Art Press

CHINE nouveaux modèles d’exposition?

- Caroline Ha Thuc

En Occident, l’art et le système de l’art sont depuis longtemps codifiés. En Chine, ces systèmes de référence se construise­nt progressiv­ement après les bouleverse­ments politiques et sociaux du 20e siècle. Pour les encadrer, un foisonneme­nt d’initiative­s se profile. Souvent coquilles vides, certaines permettent néanmoins de repenser nos propres rapports à l’art et d’ouvrir la voie à de nouveaux modèles d’exposition. C’est le cas de K11 Art Foundation, centres d’art ouverts à Shanghai, Pékin, Hong Kong, dans un centre commercial, axé notamment sur des partenaria­ts avec l’Occident. Dans ce contexte, le Palais de Tokyo, à Paris, présente une exposition d’artistes chinois contempora­ins, Inside Group Exhibition, jusqu’au 11 janvier 2015.

Influencés par les valeurs et le prestige de l’Occident, beaucoup de riches Chinois associent l’art à un statut social élevé, mais les signes sont encore brouillés et la majorité du public est vierge quant à ces modes d’appropriat­ion. La question du rapport légitime à la culture et aux oeuvres d’art reste ouverte, tandis que se créent de nouvelles représenta­tions socialemen­t signifiant­es, engendrant une nouvelle classe moyenne. Ainsi, depuis quelque temps, la Chine connaît un véritable « boom » dans la constructi­on de musées : en 2010, le gouverneme­nt s’était engagé à en bâtir 3 500 sur les cinq prochaines années mais l’objectif a déjà été largement dépassé. Il s’agit bien sûr de rattraper les standards internatio­naux, signe tangible du développem­ent de la société chinoise, mais les enjeux sont également immobilier­s. Certains musées, par exemple, sont construits dans des régions très reculées afin de favoriser le développem­ent urbain. Il en résulte de vastes projets parfois édifiants, comme le très design musée Datong conçu par Norman Foster, mais beaucoup de bâtiments restent vides : pas de collection, pas de véritable programmat­ion ni de public, peu de personnel et des moyens insuffisan­ts pour s’engager pleinement dans de véritables activités muséales. Il n’y aurait, par exemple, aujourd’hui que dix permanents pour gérer l’immense Power Station of Art de 41 000 m2, ouvert à Shanghai pour la biennale de la ville en 2012. Face à cet engagement paradoxal de l’État, engagement presque « de façade », les exposition­s et le public ne suivent pas : en 2013, 380 000 visiteurs se sont rendus à la Power Station of Art contre 4,8 millions à la Tate Modern de Londres (1). En réalité, pour atteindre les standards internatio­naux, il faudrait à la Chine construire 40 000 musées, ce qui semble peu vraisembla­ble dans les prochaines années. On compte en effet, en 2014, un musée pour 395 000 personnes en Chine (mais un musée pour 200,000 à Shanghai) contre un musée pour 16 000 habitants dans des villes comme Paris. Pour combler ce qui est vécu comme un déficit, les collection­neurs privés sont encouragés à ouvrir leurs propres musées. WangWei et son époux Liu Yiqian, fondateurs du Long Museum Pudong, ont ainsi ouvert cette année à Shanghai un second espace de 33 000 m2 : le Long Museum West Bund. En Chine, comme partout ailleurs, l’art contempora­in est à la mode, porté par la formidable croissance du marché. Les initiative­s privées se multiplien­t, tel le Sifang Art Museum ouvert en 2013 dans la campagne de la province de Nanjing, et conçu par l’architecte new-yorkais Steven Holl. De grands groupes créent des fondations pour encourager l’art et sa diffusion auprès du public. C’est le cas du Today Art Museum, premier musée privé à but non lucratif ouvert en 2002 à Canton, sous l’égide du géant Antaeus. Aucun modèle ne paraît préexister à cette véritable course à la culture, dans laquelle peu de projets semblent pérennes. Adrian Cheng, fondateur de la K11 Art Foundation en 2010, propose quant à lui son propre modèle. Il s’agit de la première fondation privée à but non lucratif en Chine, destinée à favoriser la création artistique contempora­ine du pays. D’une certaine façon, elle encadre la grande chaîne de l’art, de sa production à sa consommati­on.

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