La réforme du statut de cheminot fait débat
Le métier de cheminot a évolué, comme le contexte économique et la SNCF elle-même
Si vous voulez lancer un débat sur la SNCF, n’hésitez pas à parler du document « RH 0001 ». C’est sous cette appellation que se cache le fameux « statut cheminot », que le récent rapport Spinetta entend supprimer pour les futurs employés. Aujourd’hui, environ 92 % des salariés de la SNCF (soit 140000 personnes) bénéficient du statut : outre l’emploi à vie, il offre des conditions avantageuses pour les départs à la retraite (52 ans pour les conducteurs, 57 ans pour les autres) et des « facilités de circulation », c’est-à-dire la possibilité pour le cheminot et sa famille de circuler quasi gratuitement sur le réseau SNCF (avec une limite de 4 à 16 voyages par an, les frais de réservation restant à leur charge). Si le rapport Spinetta juge que ce régime spécifique « pèse sur les coûts de l’entreprise », il n’en a pas toujours été ainsi. « Lorsque le métier de cheminot est apparu à la fin du XIXe siècle, les compagnies ferroviaires se sont rendu compte qu’elles avaient tout intérêt à s’attacher durablement une main-d’oeuvre rare et très qualifiée pour l’époque », rappelle Georges Ribeill, historien spécialiste du domaine ferroviaire. Le « statut » a donc été créé pour que les salariés restent fidèles à leur entreprise.
Concurrence à venir
Quasiment cent ans après la création du premier statut « unifié » des cheminots (en 1920), le contexte économique a bien changé. « Compte tenu de l’ouverture du transport de voyageurs à la concurrence [d’ici à 2023], la SNCF risque de se retrouver avec une main-d’oeuvre qui lui coûtera plus cher que ses futurs concurrents, puisque ces derniers n’auront pas les mêmes contraintes », avance Dominique Andolfatto, professeur de science politique à l’université de Bourgogne-Franche-Comté et spécialiste des syndicats. Par ailleurs, l’entreprise elle-même s’est transformée. « Le modèle qui a forgé l’idéal d’un cheminot disponible 24 h sur 24, voué à un service public exigeant, a évolué, note Georges Ribeill. Par exemple, les gares voyageurs sont fermées la nuit, faute de trains. Cependant, les équipes d’entretien des voies sont de plus en plus mobilisées la nuit, pour ne pas gêner les circulations en journée. Les contraintes et servitudes ne sont plus du tout les mêmes. Il faut donc revoir les conditions de travail, métier par métier. » Un statut « à la carte » qui ne semble pas être la voie choisie par le gouvernement.