Le Triangle d’hiver
Minuit Certaines héroïnes apprécient les situations périlleuses et les chambres d’hôtel. Après avoir assassiné son psychanalyste sans raison apparente, la narratrice de Viviane Elisabeth Fauville (Minuit, 2012) se réfugiait dans une chambre de la rue des Écoles, à Paris. Deux ans plus tard, dans le Triangle d’hiver, Mademoiselle rêve d’un autre destin que celui de vendre des batteurs-mixeurs pour les magasins Darty. À partir de là, elle fonce du Havre à Saint-Nazaire, d’une chambre à l’autre. C’est le moment, se dit-elle, de changer d’identité. Pour déjouer une existence envahie de perspectives sinistres, Mademoiselle a son idée en tête. Devenir Bérénice Beaurivage, écrivain à succès, incarnée par Arielle Dombasle dans l’Arbre, le maire et la médiathèque, film peu connu et réjouissant d’Éric Rohmer, plus surprenant que Pauline à la plage et moins daté. Puisque Mademoiselle est une voleuse à la sauvette (échoppes diverses, poches de son amant la nuit…), elle saura s’habituer à sa nouvelle condition. Une fuite en avant. Quel est ce but qui l’obsède ? « Élire domicile ailleurs, dans la tête de Bérénice Beaurivage, dont vous ne savez rien sinon qu’elle paraissait, à l’écran, une femme que cela vaudrait la peine d’être, avec une vie facile, un bel amant, beaucoup d’argent. » Il va de soi que ce scénario caricatural tourne vite au fiasco. Le Triangle d’hiver est un trio – Mademoiselle, l’Inspecteur, la journaliste Blandine Lenoir en embuscade – qui navigue entre la désinvolture et l’accélération burlesque. Miroir déformant la réalité, architecture du nord et de l’ouest de l’Hexagone, autopsie ironique du jeu de la séduction : Julia/Bérénice Deck/Beaurivage poursuit méthodiquement son travail de marionnettiste.