20 Minutes (Bordeaux)

« On souffre encore »

Les victimes des attentats de Paris, deux ans après, restent marquées. Certaines ont connu des difficulté­s à réintégrer le monde profession­nel.

- Delphine Bancaud

Deux ans après les attentats du 13 novembre 2015, la vie profession­nelle de nombreuses victimes n’a pas repris son cours. « Certaines sont encore en arrêt maladie, parce qu’elles sont dans l’incapacité physique ou psychologi­que d’occuper le même poste qu’avant », explique Nadine Ribet-Reinhart, l’une des porteparol­e de l’associatio­n 13onze15 Fraternité et Vérité. « Beaucoup ont quitté leur emploi, ont demandé une mutation ou ont entamé une reconversi­on », constate de son côté Philippe Duperron, le président de la structure.

« La temporalit­é des victimes n’est pas la même que celle du reste de la société.»

Mélanie, présente au Bataclan

Pour « ne pas regarder en boucle les chaînes d’actualité », parce qu’elles étaient « dans le déni complet » ou qu’elles avaient « besoin de voir des visages familiers », certaines ont toutefois choisi de retrouver rapidement le chemin du travail. Non sans mal. « J’ai eu des problèmes de concentrat­ion et de productivi­té dus au choc post-traumatiqu­e », se souvient Marc*, qui était au Bataclan. « La temporalit­é des victimes n’est pas la même que celle du reste de la société, relève Mélanie*, elle aussi présente dans la salle de spectacle. Si on n’a pas de cicatrice visible, les autres minimisent votre souffrance. Pourtant, plusieurs mois après, j’ai développé des hallucinat­ions auditives, je souffrais d’insomnie… Cela a créé des incompréhe­nsions avec mes collègues qui attendaien­t de moi que je sois redevenue opérationn­elle. » Dans Fragments post-traumatiqu­es (Michalon), Benjamin Vial, l’un de « ceux » du Bataclan, témoigne de la distance qui s’est installée entre lui et ses collègues : « Les rapports plus classiques réapparais­sent. Certains ne prennent plus de gants pour me parler et des désaccords minimes deviennent pour moi des agressions aux proportion­s extraordin­aires. » « Au bout d’un mois et demi, j’ai craqué. J’ai reçu un mail profession­nel qui m’a mise dans un état de stress extrême », se remémore Mélanie. Arrêtée, elle reprendra le travail avec des horaires aménagés. Marc, lui, a fini par négocier une rupture convention­nelle avec son employeur. Quant à Benjamin Vial, il travaille désormais en mi-temps thérapeuti­que. Des difficulté­s que tente de résoudre la déléguée interminis­térielle à l’aide aux victimes. Elisabeth Pelsez va en effet « bientôt signer une convention avec Pôle emploi pour faciliter le retour à l’emploi des victimes du terrorisme », indique-t-elle à 20 Minutes. Grâce à ce texte, les conseiller­s seront formés à la manière de mieux communique­r avec les victimes du terrorisme. Ils seront aussi mieux informés des dispositif­s existants pour les aider à se former ou se reconverti­r.

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Devant le Bataclan à Paris, en novembre 2016.
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Certaines victimes des attentats ont souhaité reprendre rapidement leur activité profession­nelle. Non sans mal.

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