« Né cinquante ans trop tard »
Antoine, bientôt trentenaire, se passionne pour les Bleus de 1958
« Comme tout le monde », Antoine Boyet (29 ans) a été marqué par le triomphe de la France au Mondial 1998. « Comme tout le monde », il a affiché dans sa chambre un poster géant de Zidane. Pourtant, ses idoles sont en noir et blanc. Nostalgique, pas mélancolique, il a développé une passion inattendue pour l’équipe nationale sélectionnée en 1958. «C’est la première grande équipe de France et, si on a gagné en 1998, c’est aussi grâce aux pionniers comme Kopa, Fontaine et Jonquet », se justifie le Champenois. La victoire au Stade de France face au Brésil a servi de déclic. «J’ai eu envie de tout connaître sur le foot, explique Antoine. Mes parents ont acheté une cassette VHS sur l’histoire de la Coupe du monde depuis les années 1930. Au moment où est évoquée l’équipe de France 1958, le commentateur cite tous les joueurs du Stade de Reims. J’étais hyper fier qu’on parle de ma ville. » Des images granuleuses et du générique kitsch, le jeune homme a gardé en tête une séquence bien nette de la VHS : « Le match perdu en demie contre le Brésil. Dans leur équipe, Pelé a marqué un triplé. J’aimais le foot monochrome à papy, les scores de loto et les commentaires à la voix nasillarde.» Antoine bricole même sa propre bible, avec les fiches des footballeurs, les équipes de l’époque. « Je lisais ça comme un Jules Verne, je rêvais de ces joueurs, confie-t-il. Fontaine, il a marqué 13 buts en 1958, c’est un record, ça m’impressionnait. » Just Fontaine, justement, a longtemps trôné dans les toilettes d’Antoine : « L’Equipe
avait interviewé des anciens joueurs des Bleus. Le titre de celle de Fontaine, c’était : “J’ai mis 13 buts, c’est pas mal pour un mec qui n’a pas de prénom.” Je l’ai encadrée.» Adolescent, son amour pour la génération 1958 se mue en fascination pour le Stade de Reims, la pépinière de ses idoles et le club de coeur de son père. «Ce n’était pas facile d’être supporter de cette équipe un peu nulle dans les années 2000, rigole Antoine. Mes potes me disaient que j’étais né cinquante ans trop tard. » Dans son école de commerce à Lille, les blagues se sont aussi enchaînées : « Beaucoup de vieilles gloires sont décédées dernièrement [Kopa, Piantoni, Sinibaldi] et, à chaque fois, mes potes m’ont présenté leurs condoléances sur Facebook.»
« J’aimais le foot monochrome à papy, les scores de loto… »
Antoine Boyet