20 Minutes (Strasbourg)

Des rapports à redéfinir

Depuis le mouvement de libération de la parole des femmes victimes de harcèlemen­t ou de violences, certains estiment qu’il est devenu plus compliqué de roucouler. Pas si sûr...

- Anissa Boumediene

L’affaire Harvey Weinstein va-t-elle troubler la Saint-Valentin, célébrée ce mercredi ? Depuis les accusation­s de harcèlemen­t sexuel portées contre le producteur américain, puis l’émergence des mouvements de libération de la parole des femmes #BalanceTon­Porc et #MeToo, certains estiment qu’il est devenu « impossible de draguer sans passer pour un harceleur ». « Maintenant, un climat de méfiance s’est installé », estime ainsi Maurice, un lecteur de 20 Minutes. Pour Eric Fassin, professeur de science politique à l’université Paris-VIII et sociologue spécialisé sur les rapports entre les sexes, les interrogat­ions des hommes sur leur façon de draguer montrent que « les règles du jeu de la séduction, au lieu d’être évidentes, deviennent problémati­ques. Et c’est une bonne chose. » « Il y aura peut-être des abus dans ce processus, mais le progrès sociétal est à ce prix », abonde Jean-François, un autre lecteur. Avoir conscience que ce n’est parfois simplement pas le bon moment ni le bon endroit – ni la bonne méthode – pour demander « s’il y a un 06 qui va avec ce beau petit cul » serait déjà une grande avancée.

Le respect avant tout

Selon les chiffres dévoilés en 2015 par le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh), 100 % des femmes en France affirment avoir subi au moins une fois dans leur vie une situation de harcèlemen­t sexiste ou une agression sexuelle dans les transports en commun. On comprendra donc aisément que, coincée dans un métro bondé, une femme aura tout sauf envie d’être abordée. Autrement, cela revient à « considérer l’autre comme un objet, dont le ressenti n’est pas pris en compte, insiste Muriel Salmona, psychiatre et présidente de l’associatio­n Mémoire traumatiqu­e et victimolog­ie. C’est d’ailleurs le propre de la discrimina­tion, sexiste notamment : ne pas se mettre à la place de l’autre. » La drague, celle qui a une chance de se transforme­r en jolie rencontre, est surtout une affaire de respect. « Nous, les femmes, savons faire la différence entre drague lourdingue et harcèlemen­t, tempête Dominique, une lectrice. Et les hommes qui respectent les femmes le savent parfaiteme­nt ! » Qu’avec les mouvements #BalanceTon­Porc et #MeToo, les femmes soient entendues « ne signe pas la fin de la séduction, rassure Eric Fassin. C’est la marque d’un changement dans la géométrie des rapports de séduction : plus d’égalité égale plus de désir. »

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 ??  ?? Savoir trouver le bon endroit et le bon moment pour draguer est un atout.
Savoir trouver le bon endroit et le bon moment pour draguer est un atout.

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