Armes de Chasse

Quel canon pour votre fusil ?

Choisir un fusil de chasse est encore plus difficile qu’avant. Une fois définie la marque, le modèle, le calibre, le type de crosse ou de gravure, alors que tout semble fini, il vous faut encore opter pour une longueur de canons. Et désormais ce sont quat

- Laurent Bedu

4 longueurs de canons et 4 cartouches comparées

Lorsque sont nés les fusils hammerless, il n’était pas rare que les canons des fusils de chasse mesurent 80 cm ou, pour les plus « légers », seulement 74 ou 76 cm. Puis, comme un pavé dans la mare, est arrivé le modèle XXV, un fusil inventé par le trublion Robert Churchill, un juxtaposé à platines Baker, léger et dont les canons ne mesuraient que 63,5 cm, soit 25 pouces, d’où le nom de cette arme. Il est difficile d’imaginer aujourd’hui combien le scandale fut grand. Il y avait de la part de Churchill comme un crime de lèse- majesté. Peu de chasseurs mesuraient vraiment les performanc­es des nouvelles poudres sans fumée et nombreux étaient ceux qui pensaient qu’avec des canons aussi courts la charge de plombs allait quasiment tomber à leurs pieds. De plus, ces canons courts choquaient, dérangeaie­nt, venaient en quelque sort remettre en cause les « canons de beauté » des armes de chasse juxtaposée­s. Cette époque nous semble aujourd’hui bien lointaine et le scandale complèteme­nt exagéré. Il est vrai qu’en France notamment nous sommes les rois des fusils allégés et qu’il n’est pas rare de rencontrer en sousbois un chasseur portant un fusil aux canons de 66, voire 61 cm seulement. A tel point que les fusils bécassiers et un grand nombre de superposés italiens ou même français sont disponible­s en plusieurs longueurs de canons, du standard de 71 cm au 66 et même 61 cm. Dans le même temps, venue d’Angleterre et de ses battues de faisans de haut vol, une mode des canons longs, 76 et 81 cm, gagne chaque jour de plus en plus d’adeptes. Voilà pourquoi vous avez souvent le choix entre quatre longueurs de canons pour une même arme : 61, 66, 71 et 76 cm. Quelle option choisir ? Faut- il privilégie­r le canon long pour tirer loin, le court pour tirer près ? La visée se trouvet-elle modifiée de l’un à l’autre et qu’en est-il vraiment des performanc­es balistique­s des canons courts et des canons longs ? Pour répondre à ces questions, il n’est qu’une seule solution : tirer une même arme avec quatre longueurs de canons différente­s et les mêmes cartouches sur des cibles placées à la même distance. Vous l’aurez compris, c’est au stand de tir que la

réponse nous attend. Rassurez-vous, nous n’avons pas joué de la scie à métaux. Nous disposions d’un fusil semi-automatiqu­e Beretta Urika et des quatre canons de longueurs différente­s pour lesquels il a été conçu : 61, 66, 71 et 76 cm. Avec l’avènement des chokes amovibles, il nous était facile d’utiliser le même rétreint ; nous avons opté pour le plus médian, le demi-choke.

Vous allez revoir vos certitudes

Côté munitions, nous avons utilisé deux bourres grasses de 32 et 36 g et deux bourres à jupe de 32 et 36 g, mais un seul numéro de plombs, le 7. Le tout fut choisi pour sa polyvalenc­e et sa présence dans toutes les cartouchiè­res de France. Nos cibles circulaire­s de 76 cm de diamètre ont été disposées à 25 m, une distance honorable et à partir de laquelle des différence­s se font souvent jour entre les munitions. Nous avons réalisé les essais à Anneyron, dans la Drôme, sur le site de Nobel Sport qui dispose d’installati­ons spécifique­s pour la me - sure et le contrôle des gerbes. Chaque cible a ensuite été divisée en six cercles concentriq­ues d’un peu plus de 12 cm d’épaisseur afin de nous permettre de juger de la concentric­ité de la gerbe ou, si vous préférez, de son caractère groupant ou dispersant.

Pour obtenir des résultats fiables, chaque test a été réalisé cinq fois. La cible que nous publions est la synthèse de nos cinq tirs, la cible moyenne en quelque sorte, calculée par l’ordinateur. Nous avons donc effectué 20 tirs par canon, soit 80 tirs au final, pour vous livrer cette étude. Le but étant d’avoir un échantillo­n assez vaste pour être significat­if et exempt d’une aberration ponctuelle toujours possible. Si j’insiste autant sur le nombre de tirs réalisés, c’est parce que certains résultats sont pour le moins étonnants, voire totalement opposés à ce que l’on imaginait, avec, d’une cible à l’autre, des groupement­s identiques entre un canon de 61 cm et un de… 76 cm. Le plus petit vient rivaliser avec le plus grand, à moins que ce soit le plus grand qui flanche et reproduise les cibles du plus petit. Voilà de quoi déstabilis­er les plus convaincus en termes de balistique, ébranler bien des croyances. De là à penser que les canons courts nous offrent les performanc­es des canons longs, il y a un pas que nous nous garderons de franchir. Car il est probable qu’avec un fusil Benelli ou Browning par exemple, avec un autre choke ou qui sait avec des cartouches d’une autre marque, nous aurions obtenu des résultats différents. Néanmoins, ce cliché d’un instant T donné par notre test a de quoi remettre en cause pas mal d’idées reçues. En balistique comme dans d’autres domaines, la prudence s’impose.

L’arrosoir n’est pas celui qu’on croit

Voyons de quoi il retourne. Les extrêmes se rejoignent si l’on en juge par les performanc­es du canon de 61 cm et de celui de 76 cm. Le plus petit et le plus grand dupliquent leurs résutlats à de nombreuses reprises : un pourcentag­e de plombs en cible identique et même un nombre identique de plombs dans les cercles concentriq­ues. Pourtant, le canon court est destiné au bécassier ou au chasseur de lapins qui évolue dans un sous-bois dense et touffu, tandis que le long est souvent dans les mains d’un chasseur de pigeons ou de faisans de haut vol. De quoi se poser bien des questions. Là ne s’arrêtent pas les surprises. Vous l’aurez peut-être deviné, si le 61 cm fait jeu égal avec le 76, c’est qu’il ne disperse pas autant qu’on peut l’espérer. Le 66 cm est ici bien meilleur. Avec les deux bourres grasses, notre fusil nous offre une gerbe large et dense, capable de répondre aux besoins d’un tir instinctif et souvent mal épaulé à courte distance. C’est avec lui que vous aurez le plus de chances d’accrocher cette bécasse qui vient de jaillir dans vos bottes et va déjà disparaîtr­e derrière un massif de buis. A très courte distance, ce canon est parfait. Quelle

que soit la cartouche utilisée, les deux cercles de périphérie de cible comptent le plus grand nombre d’impacts. Pour être tout à fait précis, ajoutons qu’avec les deux cartouches à bourre à jupe la différence entre les canons est nivelée, comme si la bourre à jupe venait compenser les différence­s de longueur par une meilleure obturation et un conditionn­ement compact des plombs. Dans tous les cas, les concentrat­ions sont meilleures avec la bourre à jupe. C’est la preuve qu’il est toujours possible de chasser des gibiers résistants et méfiants, comme le pigeon ou les perdreaux, avec un fusil à canon court si on compense cette faible longueur par une cartouche à bourre à jupe de qualité. Bien sûr, cela vous limitera en portée utile, pas question de tenter des tirs trop lointains.

Une histoire sans morale

Autre motif de surprise, même avec la bourre grasse, qui crée donc plus de différence­s d’un canon à l’autre que la bourre à jupe, certains résultats sont extrêmemen­t proches. Ainsi la 36 g à bourre grasse de notre essai se comporte de la même façon dans le tube de 66 cm et dans celui de 71. De là à en conclure que les petits canons doivent être la règle et que Robert Churchill était non seulement un bon armurier, non seulement un très bon tireur, mais aussi un visionnair­e, il y a tout de même un fossé. Certes, notre homme avait vu juste avec son canon de 25 pou

ces, qu’il présentait comme « la meilleure longueur existant pour le

tir au vol » , mais je ne suis pas sûr que cette règle fut tout à fait vraie avec les cartouches de l’époque. Encore une fois, nos résultats, aussi fiables et objectifs qu’ils soient, auraient été sans doute différents si nous avions employé un autre choke, des cartouches aux vitesses différente­s, plus rapides notamment. Bien sûr, vous attendez la morale de l’histoire… Je n’en ai pas. Je peux juste vous assurer qu’un fusil à canon court ou long n’est pas une « fatalité » . Une sélection de cartouches réfléchie et appliquée peut venir corriger un choix de longueur erroné en vous offrant des gerbes mieux adaptées à vos besoins. Si vous en doutez, prenez une poignée de cartouches et allez cibler votre fusil. Le temps passé ne sera pas du temps perdu !

 ??  ?? Pour la chasse devant soi, le réflexe est d’acheter un fusil aux canons de 71 cm. Est-ce judicieux ?
Pour la chasse devant soi, le réflexe est d’acheter un fusil aux canons de 71 cm. Est-ce judicieux ?
 ??  ?? Le Beretta Urika qui nous a servi à mener nos essais avec un jeu de trois canons supplément­aires.
Le Beretta Urika qui nous a servi à mener nos essais avec un jeu de trois canons supplément­aires.
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 ??  ?? Les chokes extérieurs permettent de rallonger légèrement vos canons.
Les chokes extérieurs permettent de rallonger légèrement vos canons.
 ??  ?? Des fusils et toutes sortes de longueurs de canons, désormais le choix doit aussi s’opérer ici.
Des fusils et toutes sortes de longueurs de canons, désormais le choix doit aussi s’opérer ici.
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 ??  ?? Au chien d’arrêt, un canon court est-il préférable à un long ou moyen ?
Au chien d’arrêt, un canon court est-il préférable à un long ou moyen ?
 ??  ?? Plus les canons sont longs, plus la visée sera aisée, un argument de poids en battue de haut vol.
Plus les canons sont longs, plus la visée sera aisée, un argument de poids en battue de haut vol.
 ??  ?? Lors des battues de faisans, en Hongrie ou en Angleterre, les chasseurs optent de plus en plus pour des canons de 76, voire 81 cm.
Lors des battues de faisans, en Hongrie ou en Angleterre, les chasseurs optent de plus en plus pour des canons de 76, voire 81 cm.

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