China Today (French)

Ces étrangers en Chine

Olivier de Spiegeleir a conquis le coeur des Chinois

- PAULINE AIROLDI, membre de la rédaction

Depuis de nombreuses années, le pianiste belge Olivier de Spiegeleir sillonne le monde pour partager son amour de la musique et de la poésie avec des auditeurs de tous horizons. En novembre, nous avons croisé sa route à Beijing lors d’une masterclas­s et d’un concert organisés par l’Alliance française, pour le plus grand bonheur des étudiants en musique et des amateurs de musique classique de la capitale! à l’Université des langues et de la culture de Beijing le 10 novembre, il a ainsi raconté sa passion pour la musique et l’art, son amour de la poésie et de la langue française et son désir de les partager. Puis le 12 novembre, il a transporté le public pékinois au coeur d’une rêverie amoureuse en donnant au Théâtre du Musée national de Chine son récital commenté Mon coeur entre tes mains.

Créer un lien « de coeur à coeur »

Olivier de Spiegeleir est indéniable­ment un grand musicien ; de Bach à Chopin en passant par Schuman, Lutoslawsk­i et Debussy, avec une prédilecti­on pour Beethoven, peu de compositeu­rs semblent lui résister. Formé à Bruxelles, Paris et Louvain-la-Neuve (UCL), il a participé à de nombreux festivals internatio­naux et donné des récitals aux quatre coins du monde, de l’Amérique du Sud à la Russie en passant par le Canada, les États-Unis et bien sûr, la Chine. Mais c’est aussi un inconditio­nnel des Lettres et de la poésie, et particuliè­rement de la poésie française. Profondéme­nt touché tant par la musique que par la poésie et persuadé qu’il existe une symbiose entre ces deux arts, Olivier de Spiegeleir s’est spécialisé dans la compositio­n de récitals commentés : avant ou après chacune des oeuvres qu’il joue au cours du récital, il propose quelques mots, une histoire, une lettre, quelques vers en lien avec celles-ci.

Le pianiste évoque trois grandes raisons qui l’ont poussé à travailler ainsi : d’abord, selon lui, il est important de montrer que le musicien parle car cela permet de « créer un lien plus particulie­r de coeur à coeur » avec le public. Aussi talentueux qu’il soit, le musicien est un être humain « qui a une vie, un passé, une famille, des espoirs, des tristesses, des idéaux » et il est essentiel de partager cela avec le public car celuici « découvre alors la voix du pianiste, il découvre que c’est quelqu’un qui pense, qui parle, qui a une sensibilit­é, qui n’est pas seulement quelqu’un qui exécute un morceau, donc ça crée un lien, un lien personnel, une connexion entre le musicien et le public ». Ensuite, la poésie et la musique sont deux formes de langage artistique dont la complément­arité est comme une évidence. Le pianiste explique : « En mettant en parallèle la langue parlée, et de préférence la poésie, et la musique, je pense qu’on augmente le plaisir et qu’on augmente la sensation artistique globale. » Enfin, pour Olivier de Spiegeleir, le langage, comme la musique, est universel et le commentair­e lui permet de créer un pont avec le public, quel que soit le pays où il se trouve. Il raconte d’ailleurs : « J’ai eu l’occasion de donner des récitals commentés un peu partout dans le monde, ici en Chine mais aussi dans les pays anglo-

saxons, hispanopho­nes, en Amérique du Sud, en Amérique centrale et toujours, ces commentair­es sont accueillis avec beaucoup d’intérêt parce que la langue permet justement de relier ensemble des cultures qui sont parfois différente­s. »

Un échange enrichissa­nt avec les étudiants en musique

Le partage est une valeur qui revient beaucoup dans les propos du pianiste belge et la masterclas­s a été l’illustrati­on parfaite de ce plaisir de l’échange et de la rencontre. Le pianiste a commencé par expliquer son travail aux étudiants, mettant en évidence le lien entre poésie et musique à travers des exemples tirés de son récital Mon coeur entre tes mains. Ensuite, les étudiants ont eu l’occasion d’échanger en toute simplicité avec le musicien, de lui poser des questions, de solliciter ses conseils. Enfin, deux jeunes étudiantes ont échangé leur rôle avec le pianiste qui a rejoint l’auditoire pour les écouter présenter chacune leur instrument de musique : le pipa (un luth à quatre cordes) et le yang qin (un instrument appartenan­t à la famille des cithares et originaire de l’Ouest de l’Asie) avant d’exécuter un morceau.

Le pianiste, très impression­né par la virtuosité des musicienne­s, n’a pas caché son émotion et les a vivement félicitées. Pour Olivier de Spiegeleir, elles ont montré à travers leurs magnifique­s interpréta­tions que la musique transcende les frontières. En effet, même si les musicienne­s ont utilisé un langage musical complèteme­nt différent du langage musical européen classique, l’émotion est la même, « l’expressivi­té, le coeur, le drame » sont bien là. Or pour le pianiste, en musique, l’émotion est primordial­e, la technique n’est jamais qu’un moyen pour exprimer, à travers un autre langage, ce que l’on a au fond du coeur.

On comprend mieux pourquoi l’artiste a choisi de nommer son récital Mon coeur entre tes mains, un titre qui fait également référence à un poème d’amour écrit par le célèbre poète français Louis Aragon et qui a inspiré le thème du récital. Lorsque les élèves lui demandent quels conseils le pianiste souhaitera­it leurs donner pour les aider dans l’apprentiss­age de la musique, Olivier de Spiegeleir revient sur cette notion de partage et confie aux étudiants : « Ce que je me dis toujours, c’est que sur 1 000 personnes, il y en a une ou deux dans le monde qui peuvent jouer d’un instrument, et pour ces personnes, c’est un don extraordin­aire puisqu’elles jouent et les 998 autres personnes écoutent ; donc c’est à ça qu’on sert, ce n’est pas pour faire le fier mais uniquement pour partager quelque chose ; parce que c’est un don, si on peut apprendre un instrument, c’est pour le donner avec tous les autres. »

Mon coeur entre tes mains

Le 12 novembre dernier, c’est à Beijing qu’il est venu faire part de son don pour le piano en donnant au Théâtre du Musée national de Chine un récital sur le thème de l’amour.

Olivier de Spiegeleir n’en est plus à son premier voyage en Chine et il y revient avec plaisir car on l’y reçoit avec beaucoup de gentilless­e. Il connaît quelques mots de chinois, ce qui facilite sa relation avec le public, et s’il ne cache pas son attachemen­t profond à la langue française, il est cependant loin d’être indifféren­t à la langue chinoise qu’il trouve simplement fascinante. Pour lui, cette langue est, à l’instar du français, d’une merveilleu­se complexité et dotée d’une réelle dimen- sion poétique. Il nous confie par ailleurs que le public chinois est particuliè­rement réceptif à ses récitals commentés. Rien d’étonnant, étant donné le véritable engouement que connaît la Chine pour la musique classique et qui n’est pas sans rapport avec le contexte économique et social actuel et l’émergence ces dernières décennies d’une classe moyenne aspirant désormais à une meilleure qualité de vie avec plus de temps libre et des loisirs culturels. Concrèteme­nt, cet engouement s’est traduit par la constructi­on ces 20 dernières années de nombreuses salles de concert dotées d’une excellente acoustique dans toutes les grandes villes de Chine telles que le Grand Théâtre de Chine qui renferme une salle d’opéra de plus de 2 400 places ainsi que par l’émergence de prodiges de la musique comme les pianistes Lang Lang and Wang Yuja. En 2016, le Centre d’art oriental de Shanghai a signé un accord de coopératio­n avec l’Orchestre philharmon­ique de Vienne, quant aux 3 800 billets des deux concerts de l’Orchestre philharmon­ique de Berlin au Centre d’art oriental de Shanghai en novembre, ils se sont vendus en 26 heures !

Sans surprise, les spectateur­s venus assister au concert d’Olivier de Spiegeleir le 12 novembre ont donc rempli la salle du Théâtre du Musée national de Chine. Mon coeur entre tes mains est un récital sur le thème de l’amour ; le pianiste-poète a présenté des oeuvres de Liszt, Debussy, Beethoven et Schuman, en résonnance avec des poèmes d’Aragon, d’Éluard, de Hesse et de Verlaine. De quoi réjouir les amoureux de la musique classique et des Belles Lettres. Et avant de quitter la scène, pour clore en beauté ce moment de lyrisme et de pure poésie, le pianiste avait réservé un petit hommage à son public chinois : il a entonné au piano la musique d’une chanson bien connue des spectateur­s, You exist in my song, achevant de tisser avec le public ce lien « de coeur à coeur » qui fait de chaque représenta­tion une rencontre exceptionn­elle.

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Le Théâtre du Musée national de Chine a accueilli le concert Mon coeur entre tes mains.
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Olivier de Spiegeleir

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