MÉCÈNES AVEC OSTENTATION
Bernard Arnault affirme à qui veut l’entendre que la fondation est un « cadeau » à la Ville de Paris. Qui y croit ? Sûrement pas ces nouveaux collectionneurs-entrepreneurs qui, inspirés par son modèle, ne se limitent plus à l’acquisition d’oeuvres et au soutien aux institutions publiques, mais cherchent à additionner les moyens permettant d’afficher leur action. Il fut un temps où les mécènes se gardaient de toute ostentation. Ils se contentaient d’une note de remerciement dans un catalogue, d’un modeste logo. Aux États-Unis, où la tradition est ancienne, leur nom figure sur une simple plaque à l’entrée d’une salle de musée. Chez nous, désormais, ces nouveaux protecteurs des arts aspirent à la lumière. Brûlant de jouer un rôle visible sur la scène, ils multiplient les occasions d’y paraître, font étalage de leur collection, ouvrent des lieux d’exposition, créent prix, bourses ou événements susceptibles de promouvoir les artistes dont ils achètent les oeuvres… Précisons toutefois : il ne s’agit ni de s’en prendre à l’argent ni de prôner un désintéressement illusoire ; il s’agit de pointer les dérives en alertant sur une instrumentalisation croissante qui fait de l’art la vitrine d’un commerce. Par ailleurs, le temps des vrais mécènes n’est pas totalement révolu. Pensons à la Maison Rouge, la fondation reconnue d’utilité publique (sans but lucratif ni objectif de valorisation d’une marque) d’Antoine de Galbert, où ce dernier a attendu dix ans pour présenter une partie de sa collection et où, de plus, il invite régulièrement d’autres collectionneurs. Quant au mécénat d’entreprise, s’il n’est pas philanthrope, il peut être généreux. Ainsi, la Fondation d’entreprise Ricard n’a pas créé de collection, préférant offrir chaque année l’oeuvre du lauréat du prix Ricard au Centre Pompidou. De même, la Fondation Galeries Lafayette pourrait être un projet au service de la création et des créateurs, puisqu’elle s’annonce comme un lieu de production destiné à des artistes invités à présenter leur travail ailleurs, dans des institutions publiques pour lesquelles, comme on sait, l’apport de financements privés est vital.