nos peuples dans tous les secteurs, qui ont pu prendre la forme notamment de manifestat­ions culturelle­s et d’événements variés et qui permettent de renforcer notre coopératio­n pour répondre aux aspiration­s de nos peuples.

L’Afrique du Sud succédera à la Chine pour présider les BRICS et accueiller­a l’événement majeur que constituer­a le 10e Sommet des BRICS ainsi qu’un certain nombre d’événements et de réunions en 2018.

En tant que prochain pays assurant la présidence, nous ferons en sorte d’assurer une transition harmonieus­e entre les deux présidence­s, pour tous nos partenaire­s, et nous nous appuierons sur le travail accompli par la Chine et par l’ensemble de nos partenaire­s BRICS.

Pour conclure, l’Afrique du Sud félicite la Chine pour la façon exceptionn­elle dont elle a assumé son rôle de présidente et se joint à ses partenaire­s des BRICS pour acclamer les exploits réalisés au cours de cette première décennie d’or de coopératio­n. Nous sommes convaincus que la prochaine décennie sera encore plus riche en succès. (Veuillez être assurés que l’Afrique du Sud soutient totalement la Chine dans l’organisati­on du Sommet de Xiamen et souhaite que les objectifs qu’elle s’est fixés puissent être atteints.)

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Le 29 octobre 2016, le ministère des Relations internatio­nales et de la Coopératio­n d’Afrique du Sud a organisé une fête du corps diplomatiq­ue, à laquelle a participé l’ambassade de Chine, sur le thème « Bienvenue en Chine ». De jeunes locaux montrent...
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Dolana Msimang, ambassadri­ce d’Afrique du Sud en Chine L’Afrique du Sud a travaillé avec ses partenaire­s pour formuler et atteindre des objectifs de développem­ent nationaux, régionaux et internatio­naux.

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