«Ils sont deux fois plus déprimés »
Le professeur Christophe Tzourio explique les enjeux d’une étude sur les effets de l’épidémie sur la santé mentale des étudiants
Christophe Tzourio, professeur d’épidémiologie à l’université de Bordeaux, coordonne l’étude I.share, qui suit différents aspects de la santé des étudiants sur dix ans. En parallèle, il collabore sur un an à l’étude Confins, qui s’intéresse aux effets spécifiques de l’épidémie de Covid-19 sur leur santé mentale.
Quel est l’objet de cette collaboration d’I.share à l’étude Confins, qui s’intéresse aux effets de l’épidémie sur la santé des Français ?
Avec cette étude, on veut connaître les répercussions psychologiques de l’épidémie et du confinement sur la santé mentale des étudiants. Les aspects infectieux, on les connaît et on les maîtrise plus ou moins bien. Par contre, ce qu’on a appris aussi des épidémies antérieures comme le Sras, c’est qu’elles s’accompagnent de conséquences psychologiques qui peuvent être redoutables. Comment a été réalisée cette étude ? On a commencé pendant le confinement, en recrutant sur les réseaux sociaux quelque 2000 étudiants et 3500 participants au total. Les non-étudiants, s’ils sont plus âgés que les étudiants, présentent des caractéristiques comparables : par exemple, il y a le même pourcentage de femmes et ils partagent les mêmes représentations sur l’épidémie. Ce sont des groupes comparables et on constate que les indicateurs de santé mentale sont plus dégradés chez les étudiants. Ces derniers représentent une population à risque au moment de cette épidémie et demandent une attention particulière. Quels sont les chiffres marquants que vous retenez à ce stade de l’étude ?
Avec nos échelles classiques, on observe qu’en matière de fréquence, il y a presque deux fois plus d’étudiants que de non-étudiants, stressés, déprimés, anxieux, ce qui est absolument considérable. Et, si on fait appel à des modèles un peu plus sophistiqués, les étudiants ont 50 à 70 % de risques supplémentaires d’avoir des symptômes anxieux ou dépressifs élevés. Ce sont des chiffres importants, qui montrent que c’est une population fragile.
Comment accompagner les étudiants dans ce contexte ?
A l’université de Bordeaux, on est très attentifs et convaincus qu’il faut être plus empathique dans nos actions. On réfléchit, par exemple, dans le cadre de la cellule Covid, dont je suis le référent, à un système de parrainage. Certains experts disent que la vraie épidémie sera une épidémie de maladies mentales, mais elle est décalée, moins perceptible et les gens sont moins vigilants là-dessus. En tout cas, plus tôt on envoie des messages et on met en oeuvre des actions de vigilance, et plus facilement on passera ce cap.