Les créateurs
Janine Abraham et Dirk Jan Rol aimaient le rotin, le métal, l’épure... et ils s’aimaient. Redécouverte d’un couple de designers qui a subtilement marqué les années et .
Dirk Jan Rol et Janine Abraham, mari et femme à la ville, étaient également un couple créatif qui, à coups de rotin et de lignes épurées, ont marqué le design des années 1960 et 1970.
Meudon, avenue du Château. Une perspective dessinée par André Le Nôtre. Les promeneurs empruntant cette avenue magnifique s’arrêtent devant le 34bis, intrigués par une construction moderniste enfouie dans la verdure. Là demeurent les Rol, le père, le fils, la petite-fille, trois générations d’architectes. Cette maisonatelier fut construite en 19681970 pour Janine Abraham et Dirk Jan Rol.
On redécouvrait récemment le travail de ce couple grâce à la parution d’une monographie accompagnée d’une exposition à la galerie Pascal Cuisinier. Le marchand parisien, enthousiaste, s’est donné pour mission de revaloriser la génération des designers qui se firent remarquer durant les Trente Glorieuses. « Les jeunes
loups » , comme les surnomme l’auteur du livre. Janine Abraham a disparu. Dirk Jan Rol était au vernissage, heureux de cette reconnaissance inattendue. Le Batave, 88 ans, la taille impressionnante et la barbe fleurie, a une mémoire infaillible et des idées plein la tête.
La rétrospective illustrait leurs modèles iconiques : le fauteuil Soleil en rotin, médaille d’or à l’Exposition universelle de Bruxelles en 1958, ou la banquette AR, minimaliste, qui, hop !,
se déploie pour faire apparaître deux petits lits. Grand succès. Elle fut produite en série. D’autres meubles sont restés pièces uniques, telle la chau euse en aluminium et rotin tressé. Sculpturale sinon confortable.
La souplesse d’une fibre végétale et la rigueur du métal, c’est le duo Abraham et Rol tout craché ! Janine, auvergnate, fille d’instituteurs, vient à la capitale pour être illustratrice, sort major de l’école Camondo. Lui, né aux PaysBas dans une famille de fermiers, se destine à l’ébénisterie. Arrivé à Paris pour compléter son apprentissage, il s’inscrit à l’école nationale des Arts Décoratifs. Ils se rencontrent en 1955 à l’agence de Jacques Dumond, se marient, travaillent main dans la main. Dans les années 1960, Dirk Rol se lance dans l’architecture. Il rêvait d’être paysagiste, les maisons qu’il dessine se fondent dans la nature, comme la leur à Meudon. Des lignes horizontales qui semblent se glisser à travers les arbres. Des baies vitrées dont les glaces sont collées pour éviter que des joints ne perturbent la vue.
Rol utilise les mêmes matériaux dehors et dedans, assurant ainsi une continuité entre intérieur et extérieur. Sur les murs : du béton, du crépi, des briques. « Janine ne voulait pas avoir à refaire les peintures tous les cinq ans ! » , confie le maître des lieux. Des bardeaux de bois foncé soulignent les façades mais aussi les faux plafonds. Le sol du salon est pavé de dalles de béton gravillonné. En 1969, le terrain mitoyen se libère. Ils cassent leur tirelire pour l’acquérir. Rol, pensant à leurs vieux jours, y édifiera un immeuble de rapport. Petite copropriété de quatre logements. Là encore la végétation est reine. Profitant de la pente du terrain – sept mètres –, Dirk Jan crée des décrochements, des toitures en débord, des ouvertures sur le paysage et, à chaque niveau, aménage des terrassesjardins. Remarquons- le, elles sont, toutes, abritées des voisins. Comble du bien-être.