Les élections dangereuses
Une défaite de LREM au scrutin de dimanche servirait de brèche à l’opposition
Suffrage indirect, overdose d’élections en 2017, faible popularité des parlementaires… Les motifs du désintérêt des Français pour le renouvellement de la moitié des sénateurs, qui a lieu dimanche, ne manquent pas. Voici pourtant trois bonnes raisons de s’intéresser à cette élection.
Le projet de réforme constitutionnelle de Macron peut être enterré.
Certes, « le Sénat est une chambre dont on peut se passer pour gouverner, puisqu’il existe un mécanisme qui permet à l’Assemblée nationale de statuer sur les textes », explique Michel Lascombe, professeur de droit constitutionnel à Sciences Po Lille. Mais voilà, parmi les projets d’Emmanuel Macron figure une révision de la Constitution, nécessaire pour tenir certaines de ses promesses de campagne, comme l’interdiction du cumul des mandats dans le temps et la suppression de la Cour de justice de la République. Pour faire adopter cette révision, le président a besoin du soutien de 555 parlementaires. Avec 309 députés LREM, 43 MoDem et 34 Constructifs dissidents LR, il lui faudrait s’assurer du soutien d’environ 170 sénateurs. Or, le groupe LREM au palais du Luxembourg ne compte actuellement que 29 membres.
LREM pourrait connaître sa première défaite.
Les sénatoriales « s’annoncent difficiles pour Emmanuel Macron », observe l’historien Jean Garrigues. Les élus locaux qui composent l’essentiel des grands électeurs appelés à voter sont très remontés contre l’exécutif après l’annonce du gel de dotations, de la baisse des emplois aidés et de la suppression de la taxe d’habitation. LREM projette ainsi de rallier des sénateurs d’autres familles politiques pour obtenir une majorité de coalition. Le chef de l’Etat pourrait aussi se passer du Parlement et soumettre la révision constitutionnelle à un référendum. Reste qu’un échec dimanche « serait comme une confirmation du coup d’arrêt d’Emmanuel Macron, dont la popularité est en baisse dans les sondages, estime Jean Garrigues. Et le Sénat deviendrait une tribune supplémentaire pour l’opposition. »
Le Sénat joue un rôle important dans la création des lois. La
chambre a « deux avantages considérables, pour Michel Lascombe. C’est un améliorateur de textes : les lois sortent du Sénat un peu mieux ficelées que de l’Assemblée. » D’ailleurs, l’institution se targue de voir entre 50 et 90 % de ses amendements repris par les députés. « C’est aussi une chambre qui essaie toujours de trouver une solution médiane, un compromis », poursuit le professeur de droit.