20 Minutes (Bordeaux)

«Ils sont deux fois plus déprimés »

Le professeur Christophe Tzourio explique les enjeux d’une étude sur les effets de l’épidémie sur la santé mentale des étudiants

- Propos recueillis par Elsa Provenzano

Christophe Tzourio, professeur d’épidémiolo­gie à l’université de Bordeaux, coordonne l’étude I.share, qui suit différents aspects de la santé des étudiants sur dix ans. En parallèle, il collabore sur un an à l’étude Confins, qui s’intéresse aux effets spécifique­s de l’épidémie de Covid-19 sur leur santé mentale.

Quel est l’objet de cette collaborat­ion d’I.share à l’étude Confins, qui s’intéresse aux effets de l’épidémie sur la santé des Français ?

Avec cette étude, on veut connaître les répercussi­ons psychologi­ques de l’épidémie et du confinemen­t sur la santé mentale des étudiants. Les aspects infectieux, on les connaît et on les maîtrise plus ou moins bien. Par contre, ce qu’on a appris aussi des épidémies antérieure­s comme le Sras, c’est qu’elles s’accompagne­nt de conséquenc­es psychologi­ques qui peuvent être redoutable­s. Comment a été réalisée cette étude ? On a commencé pendant le confinemen­t, en recrutant sur les réseaux sociaux quelque 2000 étudiants et 3500 participan­ts au total. Les non-étudiants, s’ils sont plus âgés que les étudiants, présentent des caractéris­tiques comparable­s : par exemple, il y a le même pourcentag­e de femmes et ils partagent les mêmes représenta­tions sur l’épidémie. Ce sont des groupes comparable­s et on constate que les indicateur­s de santé mentale sont plus dégradés chez les étudiants. Ces derniers représente­nt une population à risque au moment de cette épidémie et demandent une attention particuliè­re. Quels sont les chiffres marquants que vous retenez à ce stade de l’étude ?

Avec nos échelles classiques, on observe qu’en matière de fréquence, il y a presque deux fois plus d’étudiants que de non-étudiants, stressés, déprimés, anxieux, ce qui est absolument considérab­le. Et, si on fait appel à des modèles un peu plus sophistiqu­és, les étudiants ont 50 à 70 % de risques supplément­aires d’avoir des symptômes anxieux ou dépressifs élevés. Ce sont des chiffres importants, qui montrent que c’est une population fragile.

Comment accompagne­r les étudiants dans ce contexte ?

A l’université de Bordeaux, on est très attentifs et convaincus qu’il faut être plus empathique dans nos actions. On réfléchit, par exemple, dans le cadre de la cellule Covid, dont je suis le référent, à un système de parrainage. Certains experts disent que la vraie épidémie sera une épidémie de maladies mentales, mais elle est décalée, moins perceptibl­e et les gens sont moins vigilants là-dessus. En tout cas, plus tôt on envoie des messages et on met en oeuvre des actions de vigilance, et plus facilement on passera ce cap.

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Les chiffres montrent que les étudiants représente­nt une population fragile.
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