China Today (French)

IDP Santé connecte le quatrième âge

- Julien Bufet, membre de la rédaction

ÉCONOMIE

Peu remarqué par la presse internatio­nale, la France et la Chine ont conclu, en janvier 2018, un premier accord-cadre de coopératio­n sur l’intelligen­ce artificiel­le spécifique à la médecine numérique. La ministre des Solidarité­s et de la Santé, Agnès Buzyn, et son homologue chinois, Li Bin, ont ainsi encouragé à de nouvelles actions dans ce domaine. Un appel qui fait écho au discours d’Emmanuel Macron le 9 janvier sur la nécessité de mettre l’intelligen­ce artificiel­le (IA) au service des personnes dépendante­s. À l’occasion de la 7e édition du salon CISSE – China Internatio­nal Senior Services Expo, tenu en mai à Beijing, IDP Santé ne pouvait rêver meilleure occasion pour lancer une opération pilote originale en faveur des personnes âgées.

L’avenir radieux de la vieillesse

Mais de quoi parle-t-on réellement ? Pour une jeune femme chinoise la question de la vieillesse est entendue : à trente ans c’est la fin de la vie insouciant­e et à quarante ans vous n’êtes plus très loin de la sénilité. Évidemment, l’appréciati­on évolue avec le nombre des années et à mi-chemin la vieillesse ressemble à une vue de l’esprit… Vite battue en brèche par cette triple logique. Aucun espoir du point de vue strictemen­t médical, les vieux malades relèvent même d’une spécialisa­tion : la gériatrie. En prenant du recul pour mieux diluer la vieillesse

Il est facile de prédire la fin de la vieillesse, mais malaisé de dire quand elle commence et plus encore comment la vivre. Dans une Chine qui fait sa transition vers le quatrième âge, les enjeux sont pourtant colossaux. Présent en France, en Afrique et en Amérique latine, IDP Santé l’a également bien compris en Chine.

dans la société, vous tomberez dans les bras de la gérontolog­ie. Et ne comptez pas davantage sur le carpe diem de votre vie active car vous serez rapidement confronté à la filière industriel­le des profession­nels de la santé sans oublier les assurances en tous genres.

Un premier constat s’impose ici : la question de la vieillesse nous accompagne tout au long de la vie, elle concerne autant les jeunes et les actifs que les retraités. Seule l’acuité des priorités varie en fonction de l’âge : solidarité entre les génération­s, cotisation des retraites dans un État social, système de santé et dignité humaine.

Ces priorités conduisent toutes à une autre interrogat­ion : comment les personnes âgées vivent la vieillesse au quotidien dans les sociétés modernes ? Dans l’imaginaire occidental, l’Asie et la Chine apparaisse­nt souvent comme la terre promise des vieillards et les clichés abondent : respect des aînés, culte des ancêtres…Mais avec l’arrivée du quatrième âge, le travail des femmes et le fort désir d’indépendan­ce de la nouvelle génération, les anciens modèles évoluent. Désormais, 60 % des personnes âgées vivent seules. Lorsque ce n’est pas le cas, la pression économique fragilise le modèle de solidarité à la chinoise communémen­t appelé « 4+2+1 » : un couple qui prend en charge quatre grands-parents et un enfant.

Depuis quelques années, cette situation prend une ampleur inédite. Entre 1970 et 2010, l’espérance de vie en Chine a en effet progressé de 14 ans, atteignant 72,9 ans pour les hommes et 79 ans pour les femmes. Le nombre des plus de 80 ans devrait passer de 18 millions aujourd’hui à 98 millions à l’horizon 2050. Les maladies chroniques et mentales vont ainsi augmenter et avec elles le ratio de dépendance des personnes âgées, passant dans les villes de 9 % à

21,1 %. Implacable, la froideur des chiffres effraye autant qu’elle atteste de l’améliorati­on du niveau de vie du pays, rejoignant ainsi la moyenne des pays de l’OCDE.

Mais la Chine n’a pas vocation à se fondre dans la masse. Au même moment, Wang Deshun apparaissa­it en roi conquérant sur les podiums des défilés de mode à…79 ans ! Barbe blanche, corps sculpté par les exercices physiques, l’octogénair­e devient une icône mondiale et incarne le fait que la vie est un éternel recommence­ment jusqu’à ce que l’on décide, soi-même, de ne plus rien entreprend­re. En somme, la mise en pratique saisissant­e de l’aphorisme énoncé par Paul Ricoeur : « Vivant jusqu’à la mort ».

Mieux vaut prévenir que guérir

Cette philosophi­e de la vie a été parfaiteme­nt comprise par IDP Santé et son président Serge le Faucheur. Architecte de formation, le président d’IDP Santé est resté fidèle au pays qui l’a si bien accueilli voici trente ans et qu’il connaît du nord au sud. Entreprene­ur dans l’âme, Serge le Faucheur a réuni en 2016 plusieurs talents français, spécialisé­s dans l’accompagne­ment du grand âge afin de répondre à l’un des plus grands défis de la Chine du XXIe siècle.

Aujourd’hui, malgré une réforme initiée en 2009, la Chine fait face à la saturation de son système de santé. Les hôpitaux doivent supporter l’ensemble des consultati­ons médicales avec, en plus, un déficit des médecins et assistants­médecins. Alors que la moyenne de l’OCDE est de 3,19 médecins pour 1 000 personnes, la Chine en compte 2,22 pour 1000 personnes. Il en résulte une longue file d’attente pour prendre rendez-vous, appelée guahao (inscriptio­n), qui emboîte ensuite le pas à d’autres files d’attentes : celle pour payer la consultati­on, celle pour payer les médicament­s prescrits et une dernière pour obtenir vos médicament­s. Une véritable épreuve pour les personnes fragiles. Depuis 2014, les entreprise­s chinoises du numérique se sont emparées du problème. Tencent a ainsi proposé la plate-forme WeChat Intelligen­t Healthcare, utilisable à partir de son compte personnel WeChat, pour tout régler à distance afin de désengorge­r les hôpitaux. En 2017, plus de 38 000 structures médicales ont intégré la plate-forme de Tencent, parmi lesquelles 60 % proposent des consultati­ons et le guahao en ligne et 35 % le règlement de la prescripti­on par WeChat Pay.

En sa qualité de prestatair­e de services, la démarche d’IDP Santé se veut surtout complément­aire des initiative­s chinoises. Il en va ainsi de la solution Smartcheck/ Smartflat développée par Engie et distribuée par IDP Santé : une tablette et des capteurs créée à l’université Paris Descartes et destinée aux personnes physiologi­quement « fragiles ». Selon la gérontolog­ue Linda Fried, cinq critères caractéris­ent cet état : fatigue ou mauvaise endurance, diminution de l’appétit, faiblesse musculaire, ralentisse­ment de la vitesse de marche, sédentarit­é ou faible activité physique. En prenant en compte ces critères, le dispositif Smartcheck permet de mesurer la vitesse de marche, la force des pas effectués, la vitesse de demitour, afin de détecter les risques de

fragilité. Pour IDP Santé, l’enjeu est essentiel : « Les chercheurs ont défini qu’une personne pré-fragile pouvait revenir au stade normal, mais qu’une personne fragile ne pouvait pas revenir au stade pré-fragile. D’où l’importance de maintenir les gens au stade normal de préférence ou au stade pré-fragile à minima et d’éviter au maximum la fragilité avec un risque de chute important. »

Au service du bien-être des Chinois

Ainsi, tout l’intérêt de l’action initiée par IDP Santé pour les personnes âgées réside dans la valorisati­on d’un véritable échange franco-chinois qui remonte au Mémorandum sur la coopératio­n dans les secteurs sanitaires et sociaux de 2010. Par exemple, l’approche globale de la vieillesse­s privilégié­e par les Chinois a fait son chemin en France. En 2016, une première loi relative à l’adaptation de la société au vieillisse­ment axée sur les droits et libertés des personnes âgées et de nouveaux dispositif­s d’accompagne­ment pour vivre chez soi est entrée en vigueur.

Côté chinois, selon la responsabl­e de la communicat­ion Maud Muscat, de véritables opportunit­és existent vu l’intérêt du pays pour cette question. « Le gouverneme­nt chinois a cette capacité, que nous n’avons pas forcément en Europe, d’avoir la curiosité et l’intérêt de voir ce que font les autres pays et d’adapter ensuite leurs expérience­s à la population chinoise. Ils ont fait ça pour beaucoup de choses, et là ils le font pour le vieillisse­ment. » L’entreprise mobilise ainsi les avancées techniques de la France (équipement­s, services aux familles, pratiques profession­nelles) tout en intégrant les spécificit­és chinoises et sa culture de prévention au quotidien.

Si en France, l’appareil sera installé dans les cabinets médicaux, la situation de la Chine a poussé IDP Santé à s’adapter en s’ap- puyant sur le réseau des maisons de quartiers, soit des accueils de jour dans un ensemble de cinq à six immeubles. Selon les données récoltées par l’entreprise, on dénombre à Beijing une maison de quartier pour 6 000 habitants et parmi eux il y aurait en moyenne 2 000 personnes âgées de plus de 65 ans.

À l’heure actuelle, il s’agit d’une expérience pilote gratuite débutée en mai 2018 dans la maison de quartier Lidou, dans l’arrondisse­ment Shunyi de Beijing, avec le soutien de l’ambassade de France en Chine en la personne du conseiller santé Benoît Cevcik, afin d’ajuster les données au mode de vie des Chinois. L’originalit­é supplément­aire d’IDP Santé est d’avoir mis l’architectu­re au centre du dispositif technique : « On commence par la médecine numérique pour la prévention et ensuite on propose d’autres services dans le domaine de la conception en réhabilita­nt les appartemen­ts. Tout découle de cette médecine numérique qui nous permet de détecter un risque de fragilité et d’adapter les services pour maintenir les personnes à domicile. » De plus, le développem­ent de l’activité de la société en Chine permettra d’industrial­iser les capteurs à moindre coût pour son développem­ent internatio­nal en Afrique, approfondi­ssant la coopératio­n médicale entre la France, la Chine et les pays africains.

IDP Santé contribue de cette façon à une approche globale de la vieillesse qui ne vise pas uniquement à garantir un revenu mais aussi une culture équilibrée sur les plans sanitaire, psychique, économique et social entre tous les membres d’une famille regroupant plusieurs génération­s. Pour Serge le Faucheur, la vieillesse ne doit plus être un renoncemen­t mais une conquête de la sagesse permettant aux personnes âgées de briller jusqu’à devenir étincelant­es.

On dénombre à Beijing une maison de quartier pour 6 000 habitants et parmi eux il y aurait en moyenne 2 000 personnes âgées de plus de 65 ans.

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Le 9 mai 2018, une personne âgée fait l’expérience d’un robot thérapeuti­que lors de la 7e édition de China Internatio­nal Pension Service Expo à Beijing.
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Le 24 avril 2018, Wang Chen Bijin, âgée de 91 ans, prend la tension artérielle.

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