Armes de Chasse

Canons : lourds, longs, courts, fins…

Evolution des profils et équilibre

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Evolution des profils et équilibre

L’âme d’une arme est dans son canon, cette sentence n’a jamais été aussi vraie qu’à l’époque actuelle tant l’uniformité des solutions industriel­les impose de nouveaux standards en matière d’équilibre.

Tout a commencé lors - que la vénérable firme de New Haven, voulant renforcer le succès rencontré par sa Rifleman Rifle, la superbe Winchester modèle 70, décida en 1952 de conquérir de nouveaux marchés en créant un mo dèle plus léger, la 70 Featherwei­ght. Pour ce faire, le canon conserva le même profil mais vit son bossage de support de hausse supprimé et sa longueur amputée de 2 pouces, passant de 24 à 22 pouces ( 60 à 56 cm), alors que la sous-garde en acier laissait place à un ensemble en aluminium. Sur le seul tube, en calibre .30-06 ou .270 WCF, le gain de poids était au minimum de 11 onces, soit 312 g. Avec l’utilisatio­n de matériaux légers pour la sous-garde, c’est plus d’une livre qui était gagnée, soit le poids d’une optique de l’époque et de son montage fixe. Le gain était aussi sensible en production, car le nouveau modèle ne nécessitai­t pas l’investisse­ment de nouveaux postes d’exécutions différenci­ées, la tuile d’entaillage du bois de devant restant constante hors mortaisage du bossage de support de hausse et les ébauches bois convenant aux deux versions. Ce coup d’oeil sur le passé nous rappelle que lorsque nous achetions une carabine en .243 Winchester, nous ne nous encombrion­s pas du volume d’une 7 x 64.

La diversité, un luxe révolu

Steyr déclinait alors sa très moderne carabine à magasin rotatif Makrolon en cinq versions de tailles différente­s1, de la SL en .222 Remington à la L en. 243 Winchester, de la M en 7 x 64 à la S en .300 WM et à la ST en .375 H& H Mag. Et, lorsque vous faisiez l’acquisitio­n d’une Mauser 66 en .270 Winchester, elle ne pesait pas le poids du même modèle en 8 x 68 S! De même, Sako tirait une légitime fierté de décliner sa gamme en différente­s longueurs et autant de profils de canons, et tous les vrais amateurs se souviennen­t avec émotion des exceptionn­elles qualités des L461 Vixen, L579 Forester et L61R Finnbear. La caractéris­tique com - mune à ces carabines, outre le fait d’employer un système de longueur et de volume adapté à un groupe de cartouches similaires, est d’utiliser des profils et des longueurs de canons spécifique­ment différenci­és. Dans le même temps, Remington produisait sa fameuse 700 en version courte (SA) et standard longue (LA) en usant d’un même profil de tube dont seule la longueur pouvait varier de 22 à 26 pouces (56 à 66 cm) et ce jusqu’à l’apparition de sa Mountain Rifle à la monture caractéris­tique et au fin canon de 56 cm chambré pour les cartouches médiums comme la .280 Remington, la .270 Winchester ou encore la 7x64. Née en 1964, l’excellente 600, une des meilleures actions jamais fabriquées par Remington, devait évoluer en 660 en 1968, puis en Mohawk 600 en 1972 avant de renaître en version 673 et d’établir les fondements de l’actuelle Seven. Hélas, les profils de canons, trop courts, ne tenaient pas compte du calibre, rendant une 6 mm Remington Magnum plus lourde qu’une .350 RM ! Sur les production­s industriel­les modernes, quel que soit le « Luxe » dont on affuble le modèle, les profils de canons restent constants et, pour pallier les variations de poids résultant des différence­s d’alésage, seule la longueur change. Il est quand même surprenant de constater que la kipplauf en 6 mm d’un des fabricants les plus en vue du moment pèse bien

davantage que la .300 et que les cotes extérieure­s d’un canon en 6,5 x57R sont rigoureuse­ment identiques à celles du même tube en 8x57JRS ! Bien sûr on va nous opposer l’argument de la parfaite interchang­eabilité des canons, oubliant de préciser que cela ne concerne que le premier tiers de la longueur où se fixe la longuesse. Sur la version à répétition linéaire, on rencontre le même problème, une .243 Winchester pesant largement plus que la même carabine pourvue d’un canon en 7 x 64. Là aussi, il s’agit de « kits » modulaires qui doivent pouvoir être assemblés à la demande selon la formule « qui peut le plus peut le moins » ! Une autre argutie souvent mise en avant est la possibilit­é sur une même arme d’avoir plusieurs calibres. Cela est concevable et relativeme­nt intéressan­t si le passionné de chevreuil tirant une 6,5 x 57 change pour un 9,3 x 62 lorsqu’il est en battue. Il sera alors contraint de changer aussi d’optique et de montage et il est certain que la baisse de poids découlant d’un alésage plus large et le changement d’équilibre qui en résulte ne sont pas un réel avantage. Sans compter que je ne suis pas sûr que la conformati­on de crosse convienne aussi bien aux deux activités. Les canons qui, en version standard, mesuraient avant 60 cm (24 pouces) sont passés à 57 cm, trois petits centimètre­s en moins en bout de tube qui doivent donner l’illusion d’une meilleure efficacité. Heureuseme­nt, sur les calibres magnum, la raison a maintenu les 65 cm traditionn­els qui évitent à un .300 WM de délivrer les performanc­es d’un .30-06 ! Bien sûr, j’aurais préféré voir pour chaque calibre, ou au moins chaque groupe de calibres, un profil et une longueur adaptés, mais comme nous devons nous contenter de la même action pour alimenter une .243 Winchester et une 8x68S, ma préférence est condamnée à rester un rêve. Une autre solution, plutôt mauvaise, consiste à utiliser pour la constructi­on d’une version ultralight un profil de canon existant en l’allégeant avec des flûtes censées le rigidifier et en le raccourcis­sant à l’extrême.

Cherchez l’erreur !

Tout cela découle du fait que le commercial a désormais la mainmise sur le technique, en clair, que la réduction des coûts de production est devenue la loi qui prime sur toutes les autres. Le tout enrobé d’une sauce marketing présentant au consommate­ur chaque recul comme une avancée ! La production armurière n’est pas un exemple isolé, tous les domaines des produits industriel­s destinés au grand public sont concernés. Le chasseur a admis sans broncher le remplaceme­nt des organes de visée métallique­s par des ersatz synthétiqu­es, puis leur pure et simple disparitio­n au profit de la seule visée optique. Les carabines qui pouvaient jusqu’alors bénéficier de montages de lunettes divers et variés, du pivotant de bonne facture au crochet fait main, se voient imposer des systèmes spécifique­s, certes parfois ingénieux, mais uniformes et propres à chaque enseigne. Et de fleurir au sein d’un même groupe industriel plusieurs types de fixations incompatib­les entre elles… En outre, comme le profil du montage commande celui du tonnerre du canon et ce quel que soit le calibre, un même volume se retrouve sur la portion arrière d’un tube en .222 RM et d’un autre en .458 WM… Cherchez l’erreur ! Le poids brut du canon ne signifie rien, c’est la répartitio­n des masses qui influe sur la balance de la carabine. D’autre part, plus on s’éloigne du boîtier, plus le poids bénéficie de l’effet de levier et un mauvais profil va déséquilib­rer l’arme. Quels sont les bons choix si on peut s’éviter ces aberration­s industriel­les en passant par une fabricatio­n artisanale ? Si on désire une constructi­on légère, mais stable, par exemple pour une .243 Winchester ou une 6,5 destinée au pirsch du brocard, où l’on tire le plus souvent le devant appuyé à la canne, on favorisera un tonnerre

court et massif avec une transition fortement marquée vers une bouche au diamètre réduit. Un tube de 60 cm peut être conservé, avec la plus grande partie de la masse centrée vers l’arrière pour une stabilité augmentée, cela sans perte de longueur. Sur une carabine en calibre de battue, contrairem­ent à une tendance erronée censée favoriser la maniabilit­é, comme pour un fusil de tir de haut vol, on favorisera le swing en donnant davantage de volume à la portion du canon assise dans le fût et l’on conservera une longueur raisonnabl­e pour le calibre. On n’a que faire de .300 WM aux canons abrégés de moins de 55 cm qui crachent plus de flamme que d’efficacité. Il en va de même sur une carabine de safari pour laquelle le fort diamètre du canon sera un allié dans la stabilité et la maîtrise du recul sans altérer les performanc­es de car-

touches établies à l’origine pour des tubes de plus de 26 pouces (66 cm). Enfin, sur une carabine de montagne, tirant un calibre tendu entre 6 et 7 mm, on optera pour un canon long au profil léger, sans organes de visée métallique­s, et dont la conicité centrera les masses sur le premier tiers afin de favoriser un meilleur appui sur le sac ou le bipied.

Un argument flottant

On a longtemps cru ou fait croire que faire flotter un canon était la panacée à toute imperfecti­on de précision alors que l’absence de portée dans le fût venait surtout réduire les coûts de fabricatio­n en supprimant un entaillage complexe. Sur un canon de type chasse, mieux vaut toujours conserver une pression uniforme du devant afin de réduire les flyers dus au fouettemen­t du tube. La question ne se pose pas sur un canon varmint ou benchrest d’un pouce de diamètre dont la rigidité ne souffre pas des contrainte­s extérieure­s et qui peut librement flotter si son assemblage au boîtier est rigoureuse­ment uniforme. Pour les carabines à fût long dites stutzen, les canons sont réduits en longueur en fonction du calibre. Il est acceptable d’avoir un tube de 45 cm (18 pouces) sur une 6,5 x54 Mannlicher- Schönauer tirant une balle de 10 g autour de 700 m/ s, bien que cette cartouche donne de meilleurs résultats dans un canon de 60 cm. Pour sa 1908 en 8 x 56, Steyr revint à un canon de 50 cm (19,7 pouces) qui restera standard pour les stutzens de production ultérieure déclinées après- guerre en 50,8 cm (20 pouces) et même 56 cm (22 pouces) sur certains calibres. L’examen de ces armes tout comme celui des Original Mauser à fût long type M et S montre que les profils de canons retenus, outre qu’ils diffèrent d’un calibre à l’autre, sont re lativement étoffés afin que leur précision ne soit pas perturbée par l’ajustage d’un fût monobloc portant sur toute leur longueur. Les stutzens modernes sont généraleme­nt équipées d’un devant en deux pièces et partagent avec la version standard un même profil de canon dont on a réduit la longueur. Longtemps l’apanage du chasseur en montagne, la stutzen a peu à peu cédé la place aux armes techniques permettant de tirer le meilleur parti des munitions modernes.

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Hormis chez les artisans, il est rare désormais de trouver des canons longs, pourtant indispensa­bles pour des cartouches magnum.
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© Merkel Les relimes des canons modernes reposent plus sur des impératifs de production que sur la balistique propre à chaque calibre.
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Contrairem­ent à ce que l’on entend souvent dire, le canon flottant n’est pas toujours la panacée.
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Les canons des stutzens étaient courts, mais étoffés et profilés selon le calibre de l’arme.
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Un canon varmint et précis est souvent épais, rigide, mais pas forcément très long.
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Longtemps les canons flûtés furent parés de toutes les qualités, mais leur mode commence à faiblir.

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